ils ne peuvent même pas remplacer dans leur propre classe

ils ne peuvent même pas remplacer dans leur propre classe
ils ne peuvent même pas remplacer dans leur propre classe

Les enseignants en fin de carrière dénoncent l’absurdité d’un système qui limite leur accès aux remplaçants, au point de les empêcher de se remplacer dans leur propre classe.

« Il y a des jours où il manque une trentaine de remplaçants. Et on est à la maison», raconte Élyse* (nom fictif), une enseignante de la région de Québec.

Comme elle est en préretraite, elle a un horaire d’enseignement réduit. Lorsqu’elle n’est pas dans sa classe, elle serait disponible pour la remplacer ailleurs.

Jusqu’à l’été dernier, elle pouvait accéder à Scolago, la plateforme numérique où sont affichés tous les remplacements à pourvoir dans son centre de services scolaire (CSS).

Mais depuis la rentrée scolaire en août, elle n’y a plus accès, ce que confirment plusieurs documents consultés par La Revue. « Ils nous ont complètement fait sortir de la plateforme. Nous n’existons plus », s’émerveille-t-elle.

“Ce sont mes élèves”

Rebecca* est dans la même situation. Elle a décidé de travailler à temps partiel pour s’occuper d’un parent malade. Elle et une collègue partagent donc un groupe de niveau primaire.

Cependant, lorsque sa collègue est malade, elle ne peut pas la remplacer, étant exclue de la plateforme Scolago.

«Mais c’est ma classe. Ce sont mes élèves ! », s’exclame-t-elle.

Dernière minute

Début décembre, La Revue a publié le témoignage d’une enseignante à qui l’on disait qu’elle était « surqualifiée » pour enseigner au secondaire.

Depuis, plusieurs professeurs expérimentés ont contacté La Revueaffirmant qu’il avait des difficultés à être embauché, ne serait-ce que comme remplaçant. Et ce, malgré la pénurie de personnel qualifié.

Le Syndicat de l’éducation de la région de Québec (SERQ) préfère s’abstenir de parler de la situation des préretraités dans sa région.

Mais les difficultés vécues par les enseignants déjà retraités sont bien connues, indique le président François Bernier.

Aux CSS des Premières-Seigneuries et de la Capitale, les enseignants retraités sont les derniers dans l’ordre de priorité.

« Nous ne voulons pas que ce soit « gratuit pour tous ». Mais ce qu’on remarque c’est que l’employeur semble un peu trop structurer [l’accès aux suppléances sur Scolago]», ce M. Bernier.

Les enseignants retraités n’ont donc accès à des suppléants qu’à la dernière minute, la veille ou le jour même, alors que certains manques auraient pu être comblés bien plus tôt, explique-t-il.

M. Bernier donne l’exemple d’un remplacement demandé pour la semaine du 9 décembre et toujours vacant la même semaine. Or, il avait été mis en ligne le 13 novembre.

On dit aux enseignants que cela « coûte trop cher »

Comment expliquer que les enseignants expérimentés ne soient pas mieux utilisés en ces temps de pénurie de personnel ? Plusieurs hypothèses circulent, allant de la lourde « paperasse » à l’idée que ces professeurs coûteraient « trop cher ».

Cette dernière hypothèse est difficile à vérifier, mais plusieurs personnes qui ont contacté La Revue individuellement, ces dernières semaines, ont déclaré avoir déjà entendu cette justification sur le terrain.

Par exemple, lorsque Rebecca* s’est portée volontaire pour proposer du rattrapage scolaire l’année dernière, sa direction lui a dit « eh bien non, ça va coûter trop cher ».

« De la poudre dans les yeux »

Depuis la pandémie, le gouvernement a mis en place des mesures incitatives pour ramener les enseignants retraités dans les écoles. D’une certaine manière, «cela s’avère n’être que de la poudre aux yeux» en raison des obstacles bureaucratiques, résume M. Bernier.

« Il y a toute une procédure de plainte après. Notre impression est que les CSS veulent s’épargner cette paperasse», suppose M. Bernier.

Pendant ce temps, les enseignants présents dans les écoles subissent également de plein fouet ces blocages. C’est le cas de Judith*, qui souhaite parfois demander à ses collègues en préretraite de la remplacer, puisqu’ils connaissent déjà sa routine et ses élèves. C’est en fait ce qu’elle faisait jusqu’à l’année dernière.

« C’est tellement plus facile à coordonner », dit-elle, rappelant l’importance de la cohérence et de la stabilité pour les jeunes.

Mais ce n’est plus possible. “On se retrouve avec des remplaçants qui ne sont pas formés ou qui n’ont pas d’expérience, qui ne sont pas capables de prendre les devants.”

« Nous devons préparer tout le matériel dans les moindres détails. Cela prend beaucoup de temps», déplore-t-elle.

“Ça tombe comme des mouches”

Dans d’autres cas, aucun remplacement n’est trouvé et l’école doit recourir à un remplacement d’urgence. Cette mesure oblige les enseignants présents sur place à se relayer dans la classe où il n’y a pas d’enseignants.

« Les gens sont brûlés, ça tombe comme des mouches », observe Élyse*, qui y voit un cercle vicieux.

Au CSS de la Capitale, on indique qu’« il est très rare que des remplacements ne soient pas offerts aux retraités dans le respect des [l’]ordre établi […] L’ensemble du processus [de réclamation au ministère] est entièrement automatisé et géré électroniquement par le système de paie, qui ne génère aucune paperasse », explique Marie-Claude Lavoie par courriel.

Quant au CSS des Premières-Seigneuries, il a préféré ne faire aucun commentaire. « Nous avons été surpris d’apprendre le dépôt d’un grief à ce sujet il y a quelques jours [en décembre].»

*Noms fictifs. Les enseignants interrogés ont préféré rester anonymes pour éviter les représailles de leur employeur.

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