Dès les premières pages de « Mykonos », l’auteure Olga Duhamel-Noyer l’annonce : l’île bat au rythme de la horde de touristes venus profiter de la mer, du soleil et des nuits interminables. Les quatre héros sont des jeunes hommes qui partent pour la première fois en vacances loin de chez eux.
C’est une semaine qu’ils comptent vivre pleinement. Insouciance, plaisir et désir sont au programme. Pour Christopher, dès le premier soir, un rendez-vous est pris avec une fille. Sebastian suivra avec une dose toujours croissante d’alcool, de désinhibition, de flirt et de préjugés. Pavel prend ses distances. Il est attiré par un autre rythme, puis il emmène avec lui un guide touristique qu’il feuillette tranquillement. Reste Jules, le plus effacé et pourtant le plus grand de tous, qui suit la bande sans trop se faire remarquer.
… l’inertie du groupe est toujours plus forte que la volonté individuelle.
Racontez l’histoire dans les coulisses
Les sept chapitres qui forment « Mykonos » racontent chacun l’histoire d’une journée, du mercredi au mercredi. Ainsi se déroule la semaine des jeunes hommes, où baignades et soirées périlleuses se succèdent de manière itérative. Dans une écriture implacable et épurée, l’auteur s’efforce de décrire des atmosphères, des impressions et des sensations de manière presque clinique.
Rien n’est épargné par ce qui se joue, mais aussi par la manière dont cela se joue. Il y a les scènes de sexe à l’extérieur des toilettes, non loin de la piscine, où les fêtards ivres se jettent dans l’eau sale. Il y a les canaux de cette même piscine où flottent d’innombrables mégots de cigarettes. Il y a du papier toilette accroché dans les ronces environnantes, là où des préservatifs ont été abandonnés. C’est les coulisses : Mykonos et son tourisme de masse, Mykonos et son plaisir à tout prix. Un hédonisme débridé.
Un regard lointain
L’auteur québécois est friand d’écritures dites « blanches ». Ainsi, lorsqu’elle évoque à plusieurs reprises les considérations homophobes des jeunes, elle le fait sans jamais prendre parti ni montrer le moindre signe de moralité. Regard lointain, affect mis à part, c’est le dos de la carte postale qui éclate alors sous les yeux du lecteur, captivé par le rythme du roman et l’intrigue qui se presse mais reste endormie, comme pour se faire désirer.
Bizarrement, une forme de malaise émane de « Mykonos » : pourquoi ces jeunes ont-ils si peur d’être abordés par d’autres hommes ? Pourquoi ont-ils peur d’être pris pour des homosexuels ? C’est de l’homophobie ordinaire que déploie ici Olga Duhamel-Noyer. Elle ne fait que reproduire ce qu’elle a observé des milliers de fois.
Dans un bar gay
Et puis, au milieu des soirées débridées et abrutissantes du « spring break », arrive l’invitation à une soirée très select organisée par Yannis, propriétaire d’un bar gay, attiré par la jeunesse insolente et la beauté des jeunes hommes. Ils se laissent tenter, surmontant leur peur de tomber dans une « embuscade ». La magie opère à travers le style et l’élégance. Séduite, la bande a l’air heureuse parmi les couples homosexuels grecs. Les hommes, tous barbus, impressionnent le quatuor plutôt léger et imberbe.
Ils ne dorment pas et ne marchent pas comme des morts-vivants privés du repos éternel.
Avec son roman « Mykonos », Olga Duhamel-Noyer nous entraîne vers un mouvement sans fin. Un texte avec des haut-le-cœur comme ceux parfois vécus en mer. Une histoire aussi à l’image des vagues, des vagues qui grandissent, mais qui ne retombent jamais et finissent par s’écraser sur les rochers.
Céline O’Clin/mh
Olga Duhamel-Noyer, « Mykonos », éditions Héliotrope, avril 2024.
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