Les parents du petit Edward veulent le meilleur pour leur enfant et paient donc des cours de piano. Malheureusement, ce dernier n’est pas vraiment content de ce projet et préfère se défouler lors des matchs de baseball avec son équipe, les Sénateurs. Mais sa carrière sportive connaît un arrêt brutal suite à une blessure au crâne, rapidement remplacée par le jazz lorsqu’il découvre le style ragtime du pianiste Harvey Brooks.
Une carrière bien remplie
Après des débuts prometteurs à Washington dans les années 1920, l’artiste décide de quitter sa ville natale pour New York. Là, il joue dans de nombreux clubs du quartier de Harlem, tantôt avec son groupe « The Duke’s Serenaders », tantôt en solo. Après la dissolution du groupe, Duke en crée rapidement un nouveau, assisté de Sony Greer, sous le nom de « The Washingtonians » et gagne rapidement en popularité. Ils sillonnent les États-Unis lors de nombreuses tournées, apparaissent en direct sur les radios de jazz et sont même engagés pour jouer au Cotton Club, le cabaret de jazz le plus exclusif de la « Big Apple ».
Duke fut lancé à toute vitesse sur la voie du succès mais fut contraint de ralentir à mesure que les années 1930 arrivèrent. La crise financière de l’époque se fait également sentir dans le monde musical et ses disques peinent à se vendre. Malgré tout, le duc et son orchestre ont survécu grâce à la radio, très populaire à l’époque. Dans les années 1940, le duc entre dans une nouvelle ère : il embauche de nouveaux musiciens dans son big band comme le saxophoniste ténor Ben Webster, signe un nouveau contrat d’exclusivité avec Columbia et enregistre une série de morceaux. Son plus grand projet est d’allonger les morceaux de jazz qui ont une durée limitée à 3 minutes et devient le premier jazzman à « morceaux longs ». Avec cet exploit, il élève ce genre musical au rang de musique « sérieuse » au même titre que la musique classique.
Au cours de sa carrière, Duke Ellington a composé plus d’un millier de chansons et collaboré avec de grands artistes comme la chanteuse Ella Fitzgerald en 1957, le pianiste (chef d’orchestre) Count Basie et le trompettiste Louis Armstrong en 1961, ou encore le saxophoniste John Coltrane en 1962.
Faire danser le monde entier… et Bordeaux
Il aura fait danser toute la société, les pauvres comme les riches, à travers le monde, en jouant dans les plus belles villes de la planète. A de nombreuses reprises, il débarque à Paris, dans les clubs populaires de la capitale.
« Quatre heures du matin chez « Maxim’s » : Duke au piano
C’est ce que nous disait le journaliste Denis Morellan dans les colonnes de « Sud Ouest » en 1958 après une représentation privée dans un club parisien : « Les grandes stars américaines du jazz ne jouent jamais de leur instrument en public en dehors des concerts, cela leur est interdit par contracter. De plus, cette photo est exceptionnelle. C’est dans la nuit du mercredi au jeudi. Duke Ellington vient de donner le dernier de ses quatre concerts à Paris. Il se retrouve avec les frères Jacques, Yves Montand, Claude Bolling et quelques amis chez Maxim’s, où, bien entendu, il refuse de s’asseoir au piano. Mais il est désormais 4 heures du matin, nous avons bu quelques whiskies… Et le Duc a abandonné. Il joue pour Claude Bessy, de l’Opéra, Maria Esteban, Colette Marchand et Daphné Dèle, star des ballets du Marquis de Cuevas. »
Ce roi du jazz a également fait escale à Moscou, Dakar… Mais aussi et surtout à Bordeaux !
En 1969, le « duc » était en ville pour le festival Sigma. Cette manifestation d’art contemporain s’est déroulée dans la capitale girondine chaque automne de 1965 à 1996 et avait pour ambition de remettre en question toutes les créations artistiques. Au fil des années, ce festival a acquis une réputation nationale et internationale comme étant l’événement culturel le plus avant-gardiste de France (après Paris). Lors du Sigma-5, 4 000 Girondins peuvent se vanter d’avoir assisté au concert d’« Un jeune homme de 70 ans » dans la salle mythique de l’Alhambra.
Mais ce n’est pas tout, en 1971, le musicien revient mais son surnom n’a pas changé, le « jeune homme » d’antan devient le « vieux Maître ». Ce nouveau régime n’enlève rien à la beauté du moment, et le public est toujours là comme on peut le lire dans l’article publié à l’époque : « Hier soir, à l’Alhambra, trois mille Bordelais étaient venus voir et entendre l’ancêtre. , le pionnier, l’un des derniers « grands » ».
Au cours de sa longue carrière, le « duc » est devenu un « dieu » du jazz et pour notre journaliste de l’époque, l’entendre s’apparentait à un acte religieux : « Un concert de jazz, c’est comme une messe. On y va avec la même intention de contemplation, agrémentée d’un peu de piété musicale et surtout beaucoup de joie. Et quand Duke est à Bordeaux, c’est un pèlerinage à ne pas manquer.
« Jazz en deuil, Duke Ellington est mort »
Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin. Et celle du « duc » arrive le 24 mai 1974. Il y a tout juste 50 ans, cette légende vivante rejoignait ses amis qui l’avaient précédé. Au lendemain de sa mort, « Sud Ouest » titrait « Le jazz en deuil, Duke Ellington est mort » et écrivait en première page : « Le pianiste, compositeur et chef d’orchestre de jazz de renommée mondiale Duke Ellington est décédé hier, à l’hôpital Columbia de New York. suite à une infection pulmonaire. De son vrai nom Edward Kennedy Ellington, celui que Gunther Schuller appelait « le plus grand compositeur américain », était âgé de 74 ans.
De nombreux hommages
Après sa mort, les hommages affluent, comme en 1978, lorsque Cat Anderson et six autres musiciens organisent un événement à l’Alhambra. Voici ce qu’on a pu lire dans le journal « Sud Ouest » : « Les sessions Bordeaux-Jazz présentent, sous l’égide de l’ADAMA, mardi 9 mai à 21 heures, à l’Alhambra : « Tributes to Duke Ellington » (Hommage à Duke Ellington ).
Depuis cet événement, les hommages et les orchestres ne manquent pas en sa mémoire. Le Duke Orchestra perpétue l’héritage de Duke Ellington depuis sa création en 2003. En 2012, l’orchestre s’est rendu dans la région, à l’Olympia d’Arcachon et a débuté son spectacle avec « Take the A Train », un incontournable du musicien.
Encore récemment, des groupes s’inspirent du style de ce jazzman légendaire, comme le Harlem Swing Orchestra, qui était en concert lors du Festival Fontdouce à Saint-Bris-des-Bois en Charente-Maritime en 2022.