1. Quels sont les risques éthiques ?
Laetitia Pouliquen s’inquiète des conséquences possibles de cet investissement massif des États-Unis dans l’IA. “Grâce à leurs centres de données et à l’accès à une énorme puissance de calcul, les États-Unis domineront les technologies de l’IA pour les années à venirdéclare-t-elle. Les Américains pourraient même éliminer la Chine. De son côté, l’Europe est déjà sur la touche. Je crains donc que le retard technologique de l’Europe ne l’amène à accepter des utilisations contraires à l’éthique de l’IA développée aux États-Unis.».
Et de citer les applications de surveillance ou encore les implants intracérébraux dopés à l’IA. “Ce type d’implants peut contrôler la pensée et a déjà été testé sur des animauxspecifies Laetitia Pouliquen. Ils permettent par exemple de donner la sensation de faim à un animal qui a à peine mangé et de l’inciter à manger..
“Il est crucial de préciser à l’IA qu’elle ne doit pas tenir de propos racistes ou sexistes”
Les craintes de cet expert, liées aux usages non éthiques de l’IA, proviennent notamment de la personnalité de Sam Altman, le patron d’OpenAI, la société derrière ChatGPT. C’est en effet OpenAI qui sera chargé de la gestion opérationnelle de la structure créée dans le cadre de l’accord de 500 milliards de dollars. “Sam Altman a annoncé à plusieurs reprises l’avènement de l’IA générale AGIelle élabore. Il s’agit d’une IA qui deviendrait autonome et aurait donc la capacité de faire des choses pour lesquelles elle n’a pas été développée. Elle pouvait, d’une manière ou d’une autre, penser par elle-même. On voit tous les excès que pourrait provoquer une telle intelligence artificielle.».
Laetitia Pouliquen regrette que l’Europe n’ait pas pu développer davantage de compétences technologiques dans le domaine de l’IA. “Il existait des entreprises européennes prometteuses dans le secteur, comme MistralAI ou OVH, mais elles n’étaient pas suffisamment soutenues ces dernières années pour obtenir un effet d’échelle.déclare-t-elle. Aujourd’hui, l’Europe se trouve dans une situation où elle n’a aucun acteur mondial majeur et aucune souveraineté sur la technologie et les infrastructures. Il ne reste plus que les règles légales.».
mouette« Nous ne rattraperons jamais les États-Unis dans leur course au gigantisme et aux milliards. Cela ne sert à rien d’essayer de développer un ChatGPT européen.
Elle salue néanmoins la mise en œuvre de l’AI Act, législation européenne encadrant l’intelligence artificielle. “Même s’il n’est pas parfait, ce texte apporte une certaine protectiondeclares Laetitia Pouliquen. Le problème est que le monde entier se moque de l’AI Act car l’Europe prévoit un cadre juridique restrictif pour les technologies qu’elle ne possède pas. Il lui sera donc difficile de résister à la puissance des États-Unis dans ce domaine. Le contraste est également frappant entre la loi IA et le règlement général sur la protection des données. En effet, le RGPD européen a fait des émules dans le monde entier. ».
-L’IA pourrait complètement bouleverser le marché du travail en 2025
Comment expliquer cela ? Selon cet expert, les considérations éthiques ont perdu du terrain depuis l’adoption du RGPD, salué comme une première mondiale en matière de protection des données privées des personnes. “Au départ, il y avait une cinquantaine de personnes travaillant sur l’éthique chez Microsoft, ajouter Laetitia Pouliquen. Aujourd’hui, il ne reste plus personne parce qu’ils considèrent avoir fait leur part dans la réflexion sur l’éthique. Et du côté des internautes, le RGPD fait qu’ils sont devenus moins vigilants et plus enclins à accepter les cookies qu’avant, pensant que la législation les protège quoi qu’il arrive. Il en va de même pour l’IA générative : au début, on remet en question les résultats produits par une IA générative puis progressivement, sans doute par paresse, on ne remet plus en question les sources et on prend la réponse proposée par ChatGPT..
2. Comment l’Europe doit-elle réagir ?
« Nous ne rattraperons jamais les États-Unis dans leur course au gigantisme et aux milliards. »declares Benjamin Pajot. Cela ne sert à rien d’essayer de développer un ChatGPT européen. D’un autre côté, il faut définir à quoi est destinée l’IA en Europe et développer des modèles d’IA pour des usages spécifiques..
Plutôt que de rivaliser avec les géants américains et asiatiques, l’Europe a choisi sa propre stratégie pour l’avenir technologique
3. Pourquoi cet investissement américain ?
Selon Benjamin Pajot, OpenAI souhaitait devenir plus indépendant de son partenaire Microsoft et trouver de nouveaux relais de croissance. “La question de la rentabilité des gros investissements dans l’IA commence à se poseril explique. ChatGPT a été poussé dans ses retranchements. OpenAI doit donc trouver de nouveaux usages à l’IA en dehors du grand public. Pour cela, il lui faut plus de données, plus de puissance de calcul. »