Après l’effervescence du centenaire et la très belle exposition Alpine, le musée des 24 Heures du Mans continue sa dynamique en nous proposant un nouveau sujet sur un constructeur revenu dans la Sarthe après un âge d’or dans les années 90 : McLaren. Car oui, la marque Woking n’a pas produit que des (géniales) Formule 1 ! En voici la preuve.
Bruce avant McLaren
S’intéresser à l’histoire de McLaren, c’est avant tout s’intéresser à l’histoire d’un homme : Bruce McLaren. Pilote néo-zélandais né le 30 août 1937 à Auckland, il gravit les échelons du sport automobile puis dans son pays puis en Europe jusqu’à arriver en Formule 1 en 1959 avec l’écurie Cooper pour laquelle il court pendant six ans. Bruce fut un très bon pilote et détena très longtemps le « record » du plus jeune vainqueur en remportant, à 22 ans, le Grand Prix des Etats-Unis 1959 sur le circuit de Sebring.
Durant cette période, il court également en endurance, notamment à Daytona et au Mans pour, entre autres, Aston Martin et Ford. Il fait également partie de l’équipe qui a développé la légendaire GT40 et a remporté le classique Mancelle en 1966 avec cette voiture. Un premier lien avec Le Mans qui explique la présence d’une belle GT40 d’un blanc immaculé à l’ouverture de l’exposition.
Les premières McLaren
Inspiré par l’aventure de son ami Jack Brabham (et ancien coéquipier de Cooper), il s’est aventuré à lancer sa propre équipe. Ainsi la structure « Bruce McLaren Motor Racing Ltd » est fondée en 1963. Avec sa marque, il remporte ses premiers succès en CanAm (série de sports prototypes en Amérique du Nord) avec des châssis Cooper.
Mais son grand désir était aussi de construire ses propres voitures, car Bruce était aussi un très bon mécanicien. L’Elva M1A est la première voiture de course conçue par les ateliers de la marque en 1965. Conçue parce que McLaren n’a pas encore tous les moyens pour la construire et elle s’est donc associée au petit artisan britannique Elva. Conçu pour répondre à la réglementation Groupe 7, il préfigure les prototypes ouverts qui feront fureur dans les années 70.
Bruce McLaren veut aussi la Formule 1 pour sa marque, il peut enfin la « construire » lui-même. Il quitte donc Cooper et lance la M2B, sa première monoplace, en 1966. McLaren sait s’entourer et recrute pour sa voiture un jeune ingénieur ayant travaillé sur le projet aéronautique Concorde. Son nom : Robin Herd.
L’influence de l’aviation se fait sentir sur la définition du châssis des voitures avec l’utilisation de matériaux composites ou « sandwich » comme la mallite pour la carrosserie. Bon, soyons honnêtes, le M2B n’a pas été une réussite sur le plan sportif mais c’est ce qui a le mérite de lancer la marque en Formule 1 et insuffle déjà l’esprit d’innovation et de recherche.
Cependant, McLaren connaîtra bientôt le succès. Bruce aura l’immense joie et l’honneur d’ouvrir le palmarès de son équipe en 1968 lors du Grand Prix de Belgique sur le très sélectif circuit de Spa-Francorchamps (en version 14,1km à l’époque, avec entre autres le fameux et redouté virage Masta).
D’autres succès viendront rapidement s’ajouter, notamment avec un autre « kiwi », le champion du Monde 1966 Denny Hulme qui avait rejoint l’aventure de Bruce en 1968. Un M14A de 1970 poursuit l’exposition. Avec cette belle et joyeuse teinte « papaye » elle nous rappelle les couleurs originales de l’équipe.
La M14A débute brillamment sa carrière avec deux deuxièmes places à Kyalami pour le fidèle Hulme et en Espagne pour le « patron » Bruce McLaren. Malheureusement, ce sera le dernier podium de Bruce en Formule 1, il mourra des semaines plus tard. Le 2 juin 1970, Bruce McLaren teste l’un de ses prototypes CanAm lors d’une séance d’essais privés sur le circuit de Goodwood. Le capot du prototype s’est envolé, déséquilibrant la voiture. Elle heurte le rail très violemment, Bruce meurt sur le coup.
Une période compliquée commence pour l’équipe, reprise par Teddy Mayer qui était jusqu’alors directeur sportif mais aussi bras droit et grand ami de Bruce Mc Laren. Les deux hommes avaient couru ensemble en Formule Tasmane à l’autre bout du monde.
Malgré les événements douloureux, Teddy Mayer parvient à maintenir le cap. Il trouve le soutien d’un cowboy du tabac pour que les finances ne soient pas « gravement gâchées » et l’équipe remporte ses deux premiers championnats des pilotes avec Emerson Fitipaldi en 1974 et James Hunt en 1976.
Mais la fin de la décennie est compliquée, les résultats sont clairement en berne. Le M28 présent dans l’exposition ne sera accroché que sur un seul podium. Le sponsor rouge et blanc met Mayer sous pression pour que Ron Dennis prenne le relais, ce qui arrivera fin 1980. Relégué à des rôles mineurs, Teddy Mayer quitte McLaren deux ans plus tard.
McLarne à l’ère du Projet 4
Commence alors l’ère Don Dennis, sûrement l’une des plus belles et glorieuses de l’histoire de l’équipe. Rien que le nom des pilotes comme Lauda, Prost, Senna ou encore Häkkinen vous rappellera les voitures rouges et blanches (grise et noire à la fin des années 90) et surtout leurs succès.
