Vers la fin de l’exception québécoise ? Pourquoi et comment les tarifs d’Hydro-Québec devront augmenter.

Vers la fin de l’exception québécoise ? Pourquoi et comment les tarifs d’Hydro-Québec devront augmenter.
Vers la fin de l’exception québécoise ? Pourquoi et comment les tarifs d’Hydro-Québec devront augmenter.

Déjà 25 ans depuis l’an 2000. Devoir nous replonge dans un quart de siècle marqué par des événements marquants et de nouvelles tendances qui façonnent encore notre société. Aujourd’hui : les prix de l’électricité, qui devraient augmenter, signent peut-être la fin d’un modèle exceptionnel pour le Québec. Mais tous les experts avec lesquels nous avons discuté ne sont pas d’accord sur la manière d’y parvenir.

S’il veut atteindre ses objectifs de décarbonation de son économie d’ici 2050, le Québec devra produire davantage d’électricité, et donc se doter d’une plus grande capacité de production, de transport et de distribution de cette électricité nouvellement produite. C’est mathématique.

Dans son Plan d’action 2035Hydro-Québec prévoit donc la construction de nouvelles infrastructures pour répondre à ces besoins supplémentaires en énergie compris entre 8 000 et 9 000 mégawatts (MW). L’entreprise publique devra également ajouter près de 5 000 kilomètres de lignes pour transporter cette capacité supplémentaire.

Au total, les investissements destinés à répondre à la croissance de la demande s’élèveront entre 90 et 110 milliards de dollars d’ici 2035. L’entreprise publique devra donc trouver 9 à 11 milliards par an au cours des 10 prochaines années. Aux 4 à 5 milliards qui seront également nécessaires chaque année pour assurer la fiabilité et la qualité des actifs existants. Et ce, dans un contexte où il coûtera plus cher d’exploiter et d’entretenir un réseau électrique exposé à des événements climatiques toujours plus extrêmes.

Pour financer ces investissements, Hydro-Québec devra augmenter ses revenus et donc le prix unitaire moyen de son électricité, affirme Johanne Whitmore, chercheuse principale à la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

« L’électricité ne peut pas rester au même prix qu’en 1960 ou dans les années 1990. La hausse des prix n’est pas liée uniquement à la transition énergétique. Il doit aussi évoluer avec les coûts de la main-d’œuvre, du transport, des matériaux, etc. Hydro-Québec n’est pas non plus à l’abri de l’augmentation du coût de la vie. Il faut voir un peu plus grand », explique-t-elle.

Par ailleurs, le chercheur affirme que ce n’est pas parce qu’on paie plus qu’on va s’appauvrir et cite le cas des pays européens qui paient plus cher leur électricité, mais qui ont des économies dont la production intérieure de pétrole brut est en croissance.

Vers une révision des subventions croisées ?

Si les experts avec lesquels nous avons discuté Devoir s’accordent sur le fait que les prix de l’électricité devraient augmenter dans les années et décennies à venir, leurs avis divergent quant aux modalités de cette augmentation et à l’identité de ceux qui devront prendre le contrôle du portefeuille, notamment si le financement croisé le mécanisme est modifié.

En vigueur depuis 1962, la subvention croisée consiste à facturer aux clients industriels des tarifs supérieurs aux coûts afin de financer des tarifs inférieurs aux coûts pour les clients résidentiels. C’est ce mécanisme qui permet aujourd’hui à tous les Québécois de payer des tarifs d’électricité relativement abordables.

Le titulaire de la Chaire en gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau, fait partie de ceux qui souhaiteraient que ce système de tarification soit revu, car selon lui, il profiterait « indûment » à la clientèle résidentielle, au détriment de la clientèle. . commerciale et industrielle.

Surtout, avance-t-il, des prix bas rendraient l’efficacité énergétique « difficile à vendre » et n’encourageraient pas les Québécois à réduire leur consommation d’électricité, alors que le Québec est l’un des endroits sur Terre où l’on consomme le plus d’électricité par tête de canalisation.

« Ce n’est pas parce que le prix de l’électricité augmente que la facture énergétique augmente forcément. Avec des prix plus élevés, nous pouvons poser des gestes pour réduire notre consommation, comme mieux isoler notre maison, gérer activement notre consommation, installer des thermopompes, des panneaux solaires, etc. », explique M. Pineau.

