« Pour réduire les émissions, nous devons voler moins »

L’aviation a un impact « énorme » sur le climat, estime Sascha Nick.Image : CLÉ DE CLÉ

Entretien

Le transport aérien est devenu beaucoup plus populaire au cours des dernières décennies. Un succès fulgurant qui explique son impact « énorme » sur le climat, estime un chercheur. Mais alors que l’aviation continue de croître, les alternatives non polluantes font défaut.

08.06.2024, 18:5808.06.2024, 23:04

Pour de nombreux Suisses, vacances d’été riment avec voyage en avion. L’arrivée imminente de la haute saison relance le débat sur l’impact écologique de ce moyen de transport, devenu désormais l’un des symboles du changement climatique. L’occasion de s’interroger sur l’impact réel de l’aviation, ainsi que sur les alternatives techniques et les solutions existantes pour réduire ses émissions. Nous avons fait appel à Sascha Nick, chercheur au laboratoire d’économie urbaine et d’environnement de l’EPFL.

L’aviation est souvent accusée de contribuer massivement au réchauffement climatique. Est-ce vraiment le cas ?
Sacha Nick : L’aviation est très problématique pour l’environnement, principalement parce qu’elle est trop performante. Ce secteur a connu une croissance presque inimaginable au cours du siècle dernier. Les passagers-kilomètres – le transport d’une personne par kilomètre – ont énormément augmenté, plus vite que la consommation de carburant.

“En conséquence, le prix des billets a baissé : de 1000 francs il y a 40 ans, on est passé à 20 aujourd’hui”

Cela a provoqué ce qu’on appelle un effet rebond : quand quelque chose devient plus efficace, sa consommation devrait diminuer. Cependant, à mesure que cette efficacité accrue réduit les coûts, elle augmente la demande et c’est l’inverse qui se produit.

Quel est son impact sur le climat ?
L’impact de l’aviation sur le climat est énorme. Cela représente environ 3 % du réchauffement d’origine humaine. On pourrait dire que 3 %, ce n’est pas beaucoup. Or, ce secteur croît nettement plus vite que toutes les autres sources d’émissions polluantes. Si rien n’est fait, sa part deviendra bien plus importante à l’avenir.

Et les solutions techniques ?
Actuellement, il n’y en a aucun. Si votre maison est chauffée au gaz, vous pouvez installer une pompe à chaleur. Pour un avion, ce n’est pas possible, l’équivalent d’une pompe à chaleur n’existe pas.

« Il y a essentiellement deux options possibles, et elles posent de gros problèmes »

De quoi s’agit-il?
La première consiste à utiliser un moteur électrique. Solar Impulse en est un exemple. Cela fonctionnait parfaitement, mais il n’y avait qu’une seule personne à bord. On ne peut donc pas concevoir un avion pour 100 personnes sur ces bases. Il existe des avions alimentés par batterie, mais ils sont très petits. Leur autonomie très limitée – une heure maximum – ne leur permet que de parcourir de très courtes distances, pour lesquelles nous n’avons pas besoin de voler.

Sascha Nick est chercheur au laboratoire d’économie urbaine et d’environnement de l’EPFL.Image : EPFL

Et la deuxième option ?
Ce sont des avions à hydrogène, qui ont un problème presque insurmontable : l’hydrogène prend beaucoup de place et, pour en avoir suffisamment, il faut le comprimer. Il nous faut donc un réservoir énorme, sous forte pression, et qui n’explosera pas en cas de turbulences. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure d’en construire un.

“Cela ne veut pas dire que c’est impossible, mais nous sommes très loin de pouvoir le faire”

Les compagnies aériennes parlent beaucoup de carburants alternatifs, appelés carburants d’aviation durables. Pourraient-ils jouer un rôle ?
Ils sont tout sauf durables. C’est complètement faux, c’est du marketing. Ces carburants peuvent être fabriqués soit avec de l’électricité, soit avec du CO2 (électrocarburants ou carburants de synthèse), ou avec de la biomasse, y compris des déchets, comme les huiles de cuisson (biocarburants).

« Les électrocarburants fonctionnent, mais la quantité que nous sommes capables d’en produire aujourd’hui équivaut à celle d’une boisson par jour. Autant dire qu’il n’est pas possible de piloter un avion avec ça.”

La quantité de biomasse disponible est plus importante mais limitée, et les déchets ne sont pas si nombreux. Il n’y a donc aucune chance que ces carburants soient rapidement disponibles à grande échelle. On a calculé que si nous utilisions toutes les huiles usagées disponibles sur Terre, nous serions capables de produire 10 à 12 millions de tonnes de biocarburants par an. Aujourd’hui, nous en utilisons 300 millions, sans compter que l’aviation va continuer à croître. C’est complètement négligeable.

N’y a-t-il rien d’autre à faire ?
Il est possible d’agir sur l’efficacité. On pourrait par exemple remplir davantage les avions. Aujourd’hui, leur taux d’occupation avoisine les 80 %. On pourrait augmenter ce pourcentage à 90 %, mais pas plus. Piloter des avions pleins à 100% est impossible : cela reviendrait à dire que si un seul passager sur 500 ne se présente pas, l’avion ne peut pas décoller. Une autre option serait d’optimiser les itinéraires. Certaines d’entre elles, tracées avant les ordinateurs, ne sont toujours pas linéaires.

« Mais ce ne sont que des petites choses. Pour faire la différence, il n’y a qu’une seule solution”

Ce est-à-dire?
Si nous voulons réduire les émissions des avions, nous devons voler moins. C’est si simple. L’aviation doit devenir neutre en carbone en 2050. Pour atteindre cet objectif, nous avons calculé qu’il faudrait réduire de sept le nombre de vols. Autrement dit, revenons à la situation d’il y a 40 ans.

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