Jouez, dites et respirez au festival Archipel à Genève

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Genève. Festival Archipel du 12 et 13-IV-2024
12-IV : 19h : Grande salle : Salle des Liquides ; concert en immersion multi-scènes. Œuvres de Laurie Anderson, Robert Ashley, Jessie Cox, Bryn Harrison, Tom Johnson, Sarah Nemtsov, Jennifer Walshe ; Ensemble Ictus et Contrechamps ; Nina Guo et Tarek Halaby, chant.
23h : Salle d’écoute / Concert Acousmonium ; Anne-Julie Rollet : Elle chante dans les moteurs des voitures, pour des sons fixes.
13-IV : 12h30 : Salle d’écoute : écoute partage : Céline Hänni. 15h00 : Centre d’intégration culturelle : Si jamais je deviens grand-mère, pour violon, alto baroque, voix, bande et électronique live ; Marta Forsberg, violon ; Alicja Pilarczyk, alto baroque. 18 heures ; laschulas. Du souffle et du son, pour quatre interprètes. Angélica Castelló (flûte Paetzold), Natalia Domínguez Rangel (électronique), Lorena Moreno Vera (voix) et Lucía Simón Medina (dessins). 18h30 : Salon d’écoute ; concert sur acousmonium ; Steven Kazuo Takasugi : Strange Autumn pour narrateur, percussionniste et électronique ; Skurril, Trapped Animals: an Allegory, Diary of a Lung, pour sons fixes. Ensemble Plus-Minus : Mark Knoop, chanteur ; Serge Vuille percussionniste. 19h : Grande Salle : Eric Wubbels : Si et seulement si ; Thrips : Maximilien Haft, Jan-Filip Ťupa, Gilles Grimaître. 22h30 : Salle de jeux / concert-performance avec flûtes et objets gonflables ; Arthur Chambéry, Lukas De Clerck, Ragnhild May.

Mené depuis quatre ans par le tandem Marie Jeanson et Denis Schuler, le festival Archipel de Genève entre en résonance avec la Maison communale de Plainpalais, proposant au public (petits et grands) spectacles, installations, concerts et ateliers, de midi à minuit.

L’air et le souffle, celui des humains et des machines éoliennes, traversent un premier week-end époustouflant qui s’ouvre sur une nouvelle version de Chambre Liquide, le concept original Ictus initié en 2009 auquel l’ensemble contrechamps genevois rejoint ce soir. Quatre podiums entourent le périmètre de la Grande Salle qui accueille l’ingénierie du son et ses spécialistes de la diffusion et de l’électronique live, Alexandre Fostier et Antoine Delagoutte, au centre de l’espace. Des petits tabourets en carton sont posés au sol, que vous pouvez prendre sous le bras pour vous asseoir à votre convenance ou changer d’angle d’écoute. Côté interprétation, le flux est continu, d’un podium à l’autre, enchaînant pendant plus de deux heures une quinzaine de titres qui s’affichent au mur avec le nom du compositeur. La « figure inspirante » et le fil conducteur de cette Chambre Liquide c’est l’Américain Robert Ashley (1930-2014) et son œuvre lyrique avec le texte : « Je me projette dans une sorte de rêve éveillé quand j’entends le mot posé sur la musique », dit-il. C’est la série télé Des vies parfaitesThé Banque (Crime sans victime) Et Le texte de l’indifférence (de l’improvisation) – réalisé avec le vidéaste John Sanborn qui est à l’affiche (sans la vidéo cependant), mettant en vedette la soprano Nina Guo (perruque blonde et tenue stricte), redoutable interprète, en dialogue avec son partenaire Tarak Alaby. Le débit de parole est vif, soutenu par le clavier complice de Jean-Luc Plouvier et les interventions plus sporadiques de la trompette (Susana Santos Silva) et du violon (Aisha Orazbayeva). On retrouve Nina Guo et son insolence inimitable dans Tri Amhran Et Chansons 1 & 3 (2019) de Jennifer Walshe ainsi que dans Le tambour est un arbre II par Jessie Cox, co-commissaire de Contrechamps et Ictus. La voix de Tarek Halaby est plus litanie et passe par un réglage automatique Ô Superman (1981) de Laurie Anderson.

Les pièces instrumentales, entre minimalisme et tendance conceptuelle (Bryn Harrison et Tom Johnson) sont l’affaire de Contrechamps, tandis que Laurent Bruttin est seul avec sa clarinette basse et ses pédales d’effets dans Amplification impliquée (2014), une pièce éruptive et sans concession de Sarah Nemtsov. La variété des propositions, l’investissement des interprètes et l’ampleur du son et de la lumière du décor font des merveilles dans un spectacle aussi festif que joyeux.

Le théâtre des voix se retrouve dans le travail de l’électroacousticienne Anne-Julie Rollet. Projetée sur l’acousmonium de la salle d’écoute, sa salle aux sons fixes Ça chante dans les moteurs des voitures, captive l’auditeur. Cela s’apparente au travail radiophonique ou encore documentaire où les témoignages liés à la question des normes sociales et de la santé mentale s’inscrivent dans un environnement économique sain. Dans les mêmes conditions confortables de la salle d’écoute et juste avant le déjeuner, la chanteuse et compositrice Céline Hänni nous fait partager sa passion pour la voix parlée comme pour la voix chantée, avec tout ce qu’elle véhicule d’énergie, de violence et de contestation ou voire d’intimité et de sensualité, à travers une liste très éclectique d’extraits choisis et diffusés sur les haut-parleurs. D’autres paroles et témoignages peuvent être entendus dans la pièce attachante de Marta Forsberg et Alicja Pilarczyk, respectivement violoniste et altiste baroque, dont la prestation a lieu au Centre d’intégration culturelle qui jouxte la salle communautaire de Plainpalais. C’est ici que s’est construit le projet, avec les personnes rencontrées et les histoires racontées dans toutes les langues, qui ont été enregistrées. Les voix sont traitées en direct (bouclage, filtrage, réverbération) par les deux interprètes qui jouent également de leurs instruments.

