comment se déroule l’arrivée de Charlie Dalin et des skippers du Vendée Globe

Le retour des marins après plusieurs mois de mer se prépare longtemps à l’avance, et même dès le départ des Sables-d’Olonne. Avec des exercices imposés et des improvisations plus ou moins réussies.

Le mail est parti à 18 heures, mardi 7 janvier. Son objectif : « Questionnaire sur le protocole d’arrivée ». Ses destinataires : Charlie Dalin, Yoann Richomme et leurs équipes à terre. Alors que les deux skippers courent dans l’Atlantique pour la victoire finale du Vendée Globe, les organisateurs de la course travaillent déjà à leur arrivée. “Quelle musique aimerais-tu?” « Quel plat aimerais-tu manger ? » Armel Le Cléach, qui a remplacé les deux navigateurs à deux reprises en 2013 et 2017, se souvient d’un « un moment assez déstabilisant ». « Je luttais encore sur l’eau et les gens me demandaient comment j’imaginais mon arrivée. Ils m’ont dit : ‘Ne t’inquiète pas, prends le temps de réfléchir, tu nous réponds quand tu peux.’

Sans savoir si leur favori franchira la ligne vainqueur ou vice-champion dans quelques heures, les équipes de Charlie Dalin réfléchissent “pour lui offrir un spectacle à son image”. « Charlie n’est pas quelqu’un qui va monter sur la table et faire tournoyer son string, c’est quelqu’un de réservé. Il faut une arrivée qui lui ressemble. sourit Yannick Perrigot, le patron de Disobey, l’agence qui gère l’image de la Macif, son sponsor.

Chaque idée qui me vient à l’esprit aboutit dans un groupe WhatsApp dédié, baptisé « Macif Arrivée 2025 ».. « Soyons d’accord : il n’y a pas un scénario de victoire et un scénario de deuxième place, assure Yannick Perrigot. Il n’y a qu’un seul scénario et nous l’adapterons de temps en temps en fonction de ce qui se passe.

En effet, l’arrivée se prépare longtemps à l’avance, et même dès le jour du départ. Avant que le marin ne quitte les Sables-d’Olonne (Vendée), le 10 novembre, l’équipe de Charlie Dalin a pris soin de laisser en cale une tenue propre, sous blister, aux couleurs du sponsor. . “Notre travail sera de lui rappeler qu’il a ça à disposition”explique Yannick Perrigot.

Navigator Vincent Riou won the Vendée Globe on February 3, 2005, in Les Sables-d’Olonne (Vendée). (FRANK PERRY / AFP)

Le 3 février 2005, le navigateur Vincent Riou fait également un détour par la case « garde-robe », “juste pour être présentable” en levant les bras en signe de victoire. « Deux ou trois heures avant de franchir la ligne, je me suis un peu nettoyé. Me raser, me brosser les dents… On ne m’avait donné aucune consigne sur l’apparence physique, mais je voulais être plus ou moins présentable. Bon, avec les moyens du bord, c’est à dire pas grand chose. Notre salle de bain reste de toute façon limitée.

« Il faut faire attention à ne pas aller trop loin. Le public attend des marins venant de la mer, pas des gens en costume-cravate.»

Vincent Riou, vainqueur du Vendée Globe 2004-2005

sur franceinfo

Denis Horeau, ancien directeur de course, voit encore Armel Le Cléac’h arriver en conférence de presse le 19 janvier 2017. “Il était propre comme un sou, pantalon repassé, chemise impeccable… Je trouvais ça très Roland-Garros, il était tellement propre.” L’intéressé s’en souvient à peine. « Franchement, tout était télécommandé. Mon équipe m’a donné un programme détaillé, minute par minute. La traversée du ponton, les rencontres avec les médias, les créneaux avec les sponsors, la partie famille… «J’étais comme une sorte de marionnette. Je ne voulais même pas me raser, de peur de me couper à cause du stress. Il y avait une procédure à suivre, je la respectais les yeux fermés. Quand je suis arrivé, j’avais « une sécurité et un chauffeur, comme un homme politique ». Armor Lux et L’Occitane en Provence, sponsors des skippers Jean Le Cam et Clarisse Cremer, assurent ne donner aucune consigne en termes de présentation à leurs marins pour la photo finish. “Il y a quelques années, les médias attendaient le côté patiné, la barbe de trois semaines”, nous pointons vers L’Occitane. “Maintenant, ce n’est plus le cas.”