Dennis parvient à obtenir les meilleurs moteurs pour McLaren : Tag-Porsche, Honda, Mercedes… les victoires et les titres s’accumulent depuis plus de 20 ans. Le MP4/23 de 2008 conclut la série « monoplaces » de l’exposition. C’est avec cette monture qu’un tout jeune pilote britannique va glaner sa toute première couronne mondiale, un certain Lewis Hamilton.
Retour au Mans
Face à l’ancien Champion du Monde, on revient dans les années 70 et une touche de papaye grâce à une jolie et impressionnante M8F. Un prototype CanAm propulsé par un Chevrolet V8 de 8 litres. Le M8F est impressionnant mais aussi puissant ! Peter Revson et Denny Hulme (encore lui) ont terminé respectivement premier et deuxième du championnat de 1971. La version « F » est le point culminant de la série de prototypes McLaren M8 en CanAm. Elle démontre également la prise de conscience et les progrès en matière d’aérodynamisme au niveau du museau, de l’aileron arrière, des ailerons et des prises d’air latérales…
Nous entrons maintenant dans la deuxième partie de l’exposition temporaire. Oui deuxième partie, car cette exposition temporaire est extraordinairement riche. 13 voitures y sont présentes, contre 5 ou 6 habituellement.
Dans l’espace habituellement réservé aux expositions temporaires on zoome sur les années 90 et l’endurance avec non pas une, pas deux… pas même trois mais quatre McLaren F1 GTR ! 4 McLaren avec 4 décorations différentes pour celle qui fut une reine des courses d’endurance et de GT comme en témoigne son palmarès au Mans ou dans les courses BPR.
Leur point commun est d’avoir participé et terminé les 24 Heures du Mans 1995. Nous avons donc le jaune « Harolds » et le bleu « Gulf » qui terminent respectivement 3ème et 4ème. Le bleu Gulf est bien sûr un clin d’œil à la glorieuse 917 (déjà exposée au musée) ainsi qu’aux prototypes Mirage.
Face à ce duo déjà très sympathique, on retrouve les deux autres F1 GTR. A droite une voiture qui a terminé « seulement » 13ème mais qui se démarque par sa décoration puisqu’il s’agit d’une Art-Car : la célèbre McLaren « César ». Celui qui a « tatoué sur sa carrosserie » la compression des trophées d’Hervé Poulain par César est une réalisation de Filipovitch (qui a, pourrait-on dire, un petit palmarès en ArtCar). César ne l’a signé qu’à la toute fin.
A gauche nous avons la « dernière » McLaren du quatuor… dernière entre guillemets car la noire Ueno Clinic n°59 a parcouru pas moins de 298 tours du circuit sarthois entre les mains expertes de Yannick Dalmas, Masanori Sekiya et JJ Lehto et surtout franchit la ligne d’arrivée des « 24 Heures » 1995 en vainqueur. Un vainqueur au Mans !
Quelques petites anecdotes historiques dans toute cette histoire. Tout d’abord, si les McLaren étaient propulsées en Formule 1 par le constructeur allemand Mercedes-Benz, les GTR étaient propulsées par un V12 d’origine allemande de… BMW ! McLaren travaillait donc avec deux « frères ennemis » en même -.
Le projet GT est lancé en 1991 sous le crayon de Gordon Murray, avant de signer avec Mercedes. Et si la McLaren F1 GTR ne s’est imposée qu’une seule fois dans la Sarthe, sa BMW S70 V12 s’est à nouveau imposée 4 ans plus tard, en 1999 dans le prototype bavarois V12 LMR. Yannick Dalmas était toujours dans le dossier. Enfin, McLaren, en remportant Le Mans en 1995, a réalisé la « triple couronne des constructeurs en s’imposant dans son histoire à Indianapolis, Monaco et Le Mans !
Parmi les F1 GTR se trouve une petite pépite qui passerait presque inaperçue, même s’il s’agit quelque part de la première McLaren routière, que j’ai baptisée M6 GT. Les prototypes McLaren connaissent un grand succès en CanAm, et la M6A brille particulièrement en 1967. Cela donne à Bruce McLaren l’idée de lancer une voiture de route pour participer aux courses GT.
Propulsée par un Chevrolet V8, elle voulait devenir la GT la plus rapide du monde. Bruce utilisait régulièrement le prototype roulant M6 GT pour ses déplacements quotidiens. Mais la contrainte par la FIA de produire 50 exemplaires pour homologation et la disparition de Bruce McLaren entraîneront l’arrêt du projet. C’est donc une voiture unique que nous avons sous les yeux.
Enfin, un dernier petit plaisir, un ex-Lando Norris MCL35M de la saison 2021. Il est ici habillé de la livrée Gulf. De la M3B à ce « 35M », on mesure ici le long parcours de McLaren en monoplace, et aussi la longueur des Formule 1 d’aujourd’hui (entre paquebot et barge, mon cœur bat).
Mais entre ces deux monoplaces c’est aussi toute la gloire et le palmarès de McLaren qu’il faut retenir. McLaren l’Homme et McLaren la marque. Une histoire et un nom qui s’est construit et continue de se construire… un nom pour l’éternité.
« McLaren, un nom pour l’éternité », exposition temporaire du 14 décembre au 7 juillet 2025
Musée des 24 Heures du Mans
9 place Luigi Chinetti
72100 Le Mans
Informations et tarifs sur le site officiel du musée.