Ce texte fait partie du cahier spécial Innover pour mieux soigner
Une équipe de scientifiques montréalais et français pense avoir découvert le mécanisme à l’origine de l’anorexie mentale. Cette découverte majeure pourrait bien déboucher sur un traitement qui pourrait changer la vie de millions de personnes (notamment de femmes) à travers le monde.
Au Québec, environ 10 % des femmes âgées de 13 à 20 ans souffrent d’un trouble alimentaire important, selon les statistiques recueillies par l’Université de Sherbrooke. On estime qu’entre 0,5 % et 4 % des Québécoises souffriront d’anorexie mentale au cours de leur vie.
Et parmi eux, un quart développeront les formes les plus brutales de la maladie, pouvant entraîner la mort, explique le Dr.r Salah El Mestikawy, professeur de psychiatrie à l’Université McGill et auteur principal de l’article publié en juillet dernier dans la revue Nature.
Le Dr El Mestikawy, qui a travaillé auparavant au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Paris, a mené avec ses anciens collègues français une étude qui s’étend sur près de 20 ans de recherche… et qui apporte de l’espoir aux femmes souffrant d’anorexie mentale, l’une des maladies les plus mortelles. maladies psychiatriques.
“L’anorexie est quelque chose d’assez stigmatisant, auquel il est difficile d’échapper pour le moment”, note le D.concernant Stéphanie Daumas, chercheuse en neurosciences à Sorbonne Université, et co-auteure de l’étude.
Un gène mutant
L’équipe de scientifiques a détecté la mutation d’un gène dans le striatum, une partie du cerveau impliquée dans la formation des récompenses et des habitudes, et qui est donc au cœur des maladies compulsives telles que l’anorexie. Ce gène provoque une diminution d’un neurotransmetteur appelé acétylcholine, qui à son tour entraîne une diminution d’un autre neurotransmetteur très important, la dopamine. Et c’est cela qui, combiné à certains autres facteurs environnementaux, rend certaines personnes vulnérables à un trouble comme l’addiction, le trouble obsessionnel-compulsif ou l’anorexie mentale.
“C’est un travail très important, car si l’on prend toutes les maladies mentales, il n’y en a pratiquement aucune dont on comprenne les mécanismes”, explique le Dr.r El Mestikawy, qui est également chercheur au Centre de recherche Douglas à Montréal. Prenez par exemple la dépression ou la schizophrénie : nous en savons beaucoup, mais nous n’en connaissons pas encore le mécanisme. »
“Il existe de nombreuses études sur de nombreux aspects différents de l’anorexie, mais cette maladie est souvent traitée au niveau métabolique”, ajoute le D.concernant Daumas. L’originalité de l’approche que nous avons adoptée est de la traiter au niveau central, en partant du fait que c’est peut-être un dysfonctionnement cérébral qui est à l’origine de cette pathologie. »
Dans l’étude menée sur des souris, les scientifiques ont administré aux rongeurs du donépézil, un médicament connu pour augmenter les niveaux d’acétylcholine et qui a été utilisé notamment chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Et en effet, le traitement a fonctionné puisqu’il a inversé le comportement associé à l’anorexie chez la souris.
De la souris à l’humain
Ce succès apporte un souffle d’espoir aux personnes souffrant d’anorexie, puisque l’effet a également été observé chez l’homme. Des psychiatres français et canadiens ont accepté de mener des études compassionnelles et de proposer un traitement par donépézil à certains de leurs patients, et les résultats sont significatifs. La psychiatre Leora Pinhas, qui mène des études sur ce sujet à Montréal et à Toronto, a administré le médicament à dix patients. Trois d’entre eux sont en rémission complète, et les sept autres ont vu leur état s’améliorer grandement, se réjouit le D.r El Mestikawy.
Des essais cliniques, comparant notamment les résultats des patients traités par placebo avec ceux ayant reçu le médicament, devraient être menés dans les prochains mois à l’Université de Columbia, à l’Université de Denver et à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris.
Le problème est que le donépézil a des effets secondaires assez débilitants, comme des crampes, des vomissements et de la diarrhée. Il est donc difficile de prescrire ce traitement au long cours pour le moment, notent les chercheurs.
Le Dconcernant Daumas travaille donc, avec son collègue chimiste Nicolas Pietrancosta, de Sorbonne Université, également co-auteur de l’étude, à modifier la molécule pour qu’elle ait des effets uniquement sur le système nerveux central, sans effets périphériques.
Cela pourrait prendre des années avant qu’un médicament puisse recevoir l’approbation du gouvernement et être utilisé officiellement pour traiter l’anorexie. Mais les chercheurs restent optimistes.
“Quand on trouve l’explication d’une maladie, on arrive à trouver des solutions”, explique le Dr.r El Mestikawy. En médecine, les exemples sont nombreux : quand on découvre les bactéries qui causent la peste et le choléra, finies les épidémies de ces maladies qui tuent des millions de personnes ! »
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