« Écrits sur le cinéma » de Pauline Kael

« Écrits sur le cinéma » de Pauline Kael
« Écrits sur le cinéma » de Pauline Kael

Les critiques discutent de littérature avec deux livres de cinéma : Écrits sur le cinéma de Pauline Kael, un concentré d’un millier de page de méchanceté produite par l’une des critiques le plus connues du XXème siècle et Golden Eighties,  de Nicolas Brevière.

“Écrits sur le cinéma” de Pauline Kael

Née en 1919 en Californie, décédée en 2001 dans le Massachusetts, Pauline Kael a couvert près de quatre décennies de cinéma durant lesquelles elle s’est enthousiasmée, a protesté, défendu et a étrillé tout Hollywood à travers ses critiques aussi brillantes qu’assassines. Elle est probablement la critique de cinéma la plus connue et controversée, elle a fait – et défait – la réputation de bon nombre de metteurs en scène et d’acteurs. Kael fut en particulier l’un des principaux artisans à la fin des années 1960 de la promotion d’un certain cinéma européen (celui de Jean-Luc Godard, de Bernardo Bertolucci) puis de l’émergence des cinéastes du nouvel Hollywood (de Francis Ford Coppola à Robert Altman en passant par Martin Scorsese).

Avec Écrits sur le cinéma, les éditions Sonatine présente pour la première fois les textes de la plus célèbre, la plus acerbe et la plus jubilatoire des critiques américains, réunis en un seul volume. Un ouvrage de près de 1000 pages dans lesquelles s’égarer entre les noms d’acteurs, de réalisateurs et de films auxquels Pauline Kael a consacré des papiers.

Les avis des critiques

  • Murielle Joudet :Pauline Kael est un oasis de méchanceté. Ce que je trouve assez fascinant, c’est que tout n’est vraiment pas bon, mais cela fait du bien par rapport à la critique un peu sacralisée en . Kael a quelque chose de très profane dans sa manière de commenter. Cependant, l’ouvrage est très intéressant car il tend un miroir à ce qu’est devenu la critique aujourd’hui. On y voit des textes longs, ce qui est désormais assez rare. Avec ses écrits, Kael nous ouvre tout de même un autre monde où la méchanceté est une possibilité. Le livre m’a rendu assez nostalgique d’une période où l’on pouvait se permettre des critiques bien plus élaborées et où la méchanceté avait le droit de citer, loin des logiques de promotion commerciale. Aujourd’hui c’est impossible d’écrire comme elle dans les médias. Il ne faut pas assassiner les films gratuitement, on est surveillé par les distributeurs, etc… Mais je pense qu’il y a une hygiène de la méchanceté chez Kael qui se rapproche presque de la modestie dans le sens où finalement elle se permettait autant parce que l’influence de la critique n’est peut-être pas si importante. Le livre nous fait traverser l’arrivée d’un nouveau cinéma à travers le prisme d’une unique sensibilité. Mais ce qui intéressait aussi Kael, c’était la psychologie du public et celle de l’industrie. C’est quelque chose qui manque terriblement dans la critique aujourd’hui. Je dois reconnaître que son mélange de vulgarité et de sophistication m’a beaucoup plu.
  • Philippe Azoury :Si Pauline Kael était un parti politique, je pense que je serais dans l’opposition. Le livre est assez difficile, il fait 1000 pages, n’est pas introduit ce qui est peut-être une erreur de l’éditeur. Mais malgré cela c’est un livre que je conserverais. Kael est l’une des plus célèbre et connu des critiques de cinéma. Elle a surtout écrit entre 1967 et 1991 dans le New Yorker, où elle occupait une place assez incroyable considérant qu’elle y irritait la rédaction mais y conservait sa carte blanche. Globalement, je trouve qu’elle avait très mauvais goût, voire même qu’elle s’était trompée un peu sur tout. On disait d’elle qu’elle était souvent dans l’erreur mais jamais dans le doute. Mais le problème n’est pas tant qu’elle se trompe sur tous les films qu’elles jugent bon ou mauvais. Elle avait d’ailleurs l’habitude de ne jamais revoir deux fois le même film, elle écrivait tout sur la base de sa mémoire exceptionnelle. Mais deux choses étranges se distinguent sur Kael. Renata Adler lui disait d’ailleurs qu’elle écrivait assez mal, n’était bonne finalement que dans l’invective. Et puis, au fur et à mesure du livre, on perçoit l’écriture de Kael qui évolue, qui devient moins méchante et finalement moins intéressante. Car c’était dans la méchanceté qu’elle arrivait à être vraiment froide et synthétique.

