Carte blanche à Olivier Niquet

Carte blanche à Olivier Niquet
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Depuis quelques temps, je constate une tendance dans le choix des sujets de discussion entre mes amis quadragénaires et moi. La nostalgie de notre adolescence commune a cédé la place à des problématiques plus matures.


Publié à 02h41

Mis à jour à 9h00

Olivier Niquet

Collaboration spéciale

Quand on dévisse quelques bouteilles pour discuter du sort du monde, il est question de rénovation de salle de bain, d’ouverture de piscine et de puissance des pompes de puisard (ou pompe pompe, comme on dit dans le monde du pompage) à l’heure où nous parlons. Au fil du temps, le pompe pompe est devenu un incontournable de nos soirées. On en parle au second degré, comme pour se moquer de notre condition de punks de banlieue.

Surtout, comme symptôme de notre déclin, nous parlons de problèmes de santé. Les nôtres, ceux de nos enfants, ceux de nos parents. Beaucoup d’histoires de rendez-vous reportés, d’impasses technologiques et de dossiers perdus dans une fissure. Une fissure aussi grande que la faille de San Andreas, si je me fie aux récits. Il faut dire que je suis maintenant en mesure de me forger ma propre opinion sur notre système de santé puisque j’ai gagné à la loterie de médecine familiale il y a un an.

Je ne savais pas à l’époque que mon premier rendez-vous marquerait le début d’une Annus horribilis (Je crois qu’on dit «marde année» en français). Ce n’est pas que le système m’ait déçu. Au contraire, c’était trop efficace. Pour marquer notre premier rendez-vous, mon médecin m’a invité à faire une petite prise de sang. Une sorte de pacte de sang pour sceller notre union. Je suis assez sportif et je mange principalement de la crème Budwig, donc je n’avais pas de mauvais sang jusqu’à ce que mon médecin m’appelle pour me dire que mon sang était mauvais. « Vous avez de la bilirubine au plafond, monsieur. »

Selon Doctissimo, ma référence en matière d’hypocondrie, la bilirubine est un pigment jaune présent dans la bile et en faible quantité dans le sang. Des niveaux élevés de bilirubine peuvent indiquer une cirrhose, un cancer, une hépatite et une pléthore d’autres choses pas cool, comme le dit le jargon. D’ailleurs, un excès de bilirubine peut provoquer une jaunisse, ce qui serait très regrettable pour mon légendaire teint pêche.

Les bouteilles consommées avec mes amis en voie de mononclisation ne seraient pas en cause. Je suis souvent à la limite des recommandations de Santé Canada en matière d’ivresse, avec une marge d’erreur de 2,6 %, 19 fois sur 20, mais je n’exagère pas vraiment.

Voyant cette bilirubine inflationniste, mon médecin m’a proposé de faire une deuxième prise de sang ainsi qu’une échographie. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à ne pas me sentir bien. Entre le moment du test et le moment où j’ai reçu les résultats qui révélaient que je n’avais rien de grave, j’ai passé la plupart de mon temps à imaginer quelque chose de sérieux.

À tel point que j’ai commencé à ressentir une gêne au niveau du foie. Un malaise dont l’ampleur était proportionnelle à la quantité d’informations que je consultais sur cet organe fascinant.

Même aujourd’hui, je n’arrive pas à faire la différence entre l’intestin, le côlon et un hot-dog et je ne parviens à localiser mon estomac que lorsque je l’ai dans mes talons. Mais je connais tous les secrets du foie.

Je pourrais même recommander les accords mets et vins les plus parfaits à Hannibal Lecter.

Cette idée qui tournait dans mon cerveau avait-elle fini par me rendre malade ? C’est un peu ce que soupçonnait mon médecin. « Avez-vous pensé, monsieur, que c’est peut-être juste dans votre tête ? », m’a-t-il dit, mais avec beaucoup plus de tact. Et que faites-vous pour lutter contre l’anxiété liée aux tests ? Nous insistons pour passer d’autres tests, comme un test épais. Et pourquoi pas une gastroscopie en plus ? Je ne déteste pas les caméras, mais je n’étais pas très enthousiasmé par l’idée que quelqu’un filme mes entrailles à l’aide d’un tube de la même taille. Tout allait bien partout, sauf le taux de bilirubine qui ne voulait pas baisser. Probablement une maladie génétique bénigne.

C’est dans des situations comme celle-là qu’on ne fait pas des tests pour le plaisir de faire des tests, m’a dit mon médecin. Le plus pathétique dans tout ça, c’est que je me croyais immunisé contre ce genre de situation. Mon beau-père était un expert en santé publique dont l’un de ses problèmes était le surdiagnostic. Notre société, de moins en moins tolérante au risque, a développé tellement de tests de dépistage que nous en sommes venus à traiter des problèmes de santé qui nous auraient tués à 138 ans ou à nous rendre malades à cause du stress à cause de résultats bénins. extraordinaire. En prime, les niais comme moi enlisent le réseau.

Moi qui me croyais imperturbable, moi dont l’esprit tourne généralement à la vitesse d’une roue de hamster sans hamster dedans, j’ai compris ce qu’un cerveau en rotation peut faire. Tranquillement, je commence à lâcher mon hypocondrie passagère, mais je dois encore persister avec moi-même pour me convaincre que cette gêne abdominale que j’ai à l’arrière de la tête n’est pas inquiétante. Lorsqu’on vous dit de ne pas penser à quelque chose, il y a de fortes chances que vous n’arrêtiez pas d’y penser. Les politiciens utilisent cette stratégie pour implanter des idées dans nos têtes, mais cela fonctionne aussi avec mon foie. Le bon sens n’y peut rien, malgré ce que dirait Pierre Poilievre.

Après toutes ces années à trouver mystérieuses des personnes anxieuses et stressées qui ne sont pas capables de « prendre sur elles », je comprends maintenant beaucoup mieux le pouvoir destructeur du cerveau. A tel point qu’avec le changement climatique, je commence à être assez stressé par ma pompe de puisard…

Qui est Olivier Niquet ?

Olivier Niquet a une formation en urbanisme. Chroniqueur radio, que l’on peut entendre dans l’émission Le jour (est encore jeune) sur ICI Première, il publie deux livres : Le club mal cité Et Les rois du silence : ce que l’on peut apprendre des introvertis pour être un peu moins bêtes et (peut-être) sauver le monde. Il est également scénariste et conférencier, en plus de contribuer aux sites tourniquet.quebec et sportngraphe.info.

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