Dans la maladie d’Alzheimer, la recherche thérapeutique s’est principalement concentrée sur les anti-amyloïdes, avec des succès mitigés. Une équipe a ciblé la protéine pathologique Tau en développant un peptide capable d’inhiber son agrégation. Un chemin à explorer !
La maladie d’Alzheimer est une protéinopathie neurodégénérative caractérisée par l’accumulation de plaques extracellulaires composées de peptide β-amyloïde (Aβ) et d’enchevêtrements neurofibrillaires intracellulaires de protéine Tau hyperphosphorylée. Ces agrégats protéiques sont responsables de la neurodégénérescence et du déclin cognitif associés à la maladie.
Au moment de la rédaction de cet article, seul l’anticorps anti-amyloïde donanemab a démontré une efficacité modérée en phase III, chez des patients atteints de démence légère, à la fois pour réduire la masse amyloïde et ralentir le déclin cognitif. Il a ainsi reçu une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis en juillet 2024 et en Grande-Bretagne le 23 octobre.
Inhibe l’agrégation de la protéine Tau hyperphosphorylée
L’inhibition de la formation d’agrégats intracellulaires de la protéine Tau, dont le rôle physiologique est de stabiliser les microtubules et de participer à l’intégrité du cytosquelette axonal, est également un objectif thérapeutique potentiel. Cela pourrait impliquer l’inhibition de la phosphorylation de Tau ou la réduction de l’expression de Tau à l’aide d’oligonucléotides antisens. A ce jour, à l’exception des dérivés du bleu de méthylène pour lesquels une phase III vient de s’achever (résultats non publiés), ces stratégies n’ont pas dépassé le stade pré-clinique.
Pour qu’un inhibiteur de l’agrégation de la protéine Tau soit potentiellement cliniquement pertinent pour toutes les tauopathies, il doit : 1) cibler non pas un mais les deux hexapeptides impliqués dans l’agrégation neurotoxique de la protéine Tau (275VQIINK280et 275VQIINK280afin d’inhiber l’agrégation des six isoformes de Tau ; 2) être stable contre la protéolyse ; 3) traverser la barrière hémato-encéphalique et 4) inverser vivant Phénotypes Tau dépendants de l’agrégation neurofibrillaire intracellulaire.
Un peptide rétro-inversé innovant, efficace et non toxique in vitro et vivant
Après un long travail de développement et de sélection, Aggidis et coll. présentent un peptide D* rétro-inversé (RI-AG03) réunissant toutes ces propriétés. Capable de se lier aux deux hexapeptides 275VQIINK280et 275VQIINK280il a montré sa stabilité et sa capacité, dans un modèle de cellules rénales embryonnaires humaines, à traverser la membrane cellulaire et à inhiber l’agrégation de Tau. De plus, dans un modèle vivant de mouches des fruits transgéniques souffrant de neurodégénérescence oculaire induite par Tau, le RI-AG03 administré dans l’alimentation s’est avéré capable d’inverser la désorganisation anatomique des yeux mais aussi de prolonger la durée de vie des animaux. Si in vitro ou vivantle peptide ne présentait aucune toxicité. Son mode d’action consiste à réduire la formation de feuillets bêta au sein des monomères Tau, c’est-à-dire des structures secondaires responsables de l’association parallèle de monomères puis, à un stade plus avancé, de la formation de protofilaments insolubles retrouvés dans les enchevêtrements neurofibrillaires intracellulaires neurotoxiques.
Les auteurs concluent en soulignant la capacité unique à ce jour de leur peptide rétro-inversé à inhiber les deux sites responsables de l’agrégation neurotoxique de Tau, plaidant pour des tests cliniques de ce peptide dans les tauopathies comme la maladie d’Alzheimer. , après validation dans un modèle animal mammifère.
* Un D-peptide rétro-inversé est un peptide composé d’acides aminés de la série D (et non L comme dans les peptides naturels) et dont la séquence primaire est inversée par rapport à un peptide de référence dont elle est donc l’image double dans un miroir.