Le livre a paru aux éditions Sonatine et est traduit de l’anglais (US) par Aurélia Lenoir, Philippe Aronson, Fabrice Pointeau et Julie Sibony.

“Golden Eighties. La guerre entre Louis de Funès & Marguerite Duras n’aura pas lieu” de Nicolas Brevière

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L’acteur français Louis de Funes sur le tournage du film “L’aile ou la cuisse”. L’acteur français Louis de Funes sur le tournage du film “L’aile ou la cuisse”.
© Getty[–>– © Sunset Boulevard

Producteur de films, Nicolas Brevière s’est plongé dans la décennie 1980, période foisonnante, passionnante, emblématique de l’évolution de l’industrie et du patrimoine artistique du cinéma français. Une période riche en bouleversements, dont les effets se font encore sentir de nos jours.

C’est à la suite de plusieurs années de recherches et de nombreux entretiens avec des producteurs de l’époque qu’est née l’idée de cet ouvrage. Un écrit retraçant, année après année et sur dix ans, tous les grands combats qui ont émaillé la décennie, et dont on ressent encore les secousses sismiques aujourd’hui. Un essai qui ne serait ni « théorique », ni un guide pratique sur la production de films, ni même une compilation d’anecdotes, mais plutôt un portrait vivant d’un certain âge d’or du cinéma français.

Les avis des critiques

  • Philippe Azoury :Je trouve que Nicolas Brevière remplit un vide de façon très intéressante. Ce livre tient l’archéologie de ce cinéma dont nous voyons aujourd’hui les vices et les vertus. Les golden eighties sont la décennie d’une mutation totale du cinéma, avec l’arrivée de magnétoscopes, de la télévision. Mais pour en revenir au titre de l’ouvrage, Nicolas Brevière explique que cette guerre que l’on a cru possible entre le maximum du cinéma d’auteur incarné par Duras et le cinéma de Funes, plutôt fait pour tous, n’a pas eu lieu. Car l’arrivée des USA sur le marché a poussé l’industrie à soutenir tous ses films sans exceptions, sous peine de les voir tous couler. Golden Eighties est un livre qui n’est pas ennuyant, comme ils le sont souvent lorsqu’ils sont dans ce style-là. Car Nicolas Brevière a fait ses armes chez Argos film, une immense boîte de production. Il sait alors exactement de quoi il parle, de cette aventure complète qu’est la création d’un film. Il nous illustre également dans ses derniers chapitres, tout à fait passionnant, ce moment de bascule où la critique française saisit qu’elle n’a plus vraiment d’influence sur le public français.
  • Murielle Joudet :C’est très rare d’avoir un livre qui aborde le cinéma sous un prisme intellectuel. Golden Eighties est un ouvrage très instructif qui m’a fait mon éducation. C’est un pavé d’utilité publique. Si je devais donner un petit défaut à ce livre, je dirais qu’il contient énormément d’informations, parfois trop. Il essaye d’être exhaustif, en devient impressionnant mais aussi assez dense. On y sent un désir de tout raconter, presque jour par jour sur l’état progressif de l’industrie de l’audiovisuel. Il est évident que Nicolas Brevière est tombé dans un amour total pour son sujet. Il replace le cinéma à chacune de ses étapes de création, en détaillant également les effets pervers qu’a eu l’intégration de la télévision sur le champ cinématographique. Golden Eighties nous fait envisager le cinéma autrement.

Le livre a paru aux éditions Carlotta et est préfacé par Nathalie Coste Cerdan.

Extraits sonores

  • Lecture d’un extrait tiré de Écrits sur le cinéma de Pauline Kael, faite par Oriane Delacroix
  • Archive de Pauline Kael – Deep Focus, 2017
  • Mash-up de films des années 80 : Les bronzés font du ski (1979) / Les nuits de la pleine lune (1984) / Mon oncle d’Amérique (1980) / Un monde sans pitié (1989) / L’homme blessé (1983) / 37.2 le matin (1986) / Sans toit ni loi (1985)

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