Le souffle et l’air propulsés par les moteurs, qui mettent en action les flûtes et les losanges, génèrent de belles polyphonies dans Machines de chambre #2, une installation de Matéo Luthy à écouter dans la salle de veillée. Le même mécanisme, avec flûtes et objets gonflables, est mis en scène dans la salle de jeux par Arthur Chambry, Lukas De Clerck et Ragnhild May, une installation qui donne lieu à d’autres déploiements spectaculaires, plus visuels qu’auriculaires. Étrange et sophistiquée est la performance/cérémonie de laschulas, un collectif féminin d’artistes sonores et visuels concentrés dans un même flux énergétique, respirant ou même haletant (Natalia Domínguez Rangel), le jeu de la flûte Paetzold (Angélica Castelló), le texte (Lorena Moreno Vera) et le dessin en cours sous le crayon de Lucía Simón Medina que l’on voit sur grand écran via une caméra en direct. Difficile cependant de comprendre le fond du propos défendu bec et ongles par nos quatre artistes.

La situation n’en est pas moins obscure, mais elle est drôle, en Étrange automne pour deux interprètes de l’Américain Steven Kazuo Takasugi, compositeur œuvrant dans le monde instrumental et électronique. Immobiles et le regard fixe, Mark Knoop, chanteur et Serge Vuille, percussionniste (Ensemble Plus-Minus) attendent patiemment que le public s’installe dans la salle d’écoute avant de se mettre au travail. Le premier lit le poème bilingue (allemand/anglais) du poète anglais Wieland Hoban tandis que l’autre manipule des feuilles de papier, générant bruit blanc, crépitements et autres frictions amplifiés par quatre microphones. Il contamine peu à peu le flow de son partenaire qui, à son tour, émet des bruits de gorge et autres bribes de paroles bloquées… Le concert monographique de Kazuo Takasugi est complété par trois pièces acousmatiques de belle facture, dont la dernière, Journal de Poumon (2006-2007) impressionne par la gestion spatiale des morphologies sonores

Le trio avec piano Si et seulement si de l’Américain Eric Wubbels s’éloigne des thèmes du festival, illustrant davantage ce qu’on pourrait appeler de la musique pure si tant est qu’elle existe ! Il retient néanmoins toute notre attention, examinant au sein d’un genre emblématique du répertoire les divisions infinitésimales liées à la microtonalité. C’est la variabilité/instabilité du son que le compositeur traque dans les huit mouvements d’une pièce qui dépasse l’heure. Il l’explore d’abord à travers la texture des cordes, bandes sonores incroyables qui déjouent nos habitudes d’écoute et dont le champ harmonique est varié par les deux instrumentistes. Le solo de piano au milieu du morceau est somptueux, rejoignant les sons inharmoniques des cloches dans le registre aigu de son registre. Certaines séquences sont sous haute tension, comme cette danse endiablée pulsée par la dernière touche atonale du clavier. Le son du piano bouge aussi (il « pleure » comme dirait Michaël Levinas) grâce à la colle sur les cordes qui perturbe les hauteurs. Wubbels les indique en hertz sur les partitions dont la notation est régie par des relations mathématiques prédéfinies. Superbe également ce « choral » de cordes sourdes infiltrées par les notes du piano. La performance des trois musiciens, Maximilian Haft, Jan-Filip Ťupa et Gilles Grimaître (Thrips) est extraordinaire, rehaussée par la cadence extravagante du violoniste qui clôture la partition dans un excès de geste insensé : Si et seulement c’est sans doute l’une des grandes émotions de ce week-end !

Crédits photographiques : © Archipel

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12-IV : 19h : Grande salle : Salle des Liquides ; concert en immersion multi-scènes. Œuvres de Laurie Anderson, Robert Ashley, Jessie Cox, Bryn Harrison, Tom Johnson, Sarah Nemtsov, Jennifer Walshe ; Ensemble Ictus et Contrechamps ; Nina Guo et Tarek Halaby, chant.
23h : Salle d’écoute / Concert Acousmonium ; Anne-Julie Rollet : Elle chante dans les moteurs des voitures, pour des sons fixes.
13-IV : 12h30 : Salle d’écoute : écoute partage : Céline Hänni. 15h00 : Centre d’intégration culturelle : Si jamais je deviens grand-mère, pour violon, alto baroque, voix, bande et électronique live ; Marta Forsberg, violon ; Alicja Pilarczyk, alto baroque. 18 heures ; laschulas. Du souffle et du son, pour quatre interprètes. Angélica Castelló (flûte Paetzold), Natalia Domínguez Rangel (électronique), Lorena Moreno Vera (voix) et Lucía Simón Medina (dessins). 18h30 : Salon d’écoute ; concert sur acousmonium ; Steven Kazuo Takasugi : Strange Autumn pour narrateur, percussionniste et électronique ; Skurril, Trapped Animals: an Allegory, Diary of a Lung, pour sons fixes. Ensemble Plus-Minus : Mark Knoop, chanteur ; Serge Vuille percussionniste. 19h : Grande Salle : Eric Wubbels : Si et seulement si ; Thrips : Maximilien Haft, Jan-Filip Ťupa, Gilles Grimaître. 22h30 : Salle de jeux / concert-performance avec flûtes et objets gonflables ; Arthur Chambéry, Lukas De Clerck, Ragnhild May.

 
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