Gopal Dagnogo expose sa « Délectation morose » à Paris

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Gopal Dagnogo dans le studio photo de Julie Muzard à Maisons-Laffitte (Yvelines), en août 2023. JULIE MUZARD

« Délectation morose », c’est le titre qu’a choisi Gopal Dagnogo pour sa nouvelle exposition au 110 Honoré, galerie parisienne dirigée par Véronique Rieffel. « C’est une conception religieuse du plaisir dans la tristesse, de la plainte dans la mélancolie. Je trouve que cet oxymore résume assez bien les dissonances qui régissent nos sociétés, les contradictions qui régissent le monde schizophrène dans lequel nous vivons. »souligne l’artiste franco-ivoirien.

Et d’ajouter : « Un monde à la fois plus civilisé et plus violent, plus respectueux et moins tolérant, d’une hygiène maladive et cruellement toxique, farouchement libertaire et sournoisement liberticide. Un modèle civilisationnel en déclin, incapable d’introspection. »

« Symphonie des roses »

Le tableau n’est pas aussi sombre que ce constat pessimiste. La part sombre de l’humanité affleure rarement à la surface des toiles, même si la construction des œuvres peut dérouter ceux qui les regardent en faisant preuve d’une réelle liberté dans la composition faisant fi de la perspective chère à la Renaissance (du XIVee au 17èmee siècle). Véronique Rieffel a « j’ai adoré cette symphonie de roses, ce côté printanier, et je partage avec Gopal le goût des jeux de mots, au-delà des allusions culturelles et religieuses du titre de l’exposition.

Le galeriste a découvert le travail du plasticien lors du salon d’art contemporain africain 1-54 qui s’est tenu à Marrakech, les 24 et 25 février 2018 à La Mamounia. Grâce à un ami commun, le sculpteur ivoirien Jems Koko Bi, elle le rencontre et est séduite par son univers unique et son humour. En novembre 2019, encouragée par la directrice artistique du salon AKAA, Armelle Dakouo, Véronique Rieffel l’a présenté en exposition personnelle au Carreau du Temple, à Paris : ” Une boîte ! »elle se souviens.

  • « Deux citrons sur torchon », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 73 cm x 54 cm, 2024).

    « Deux citrons sur torchon », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 73 cm x 54 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Campbell's Soup », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024). « Campbell's Soup », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024).

    « Campbell’s Soup », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « All Stars », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024). « All Stars », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024).

    « All Stars », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Paysage », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024). « Paysage », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024).

    « Paysage », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Gordon's Dry Gin », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024). « Gordon's Dry Gin », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024).

    « Gordon’s Dry Gin », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Oyster Dinner », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024). « Oyster Dinner », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024).

    « Oyster Dinner », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 150 cm x 150 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Thermochimie », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 165 cm x 165 cm, 2024). « Thermochimie », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 165 cm x 165 cm, 2024).

    « Thermochimie », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 165 cm x 165 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Kub or », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 165 cm x 165 cm, 2024). « Kub or », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 165 cm x 165 cm, 2024).

    « Kub or », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 165 cm x 165 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Vache qui rit », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024). « Vache qui rit », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024).

    « Vache qui rit », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Adidas », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024). « Adidas », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024).

    « Adidas », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Heinz Beans », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024). « Heinz Beans », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024).

    « Heinz Beans », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Tournesols », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024). « Tournesols », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024).

    « Tournesols », de Gopal Dagnogo (acrylique et pastel sur toile, 180 cm x 180 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Ronde érotique n° 1 », de Gopal Dagnogo (technique mixte, dessin, peinture sur papier, 200 cm x 130 cm, 2024). « Ronde érotique n° 1 », de Gopal Dagnogo (technique mixte, dessin, peinture sur papier, 200 cm x 130 cm, 2024).

    « Ronde érotique n° 1 », de Gopal Dagnogo (technique mixte, dessin, peinture sur papier, 200 cm x 130 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Études improbables pour plus tard n°1 », de Gopal Dagnogo (technique mixte sur papier, 150 cm x 100 cm, 2024). « Études improbables pour plus tard n°1 », de Gopal Dagnogo (technique mixte sur papier, 150 cm x 100 cm, 2024).

    « Études improbables pour plus tard n°1 », de Gopal Dagnogo (technique mixte sur papier, 150 cm x 100 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

  • « Études improbables pour plus tard n°2 », de Gopal Dagnogo (technique mixte sur papier, 130 cm x 90 cm, 2024). « Études improbables pour plus tard n°2 », de Gopal Dagnogo (technique mixte sur papier, 130 cm x 90 cm, 2024).

    « Études improbables pour plus tard n°2 », de Gopal Dagnogo (technique mixte sur papier, 130 cm x 90 cm, 2024). Patrick Lafont de Lojo

Né en 1973 à Abidjan d’un père ivoirien et d’une mère française, professeur des beaux-arts et diplômé de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, Gopal Dagnogo s’initie très tôt à l’esthétique, dans un monde où les odeurs de gouache et de térébenthine mixte: «Je savais que je deviendrais peintre. Je rêvais de liberté, de musique et de peinture. » Grâce à deux de ses frères également diplômés des beaux-arts, il apprend la technique, sans oublier son goût pour la lecture des livres d’histoire de l’art.

