C’est ici que sont attendus les « méga-parcs éoliens » d’Hydro-Québec

Hydro-Québec n’a presque aucune expertise en production éolienne. Jusqu’à récemment, elle achetait cette électricité uniquement auprès du secteur privé. Mais le vent a tourné. Aujourd’hui, l’entreprise publique s’apprête à construire d’immenses parcs éoliens terrestres, parmi les plus grands de la planète.

Pour éviter toute contestation dans les zones habitées du sud du Québec, le développement de projets éoliens « à grande échelle », annoncés le mois dernier, se fera autant que possible dans le nord.

Radio-Canada a appris que trois secteurs sont dans le viseur d’Hydro-Québec :

  • Le nord-ouest du Lac Saint-Jean
  • La Haute Côte-Nord
  • La région des grandes centrales électriques de la Baie James

Selon nos informations, l’entreprise d’État devrait annoncer dans les prochains jours une entente avec la Première Nation de Mashteuiatsh, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, pour le développement d’un potentiel éolien de 2 500 mégawatts (MW), en la zone du poste de Chamouchouane.

Le parc éolien Alta Wind Energy Center, situé dans le désert de Californie, d’une capacité de 1 548 MW, compte 600 petites éoliennes.

Photo : Getty Images / P_Wei

Seule la Chine possède des parcs éoliens dépassant les 2 000 mégawatts. À titre de comparaison, le principal parc éolien en opération au Québec est de 350 MW, à Charlevoix.

Les plus grands parcs éoliens terrestres se trouvent tous dans le désert

  • Jiuquan (Chine) : 7960 mégawatts de puissance
  • Mojave, Californie (États-Unis) : 1 548 mégawatts
  • Jaisalmer (Inde) : 1064 mégawatts

Avec des éoliennes modernes de six ou sept mégawatts, aussi hautes que la Place Ville-Marie à Montréal, on peut estimer que leur nombre dépasserait 350 dans le parc au nord-ouest du Lac-Saint-Jean, répartis en un ou plusieurs groupes connectés.

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Aperçu de la taille d’une éolienne de 6 MW pour un projet prévu, puis avorté à Salaberry-de-Valleyfield, en 2023.

Photo : avec l’aimable autorisation

Avec la forte augmentation de la demande en électricité, l’objectif d’Hydro-Québec est d’ajouter 10 000 mégawatts, issus des éoliennes, d’ici 10 ans. Si nous pouvons faire plus, nous ferons plusambitions Mathieu Johnson, récemment nommé vice-président chargé du développement éolien, lors d’une entrevue à Radio-Canada.

Ce qu’il appelle des « mégaparcs » couvriront une superficie d’au moins 10 fois celle de l’île de Montréal. « Nous changeons le jeu », a prévenu son patron, Michael Sabia, le 30 mai, en annonçant que l’énergie éolienne était désormais « la locomotive » du développement d’Hydro-Québec.

Au Québec, nous avons beaucoup d’espace et souvent peu de monde, ce qui rend le développement de ces parcs réalisable, au niveau industriel.

Une citation de Michael Sabia, président-directeur général d’Hydro-Québec, 30 mai 2024

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Mathieu Johnson a été nommé, plus tôt ce mois-ci, vice-président d’Hydro-Québec, chargé notamment du développement de l’énergie éolienne.

Photo : Radio-Canada / Myriam Gauthier

L’entreprise étatique a refusé de confirmer tout projet, mais Mathieu Johnson valide nos informations selon lesquelles trois critères sont pris en compte :

  • Bon potentiel éolien
  • Un réseau de transport capable de transporter cette électricité
  • Communautés autochtones et municipalités intéressées

Hydro-Québec a conclu une entente avec la Première Nation Pessamit, en Haute-Côte-Nord, en février. Le texte de l’accord mentionne un potentiel éolien d’au moins 1000 MW qui pourrait être exploité à partir de 2029.

Des représentants du gouvernement et de la communauté innue de Pessamit signent un traité.

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Des représentants du gouvernement du Québec et de la communauté innue de Pessamit ont signé un traité.

Photo : capture d’écran

Selon nos informations, c’est là qu’un autre « méga parc » devrait voir le jour, près de Labrieville. Des tests de vent sont également en cours dans la région.

Une toute nouvelle ligne de transport à très haute tension, la ligne Micoua-Saguenay, traverse ce coin de pays et Hydro-Québec y prépare la construction d’un poste électrique qui permettra d’injecter davantage de puissance sur la ligne.

Potentiel éolien élevé à la Baie James

Au sein d’Hydro-Québec, plusieurs militent pour le développement d’un ou plusieurs « mégaparcs » dans la région de la Baie James et de grandes centrales hydroélectriques. Selon différentes cartes de potentiel éolien que nous avons consultées, publiques et privées, la région constitue une bonne « ressource ».