Le cérémonial d’arrivée a été instauré, plus ou moins, dès la première édition, en 1989. A l’époque, la direction de course faisait circuler des voitures équipées de haut-parleurs pour avertir les braves gens du Sablais de l’arrivée du prochain skipper quelques heures à l’avance. Un accord a été conclu avec les écoles pour libérer les enfants avant la fin des cours. «Quand Philippe Jeantot est arrivé [4e de la première édition]Philippe de Villiers, alors président du conseil général, m’a dit : ‘Ce soir, je veux un feu d’artifice pour tout casser’ »» précise Didier Planson, élu des Sables-d’Olonne et cheville ouvrière des trois premières éditions de la course.

Il fallut surmonter quelques arrêtés préfectoraux, mais la première pluie d’étoiles pour un marin revenant d’un tour du monde illumina le ciel vendéen. Pas le dernier. Chaque édition pousse le curseur un peu plus loin. «C’est devenu le Puy-du-Fou»grogne Didier Planson, en référence à l’autre attrait du département.

Chaque arrivée est pensée comme un spectacle. Début 2013, c’est une chanteuse qui accueille François Gabart. « Au début, la Macif était moyennement convaincue, reconnaît Yannick Perrigot, à l’origine de cette idée digne de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. «J’ai appelé le chanteur. Je lui ai dit : “Je vais te percher au sommet d’une tour de remorqueur et tu vas chanter.” Elle a répondu : ‘Mais tu es gravement malade !’ A bord de son Imoca, François Gabart est aux premières loges : «C’était très, très beau. Il y a eu l’Ave Maria, c’était assez étonnant.

Tout skipper qui parcourt les deux kilomètres du chenal doit également lancer des fumigènes en saluant le public. Même pendant la journée. Même vent contraire : “Ça envoie des cendres plein la gueule”, rigole Sébastien Destremau, lanterne rouge de l’édition 2016-2017. L’image, l’image, l’image. “Le responsable média du Vendée Globe m’a encouragé : ‘Allez, souffle-en encore un !’ »alors que le skipper n’en avait qu’une poignée en stock. “Il réfléchissait à ses images, j’ai vu que je ne tiendrais pas la distance.”



Skipper Sébastien Destremau, last in the 2016-17 Vendée Globe, on his arrival in Les Sables d'Olonne, March 11, 2017. (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Skipper Sébastien Destremau, last in the 2016-17 Vendée Globe, upon his arrival in Les Sables d’Olonne, March 11, 2017. (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Par peur d’attirer les « scoumoune », certains skippers refusent de se préoccuper de cette question avant de voir Les Sables-d’Olonne. A peine deux fumis et aucun regret pour Stéphane Le Diraison en 2021. « Au début de ma carrière, en Mini, j’ai gagné la course, et quelques heures avant l’arrivée, j’ai pris le temps de lire la notice d’utilisation des fumis pour savoir comment les utiliser… Ça ne manque pas : Le soir même, j’ai failli démâter et j’ai abandonné. Alors depuis, pour les arrivées, c’est de l’improvisation totale !

