Le soutien sans faille de l’héritière du clan Wagner au Troisième Reich

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Durant l’été 1914, toute la ville bavaroise de Bayreuth, en plein festival, résonnait, comme chaque année depuis 1876, avec les opéras de Richard Wagner. Winifred Williams, 17 ans, assiste, fascinée, aux représentations des mythes germaniques et nordiques du compositeur allemand, décédé près de trente ans plus tôt. Cette jeune fille d’origine anglaise, qui vit en Allemagne avec ses parents adoptifs, est tellement émue qu’elle adopte même un temps le prénom Senta, du prénom de la fille du capitaine dans l’opéra. Le vaisseau fantôme (1843).

Mais surtout, à Bayreuth, elle rencontre le chef d’orchestre Siegfried Wagner, 45 ans, fils du célèbre compositeur puis directeur du festival. A l’image du personnage romantique de Senta, Winifred rêve d’un destin hors du commun. Et ce sera le cas.

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L’héritage musical de Wagner et l’antisémitisme

L’année suivante, elle épouse Siegfried et rejoint le « clan Wagner », les héritiers et fidèles qui véhiculent la légende du compositeur. Elle découvre la villa familiale Wahnfried (« Paix des illusions »), autrefois ainsi nommée par le compositeur lui-même. Winifred s’imprègne de l’atmosphère de la maison, imprégnée de l’héritage musical de Wagner, mais aussi de l’antisémitisme virulent qu’il exprime dans son pamphlet Le judaïsme en musique (1850 et 1869). Cosima, la veuve du musicien, ne cache pas son penchant pour l’idéologie nazie grandissante. Sa fille, Eva, et son mari, le théoricien Houston Stewart Chamberlain, étaient de fervents lecteurs du quotidien Völkischer Beobachter (« Observateur populaire »), racheté en 1920 par le NSDAP (le parti nazi). Adolf Hitler, chef du mouvement, fut invité à Wahnfried fin septembre 1923. “Wagner est ma religion”, a déclaré Hitler à la famille. Le leader politique, alors âgé de 34 ans, avait une admiration sans limite pour le travail du musicien et ses idées. Il cherche le soutien de ses descendants et les informe du projet de coup d’État qu’il prépare à Munich. Winifred devient l’un de ses plus fidèles admirateurs, trouve avec lui des passions communes, lui parle de manière informelle et l’appelle « Loup ».

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Mais le 9 novembre 1923, Hitler échoue dans son putsch. Il passe neuf mois en prison, où Winifred Wagner lui envoie du papier pour machine à écrire pour son projet éditorial : un livre intitulé Mon Kampf (« Mon combat »). “Elle l’aurait encouragé à écrire, alors que son moral était au plus bas”écrit Fanny Chassain-Pichon dans De Wagner à Hitler : une image miroir de l’histoire allemande (éd. Passés Composés, 2020). À sa sortie de prison en 1924, Hitler était toujours considéré par Winifred comme « le sauveur du monde ». Selon l’historienne autrichienne Brigitte Hamann, auteur de La Vienne d’Hitler (éd. des Syrtes, 2014), elle a collecté des fonds pour le parti nazi avec son mari lors d’une tournée aux États-Unis. Un parti auquel elle adhère en 1926.

La relation entre Winifred Wagner et Hitler fait alors couler beaucoup d’encre. On leur attribue une idylle, jamais confirmée toutefois. Des images d’archives les montrent tout sourire à Wahnfried, où le chef du parti nazi se rend désormais régulièrement. « De nombreuses archives ont été détruites, rapporte Fanny Chassain-Pichon. On sait qu’il existe près de 200 lettres formant une correspondance continue entre Winifred et Hitler.

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Hitler devient le plus grand mécène du festival de Bayreuth

Le début des années 30 marque l’essor du duo. Adolf Hitler devient chancelier en 1933. Winifred, après la mort de son mari, tient les rênes du festival de Bayreuth. Qui se transforme peu à peu en un rassemblement mondain à la gloire du Troisième Reich… Toujours plus proche du clan Wagner, Hitler devient le plus grand mécène de l’événement, comme l’écrivait l’architecte nazi Albert après la guerre. Speer dans son autobiographie écrite dans la prison de Spandau :

Sans son aide financière, il n’aurait sans doute pas été possible de maintenir le festival.

Grâce à ce soutien, en 1939, alors que l’Europe s’enfonce dans la guerre, Mme Wagner, épaulée par le chef d’orchestre Heinz Tietjen, attire les solistes et chefs d’orchestre les plus en vue : Richard Strauss, Victor de Sabata, Maria Müller… Lors de ses apparitions au festival, Hitler est acclamé par la foule. De 1939 à 1945, Kraft durch Freude (« La force par la joie »), une organisation de loisirs contrôlée par l’État nazi, supervise désormais l’administration du festival que Winifred continue de diriger. Les performances musicales prennent alors des allures de meetings politiques. Dans le public, les soldats, les blessés de guerre, les ouvriers des usines d’armement et les infirmières sont les « invités du Führer ».

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Après la guerre, pendant la période des procès de dénazification, Winifred Wagner, appelée à répondre de ses actes, défendit bec et ongles l’indépendance de son festival. « J’ai toujours eu l’occasion de travailler avec des collaborateurs juifs ou de filiation juive, jusqu’à leur émigration », proclamera-t-elle. Fuyant la conviction, elle s’enferme dans un long silence qu’elle ne rompra qu’en 1975, dans un documentaire du réalisateur allemand Hans-Jürgen Syberberg intitulé Winifred Wagner et l’histoire de la maison Wahnfried de 1914 à 1975. “Si la Führer est apparu, je l’accueillerais comme l’ami qu’il a toujours été à la maison »elle déclare…

Suite à ses propos polémiques, elle fut définitivement exclue du festival et ne fut pas invitée au centenaire en 1976. Elle décéda en 1980, mais elle fut toujours enterrée à Bayreuth, ville où son destin fut à jamais scellé à celui de « Loup ».

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➤ Article publié dans le GEO History magazine n°74, Le nazisme et les femmesde mars à avril 2024.

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