Carte des vitesses moyennes annuelles du vent au Québec, reproduite dans l'ouvrage « L'énergie éolienne, au cœur de l'indispensable révolution énergétique » (Saulnier, Reid, 2009).

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Carte des vitesses moyennes annuelles du vent au Québec, reproduite dans l’ouvrage « L’énergie éolienne, au cœur de l’indispensable révolution énergétique » (Saulnier, Reid, 2009).

Photo : MultiMondes/Environnement Canada

Sur place, il y a une route et des lignes à très haute tension pour transporter cette énergie. De plus, une nouvelle ligne doit être ajoutée pour relier la Baie James et le sud de la province, selon une information révélée en avril par Radio-Canada.

Carte du réseau actuel de lignes 735 kV, en violet, et 315 kV, en vert.

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Carte du réseau actuel de lignes 735 kV (très haute tension, les « autoroutes »), en violet, et 315 kV, en vert.

Photo : Hydro-Québec

Le 30 mai, lors de sa conférence de presse, Michael Sabia a laissé entendre que l’un des parcs éoliens dont Hydro-Québec serait le maître d’oeuvre pourrait monter jusqu’à 3 000 mégawatts. À la Baie James?

Il y a un bon potentiel dans le secteur de la centrale La Grande-3, selon l’analyste énergétique Bernard Saulnier, ancien membre du Centre de recherche d’Hydro-Québec et auteur du livre L’éolien, au cœur de l’indispensable révolution énergétiquepublié en 2009.

Le Québec possède le meilleur potentiel éolien en Amérique du Nord.

Une citation de Bernard Saulnier, analyste énergétique, spécialiste de l’éolien

Le vent est plus fort près de l’eaurappelle Gaëtan Lafrance, professeur émérite à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Cet ancien prévisionniste d’Hydro-Québec a mené des recherches sur le potentiel éolien offshore et le couplage hydro-éolien.

Selon lui, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie ont un bon potentiel éolien, mais il manque toujours une ligne à très haute tension et il y a des risques de litige de la population, notamment pour les paysages.

Des dizaines d'éoliennes au coucher du soleil dans les champs de Cap-Chat en été.

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Selon l’Alliance énergétique de l’Est, le potentiel éolien du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie dépasse les 5 000 mégawatts. Sur la photo : des éoliennes à Cap-Chat, en Haute-Gaspésie.

Photo : Radio-Canada

Les deux experts sont très satisfaits du virage d’Hydro-Québec vers l’éolien, d’autant plus que l’énergie éolienne est la moins coûteuse. Ils forment un couple parfaitdit Bernard Saulnier.

Même si l’énergie éolienne est intermittente, c’est-à-dire qu’elle n’est pas toujours venteuse, les réservoirs des grands barrages pourront combler le déficit.

Il deviendra un réseau hydro-éolien. […] Même si nous utilisons l’énergie éolienne, nous ne faisons pas fonctionner les éoliennes. [des centrales hydroélectriques] et nous économisons cette énergie pour plus tard.

Une citation de Gaëtan Lafrance, professeur émérite à l’INRS

À « 50-50 » avec les Premières Nations

Le PDG d’Hydro-Québec souhaite une « réconciliation » avec les communautés autochtones et bâtir « une nouvelle relation » de partenariat. Il a même évoqué un partage « 50-50 » des revenus avec les partenaires des Premières Nations et les actionnaires de ces grands parcs éoliens.

Les nombreuses visites récentes de Michael Sabia dans différentes communautés autochtones «sont tout à fait exceptionnelles», admet Ghislain Picard, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, en entrevue à Radio-Canada.

Ghislain Picard prononce un discours.

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Ghislain Picard lors des rencontres de l’Union des municipalités du Québec, le 23 mai 2024.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Originaire de Pessamit, M. Picard salue l’entente signée par la Première Nation et le fait que les communautés puissent être « partiellement aux commandes ». Il apporte cependant une mise en garde importante : « Je doute de la capacité [financière] communautés » pour investir dans des projets.

Les communautés ne sont pas au niveau de l’industrie, une mise à niveau en termes de capital devrait être assurée» a-t-il déclaré, évoquant la possibilité de créer un fonds spécial qui pourrait être mis en œuvre par le gouvernement, dans lequel les communautés pourraient investir.

Les rennes paissent près des éoliennes.

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Des rennes paissent près des éoliennes en Norvège.

Photo : Getty Images / Heiko Junge / AFP

Si l’accès au capital sera « l’enjeu majeur », selon Ghislain Picard, il ne faut pas non plus perdre de vue l’acceptabilité sociale, même loin des domiciles. La question environnementale « reste délicate », rappelle-t-il. Il y a par exemple la question du caribou forestier qui est en net déclin.

Plusieurs des « mégaparcs éoliens » étudiés se trouvent dans des zones protégées.

Avec la collaboration d’Olivier Bachand

 
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