Ce dernier regrette également que le gouvernement du Québec ait plafonné à 3 % la hausse des tarifs résidentiels, plaçant ainsi davantage la hausse des tarifs sur les entreprises. De plus, cette limite ne protégerait guère les individus les plus démunis, qui occupent les logements les moins efficaces énergétiquement.

«C’est scandaleux d’un point de vue économique. C’est scandaleux d’un point de vue social car les gens qui consomment le plus sont les plus riches et ce sont eux qui profitent le plus des prix artificiellement bas, explique M. Pineau. Payer plus pourrait cependant être une bénédiction pour l’économie québécoise — à condition évidemment que ce soit bien mis en œuvre et que les consommateurs soient exposés à un coût plus proche des coûts réels. »

Faire payer les constructeurs

De son côté, l’analyste en réglementation du secteur énergétique Jean-François Blain estime toutefois qu’il appartient aux fabricants de participer plus largement à l’effort collectif.

« Pourquoi devrait-on reconsidérer aujourd’hui, en 2025, la pratique de socialiser le surcoût – et donc de vendre au coût moyen de l’électricité – quels que soient les clients et leur ancienneté ? » se demande-t-il d’emblée.

Dans une critique adressée au premier ministre François Legault et à son ancien ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, M. Blain suggère de faire payer aux investisseurs étrangers comme Northvolt un taux supérieur au coût. MOYENNE.

« Ce n’est pas aux particuliers de payer pour l’offre à prix réduit proposée à ces entreprises. Le Québec ne peut pas se permettre ce luxe compte tenu de la situation économique», affirme l’analyste. Ce dernier refuse également que le prix de l’électricité puisse un jour être déréglementé et fixé en fonction des besoins de revenus d’Hydro-Québec.

« Ce n’est pas ainsi que fonctionne une ressource stratégique essentielle développée par une communauté et basée sur l’intérêt d’une communauté. »

Parallèlement, M. Blain se dit favorable à une tarification au coût moyen pour les entreprises, les institutions et les ménages, qui utilisent encore des produits d’énergie fossile pour satisfaire une partie de leurs besoins énergétiques afin de leur permettre de décarboner leurs usages.

Accompagner tous les clients

Formulairemoi Whitmore, si le Québec veut réussir à décarboner son économie d’ici 2050, tous les clients devront pousser le volant.

« Les industries, par exemple, ont plus de levier pour rechercher des subventions, pour jouer sur le taux de change, les crédits d’impôt, les possibilités de négocier des blocs énergétiques ou de participer à des programmes de pointe. Le consommateur résidentiel ne dispose pas de ces leviers », explique-t-elle à Devoir.

M.moi Whitmore souligne également que les propriétaires, par exemple, pourront rechercher du financement pour améliorer la performance énergétique de leur immeuble, contrairement aux locataires. Elle note également que le secteur commercial n’a pas la capacité des industriels à solliciter des crédits, alors que ce sont les clients qui supportent la charge fiscale la plus élevée.

Pourtant, une refonte en profondeur du système de tarification de l’électricité pourrait sonner le glas d’un modèle unique au Canada, même si la Colombie-Britannique et le Manitoba ont également une tarification basée sur le coût moyen de l’électricité. ‘électricité.

«C’est l’objectif du projet de loi 69, réformer et moderniser la réglementation énergétique au Québec», affirme M.moi Whitmore. C’est depuis les années 1990 qu’une réforme de cette loi a eu lieu. Les enjeux ont changé et nous n’avons d’autre choix que de revenir sur tout cela. »

Le chercheur estime également qu’il sera important de s’assurer que cette modernisation ne soit pas utilisée à des fins politiques, car «à long terme, elle n’est pas dans l’intérêt des Québécois».

« Il faut une approche nuancée, dépolitisée, qui tienne compte objectivement de tous les enjeux pour ensuite établir une approche indépendante pour toutes les clientèles », préconise-t-elle.

A voir en vidéo

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Villeneuve « fait peur au monde », selon Marchand
NEXT Tennis. ATP – Brisbane (D) – Le show Djokovic/Kyrgios continuera ce mercredi