refuser de permettre à une poignée de multimilliardaires de contrôler nos vies

refuser de permettre à une poignée de multimilliardaires de contrôler nos vies
refuser de permettre à une poignée de multimilliardaires de contrôler nos vies

« Nous dormons avec du gaz. Mon livre est de dire : « Réveillez-vous ! Cela ne va pas bien ! » Alain Saulnier, journaliste et ancien directeur du service de l’information de Radio-Canada, lance un appel à tous avec son nouvel essai Tenez tête aux géants du Web. Une exigence démocratique. Alors que dans ses travaux précédents, Les barbares du numériques’il s’inquiétait de l’effet des multinationales de l’Internet sur notre culture et nos médias, il braque cette fois le projecteur sur les dangers qui attendent la démocratie.

Une question fondamentale est au cœur de ses propos : voulons-nous vraiment accepter que les personnes les plus riches de la planète contrôlent notre économie, nos communications, notre culture, nos réseaux sociaux, nos vies ? Non ? Mais c’est déjà tout à fait le cas.

Il y a d’abord Elon Musk, l’homme le plus riche de la planète et propriétaire du réseau social. La conséquence, c’est que Musk s’est acheté un homme au pouvoir», raconte M. Saulnier, rencontré dans un café du Mile End au lendemain des résultats des élections. Élection présidentielle américaine.

Il estime que la désinformation a joué un rôle majeur dans la campagne électorale. Depuis que Musk a pris les rênes de la plateforme et de sa ligne éditoriale, il l’utilise comme outil de propagande pour mettre en avant ses idées, explique M. Saulnier dans son livre. Que vous soyez abonné ou non à votre compte, l’algorithme X veille souvent à présenter aux utilisateurs vos propres publications et celles, entre autres, de Donald Trump.

«C’est une dérive totale vers des propos complotistes, racistes, sexistes», déplore l’auteur. Le leader de Tesla et SpaceX n’hésite pas à s’impliquer dans la politique de différents pays, se montrant favorable aux dirigeants de droite, comme Viktor Orbán en Hongrie, Javier Milei en Argentine ou l’ex-président Jair Bolsonaro au Brésil. Il a comparé Justin Trudeau à Adolf Hitler lors des manifestations du Freedom Convoi à Ottawa pendant la pandémie. Les prochaines élections canadiennes ne perdent rien à attendre.

Le quatrième homme le plus riche de la planète, Mark Zuckerberg, ne semble pas s’impliquer activement en politique. Mais les réseaux sociaux de Meta, dont Facebook et Instagram, ont lamentablement échoué à lutter contre la désinformation, pourtant rentable en termes de clics. Pire encore, il a décidé de bloquer les publications des médias d’information qui pourraient contrebalancer cette situation. Ceci afin d’éviter de leur payer des redevances au titre du Loi sur les informations en ligne (C-18).

Ingérence américaine

Dans le même temps, les plateformes culturelles comme Netflix et YouTube imposent des émissions, des films et des musiques américaines, ce qui entraîne une désaffection des jeunes pour la culture francophone, observe l’auteur. Avec rigueur, M. Saulnier explique comment les Google, Apple, Meta, Amazon et Microsoft de ce monde, auxquels il ajoute l’entreprise de microprocesseurs et de cartes graphiques Nvidia ainsi que TikTok, augmentent leurs revenus et leur emprise sur les marchés en s’appropriant notre données personnelles. Et la montée en puissance de l’intelligence artificielle accroît leur pouvoir. Pendant ce temps, les individus et les gouvernements en dépendent de plus en plus. « Jamais dans l’histoire l’humanité n’a été aussi prise en otage par un si petit nombre de personnes puissantes », écrit-il.

“La possibilité de manipuler l’opinion publique, ainsi que de changer les habitudes et la culture des gens, est devenue si grande qu’il faut en prendre conscience”, insiste-t-il dans une interview. « On a beaucoup parlé de l’ingérence étrangère de la Chine et de l’Inde. Mais que faire de l’ingérence des multimilliardaires américains ? » ajoute-t-il.

Encadrez les monstres

En réponse, M. Saulnier plaide pour que les États démocratiques rétablissent leur autorité sur ces monstres. « Certains ont peur que le gouvernement nous contrôle. Mais nous sommes contrôlés 1000 fois plus par les géants du Web. Il a été démontré que tout ce que nous faisons sur nos ordinateurs peut être enregistré et envoyé n’importe où. Le grand frère est déjà dans nos maisons et dans nos poches. La seule option dont nous disposons est de superviser et de réglementer nos activités », affirme-t-il.

Au Canada, il estime que les projets de loi C-11 et C-18 constituent un pas dans la bonne direction. La première « accorde au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [CRTC] le pouvoir de superviser toutes les entreprises traditionnelles et numériques, y compris étrangères. « L’une des premières décisions du CRTC a été que des entreprises comme Netflix, Disney+ et Prime Video réinvestissent 5 % de leur chiffre d’affaires pour encourager la création de productions canadiennes. C’est une excellente décision. Il devrait y en avoir d’autres», juge M. Saulnier.

Le gouvernement Trudeau sympathise avec cette cause. Toutefois, le risque de déclin sera fort si le Parti conservateur du Canada prend le pouvoir, puisqu’il s’est déjà positionné contre ces lois.

Afin de freiner la monopolisation des revenus publicitaires par les réseaux sociaux, M. Saulnier propose également qu’on mette fin aux crédits d’impôt que peuvent obtenir les entreprises canadiennes pour leurs dépenses publicitaires sur les Facebook et TikTok de ce monde.

M. Saulnier ne nie pas que les réseaux sociaux et les technologies jouent un rôle essentiel dans nos vies. Mais on peut espérer l’émergence de choix de plateformes moins contrôlées par les multinationales. À ce sujet, il mentionne le projet de réseau social coopératif québécois La nouvelle place. M. Saulnier l’avoue lui-même, c’est un éternel idéaliste.

Tenez tête aux géants du Web. Une exigence démocratique

Alain Saulnier, Écosociété, 284 pages. En librairie à partir du 12 novembre.

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