A l’âge de 17 ans, il quitte la Côte d’Ivoire et arrive à Bordeaux, où il étudie dans un lycée de Philosophie et d’Arts Visuels. L’un de ses professeurs n’est autre que Jacques Abeille, écrivain connu sous le pseudonyme ouvert de Léo Barthe, influencé par le mouvement surréaliste auquel il a participé dans les années 1960 et 1970.

« Ma rencontre frontale avec l’art conceptuel »

« Il m’a appris avec patience à déconstruire les présupposés, à élargir le champ des possibles et à éviter de tomber dans le piège des facilités que j’avais pour le dessin et la couleur. Cela m’a amené, par exemple, à considérer l’œuvre de Basquiat autrement que comme les gribouillis d’un zigoto fortement drogué. Mais le véritable choc a été ma rencontre frontale avec l’art conceptuel au CAPC. [Musée d’art contemporain de Bordeaux], à l’automne 1991. Je me suis retrouvé soudain confronté à des murs couverts de rayures de 8,7 cm [de large], style bâche aveugle. C’était Daniel Buren. Il m’a fallu du temps pour m’en remettre. »se souvient le peintre.

En 1997, pour se former à d’autres techniques artistiques, il part au Burkina Faso, pays des fondeurs de bronze, pour apprendre la technique de la cire perdue (coulée de précision pour obtenir une sculpture en métal à partir d’un modèle en cire). Un séjour qui devait durer un mois, qui se transformera en résidence de trois ans. “Pour être honnête, j’ai fait très peu de bronze, mais je n’exclus pas d’y revenir un jour”il admet.

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Influencé par les grands maîtres de la Renaissance, Gopal Dagnogo l’est également par des personnalités plus farfelues qui se distinguent par leur audace, l’assurance de la ligne, la puissance des équilibres chromatiques: les postimpressionnistes Henri de Toulouse-Lautrec et Vincent Van Gogh, les expressionnistes autrichiens Egon Schiele et Oskar Kokoschka.

Dans ses natures mortes – thème classique et intemporel de la peinture – présentées au 110 Honoré, les poissons et les poules occupent une place de choix. Selon l’artiste plasticien, Animal de ferme, de George Orwell, dépeint à merveille cette animalité humaine. J’ai parfois le sentiment que nous vivons au cœur de cette dystopie. Et si notre monde n’était qu’un poulailler géant ? Tout le monde est occupé à choisir sa ration. Et, pour les plus ambitieux, le souci de convoiter la part de grain du voisin, dans le but ultime de l’asservir.

« Je savoure le « pitoyable-minable »

Il s’agit pour lui de rendre hommage à la banalité du quotidien, de mettre en valeur, de redonner une valeur émotionnelle à des objets à première vue inintéressants, mais indispensables à notre confort ordinaire. Son point de départ est souvent une ou plusieurs couleurs, sans esquisses ni dessins préparatoires.

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Quand Gopal Dagnogo est à court d’idées, « Il y a toujours moyen de « forcer » l’inspiration. Il suffit de salir la toile. Une tâche en appelle une autre. Puis un autre. L’image se construit toute seule. Mon rôle se limite alors à placer au milieu du joyeux bric-à-brac quelques éléments récurrents de notre quotidien : des bières, des baskets, des bouteilles, des citrons, d’étranges formules mathématiques… »

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En art comme en littérature, son penchant se porte vers les œuvres endommagées.. Il préfère Emile Ajar à Romain Gary, Ahmadou Kourouma à Gustave Flaubert. « J’aime quand ça frappe, quand c’est bosselé, comme Bukowski, Cioran ou Adiaffi. Je savoure le « pitoyable-minable », quand on sait rire de la misère et pleurer de la beauté humaine. précise-t-il.

Si les œuvres plastiques de contemporains comme le Sud-Africain William Kentridge, le Chinois Chen Zhen ou le Japonais Yayoi Kusama l’ont frappé, il vient de découvrir celles du Sénégalais Fally Sene Sow et “reste baba”.

Enfin, dès l’entrée du 110 Honoré, le visiteur est frappé par un fauteuil recouvert de son imprimé volaille rose et orange. Au premier étage, ils trouveront, raconte Véronique Rieffel, « une installation totalement improbable, réalisée sur placeet pour lequel Gopal s’est immergé jour et nuit, un peu comme en résidence, qui offre toute une galerie de visages extrêmement touchants.

« Délice morose », par Gopal Dagnogo, au 110 Honoré, 110 rue Saint-Honoré, 75001 Paris. Jusqu’au 1euh Juin.

Des fragments de bonheur bombardés, poème de Julien Delmaire sur les œuvres de Gopal Dagnogo (éditions 110 Véronique Rieffel, collection Bal.l.ades, 38 pages, 10 euros). Sortie le 24 mai.

Olivier Herviaux

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