C’est même une grande frustration lorsque le projet ne se déroule pas sans accroc, comme pour Sébastien Destremau, dont les frères n’arrivent plus à mettre la main sur les imperméables floqués prévus pour l’occasion. « Nous étions bouleversés… Ils m’ont juré : ‘Nous avons rendu le conteneur’. Ces cirés nous avaient coûté cher, tout ça à utiliser une seule fois, au début. Dommage, c’est un défilé haut en couleurs qui aura lieu sur son bateau une fois la ligne franchie. « Cela ne ressemblait à rien ! Eh bien, ce n’est pas grave… »

Ces dernières heures de mer sont vécues comme un sas de décompression avant le retour à terre. “C’est le passage d’une aventure solo à un fleuve d’émotions, image Catherine Chabaud, première femme à réaliser un tour du monde à la voile, début 1997. Nous sommes tiraillés entre l’envie d’arriver et la nostalgie qui se manifeste déjà. Se changer physiquement est une façon de faire la différence, de préparer l’après. “Quand je remontais la chaîne, je réfléchissais avec ma femme et mes enfants à ce que j’allais dire, engages Armel Le Cléac’h. Mine de rien, je n’avais parlé à personne en face à face depuis 74 jours.

Au moins, personne ne lui a volé sa place. Alain Gautier a vécu une journée mouvementée avant sa victoire, un soir de mars 1993. Pourtant, le plan médiatique était impeccable. “19/20” de 3, puis “20 Heures” de TF1. À l’époque, les téléphones par satellite n’existaient pas et les communications se faisaient exclusivement par radio. “N’importe qui a pu capter mes échanges et récupérer le numéro où je devais contacter TF1, le navigateur sourit rétrospectivement. J’ai appelé un peu tard, à 19h58, et ils m’ont répondu : “Il doit y avoir une erreur, nous avons déjà Alain Gautier en ligne.” C’est à un imposteur que PPDA ouvre la chaîne de l’information la plus regardée d’Europe alors que le vrai champion est raccroché.


Skipper Arnaud Boissières arrives in a tuxedo at the port of Sables-d'Olonne (Vendée) after his arrival in the Vendée Globe, February 9, 2013. (VINCENT CURUTCHET / DPPI / AFP)

Skipper Arnaud Boissières arrives in a tuxedo at the port of Sables-d'Olonne (Vendée) after his arrival in the Vendée Globe, February 9, 2013. (VINCENT CURUTCHET / DPPI / AFP)

Skipper Arnaud Boissières arrives in a tuxedo at the port of Sables-d’Olonne (Vendée) after his arrival in the Vendée Globe on February 9, 2013. (VINCENT CURUTCHET / DPPI / AFP)

Une autre façon d’attirer l’attention est de jouer à Bond, James Bond. Enfin, Boissières, Arnaud Boissières, qui enfile un smoking en rentrant à terre. Une idée folle de la part du patron de son sponsor, la société vendéenne Akena Vérandas. “Nous étions assez dubitatifs” » reconnaît l’entourage du skipper, actuellement engagé dans la course. D’autant que cette 007 a terminé… huitième de l’édition 2012-2013. Dommage, les 100 000 cartes postales promotionnelles sont imprimées et distribuées rien que pour les yeux des fans de « Cali ». Joyeux bisous des Sables-d’Olonne. “C’était en fait une excellente idée” reconnaît son équipe. Depuis, on a vu des skippers habillés en Corto Maltese et en Capitaine Crochet au départ, mais personne n’a osé porter le costume à l’arrivée.

Smoking ou pas, un skipper qui revient de cent jours de mer sent forcément un peu l’otarie. Les câlins avec ses proches doivent parfois attendre que l’on prenne une douche. “Alors toi, papa.”entendra un marin qui était heureux de serrer ses enfants dans ses bras. “Quand j’ai atterri, j’aurais donné mon royaume contre un sauna, sourit le skipper finlandais (évidemment) Ari Huusela. Faute d’établissement disponible sur le port vendéen, il faudra attendre la quatrième averse pour qu’elle cesse d’exhaler le parfum « Sea Wolf N°5 ».

Tous ces efforts pour qu’au final, aucun marin Contacté par franceinfo, il ne se vante pas d’avoir la photo de son arrivée sur sa table de chevet. “J’ai eu une capture d’écran floue d’une vidéo pendant un moment, mais plus maintenant, concedes Stéphane Le Diraison. C’est l’un des deux moments les plus mémorables de ma vie, avec mon entrée à l’église pour mon mariage. Je n’ai ni l’un ni l’autre.

 
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