Trois anciens dirigeants de la Caisse de dépôt et placement du Québec viennent d’être accusés aux États-Unis d’avoir participé à un stratagème de corruption, en lien avec des contrats obtenus par le producteur d’énergie solaire Azure Power Global, contrôlé par le pécule des Québécois.
Cette entreprise, dans laquelle le gestionnaire des régimes de retraite publics a englouti plus d’un demi-milliard, est secouée depuis plus de deux ans par de graves allégations de détournement de fonds, qui lui ont valu d’être éjectée de la Bourse de New York. York en juillet 2023.
Les trois anciens dirigeants de la Caisse, Cyril Cabanes, Saurabh Agarwal et Deepak Malhotra, ont été inculpés le 24 octobre à New York. Avec cinq hommes d’affaires indiens, ils auraient participé dès 2020 à un système de corruption d’un montant total de 250 millions de dollars américains pour obtenir frauduleusement des contrats d’électricité.
“Les accusés ont orchestré un plan élaboré pour soudoyer des fonctionnaires du gouvernement indien afin d’obtenir des milliards de dollars en contrats”, selon un communiqué du procureur de New York publié mercredi.
Les accusations ont été déposées aux États-Unis, la société étant cotée à la Bourse de New York et donc soumise aux lois du pays.
Cyril Cabanes, de nationalité française et australienne, a été vice-président, infrastructures, de la Caisse pour l’Asie-Pacifique jusqu’en 2023, au bureau de Singapour, en plus de représenter l’institution québécoise au conseil d’administration d’Azure.
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Également accusé, Deepak Malhotra était directeur des infrastructures du Fonds pour l’Asie du Sud, au bureau de New Delhi, et administrateur d’Azure. Quant à Saurabh Agarwal, il était directeur de la Caisse en Inde et rapportait à Cabanes.
Les accusations visent également Rupesh Agarwal, nommé PDG d’Azure en août 2022, lorsque la Caisse en était l’actionnaire majoritaire.
Contacté par La presseLe pécule des Québécois a refusé de commenter en détail.
« La Caisse est informée que des accusations ont été portées aux États-Unis contre certains anciens employés. Ces employés ont tous été congédiés en 2023 et la Caisse coopère avec les autorités américaines, écrit dans un courriel le directeur des communications Jean-Benoît Houde. Compte tenu des procédures en cours, nous n’avons pas d’autres commentaires pour le moment. »
Complot avec un concurrent
Le prédécesseur d’Agarwal à la tête d’Azure jusqu’en avril 2022, l’ancien PDG Ranjit Gupta, est également accusé.
C’est lui qui aurait informé son successeur et les représentants accusés du Fonds des pots-de-vin qui ont permis à Azure d’obtenir les deux premières tranches de contrats d’énergie solaire, pour près de 3 000 mégawatts.
Les anciens dirigeants d’Azure et de la Caisse auraient agi de concert avec trois autres accusés liés à son principal concurrent, le groupe Adani, dont Gautam Adani, son président. C’est ce conglomérat qui était responsable du versement de pots-de-vin à des responsables indiens, selon le ministère américain de la Justice.
Ensemble, Azure et Adani envisageaient des contrats qui auraient pu générer des bénéfices de 2 milliards de dollars sur 20 ans, indique le communiqué.
Le Fonds aurait « approuvé » des pots-de-vin
En avril 2022, le nouveau PDG d’Azure Rupesh Agarwal et deux des représentants de la Caisse auraient rencontré des dirigeants d’Adani, qui les auraient alors sensibilisés à différents aspects du système de corruption, selon l’acte d’accusation du ministère de la Justice. Les patrons d’Adani les auraient également informés que « l’investisseur canadien avait approuvé l’accord de corruption ».
PDG d’Azure jusqu’en juillet 2023 sous le contrôle du Fonds, Agarwal aurait alors préparé « plusieurs analyses dans PowerPoint et Excel pour déterminer quel paiement pour corruption était le meilleur pour l’entreprise ».
« Entrave »
Le ministère de la Justice affirme également que les trois anciens dirigeants de la Caisse et l’ancien PDG d’Azure Rupesh Agarwal auraient « conspiré pour faire obstacle » aux enquêtes d’un grand jury américain, du FBI et de la Securities and Exchange Commission sur leur système de corruption. .
“Ces quatre accusés ont notamment accepté d’effacer le matériel électronique lié au stratagème de corruption, notamment les courriels, les messages électroniques et les documents sur les stratagèmes de corruption”, indique le communiqué.
Les anciens directeurs de la Caisse et d’Agarwal auraient également fait « certaines affirmations sélectives » pour donner « une fausse apparence de transparence et de bonne gouvernance », ajoute le ministère de la Justice dans l’acte d’accusation.
Ils ont notamment révélé que les patrons du groupe Adani leur avaient demandé « de l’argent de la corruption », tout en cachant leur propre implication.
«Il y avait des représentants de la Caisse qui faisaient partie de ce système», souligne François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP). C’était plutôt bien ficelé. Cela devient une culture de collusion et de malversation. »
Grande bousculade
La Caisse a investi dans Azure une première fois en 2016 et s’est progressivement imposée, au point d’en devenir l’actionnaire majoritaire en 2020. Elle a investi plus de 600 millions de dollars canadiens, ce qui lui confère une participation de 53,4 %. Cet investissement s’élève aujourd’hui à environ 35 millions.
La débâcle boursière du producteur d’énergie indien a débuté le 29 août 2022. Ce jour-là, son titre s’est effondré de 44 % suite à l’annonce du lancement d’une enquête interne en raison d’allégations soulevées par un lanceur d’alerte sur une manipulation de données et d’informations.
Les actions d’Azure ont été radiées de la Bourse de New York après que la société n’a pas été en mesure de fournir, en temps opportun, une image à jour de sa santé financière, en raison d’irrégularités relevées dans ses pratiques.