Afin de faciliter l’accession à la propriété, le gouvernement de Justin Trudeau vient d’assouplir certaines conditions hypothécaires, pour le plus grand plaisir des emprunteurs et des banquiers. Mais cet assouplissement hypothécaire suscite beaucoup d’inquiétudes à la Banque du Canada en raison des risques financiers qu’il représente.
Quels sont les nouveaux assouplissements hypothécaires mis en place par le gouvernement Trudeau ?
Premièrement, il permet désormais aux acheteurs d’une première propriété ou d’une copropriété d’étaler l’amortissement de leur prêt hypothécaire sur 30 ans, soit 5 ans de plus qu’avant.
Deuxièmement, à partir du 15 décembre, l’étalement du prêt hypothécaire sur 30 ans sera également accessible à tous les acheteurs d’un bien nouvellement construit.
Troisièmement, à partir de la mi-décembre également, le prix plafond des prêts hypothécaires assurés par la SCHL ou d’autres assureurs hypothécaires augmentera à 1,5 million de dollars, soit 500 000 $ de plus qu’actuellement. Lorsque la mise de fonds est inférieure à 20 % du prix d’achat de la propriété, l’hypothèque doit être assurée.
LE RISQUE DE PROPAGATION
Dans une chronique précédente, j’ai expliqué la différence entre une hypothèque de 400 000 $ amortie sur 30 ans et une hypothèque amortie sur 25 ans. Dans le cas d’un prêt hypothécaire contracté à un taux d’intérêt moyen de 5 %, cela a permis de réduire la mensualité d’environ 191 $, passant de 2 326 $ à 2 135 $.
Cela a permis à l’emprunteur de bénéficier d’une réduction des mensualités de 8 %, soit 2 292 $ par an. A première vue, convenons que c’est séduisant.
Mais attention, cette prolongation de cinq ans de l’amortissement a un coût énorme. Dans notre exemple, la réduction des mensualités hypothécaires entraînera en fin de compte une facture d’intérêts supplémentaire de 70 589 $.
En effet, restituée au bout de 30 ans, la propriété de 400 000 $ aura coûté la somme astronomique de 368 515 $ en frais d’intérêts, comparativement à 297 926 $ en frais d’intérêts si le prêt avait été amorti sur 25 ans.
Selon Carolyn Rogers, première sous-gouverneure de la Banque du Canada, nous ne pouvons pas gagner sur deux tableaux. Selon elle, prendre des mesures pour réduire le coût des prêts hypothécaires à court terme augmente le coût à long terme supporté par les emprunteurs.
« Même si de longues périodes d’amortissement et de faibles mises de fonds augmentent le rendement des prêteurs, explique-t-elle, ils augmentent le risque assumé tant par le prêteur que par l’emprunteur, car ils réduisent la marge de manœuvre en cas de difficultés du côté de l’emprunteur.
Pour gérer ce risque, les prêteurs, ajoute Mmoi Rogers fait alors face à des coûts plus élevés, et ce sont souvent les emprunteurs qui en paient le prix sous la forme de taux d’intérêt plus élevés.
LE COÛT DE L’ASSURANCE HYPOTHÉCAIRE
L’assurance hypothécaire, que les emprunteurs sont tenus de souscrire lorsque leur mise de fonds est inférieure à 20 % de la valeur du bien, ne protège pas l’emprunteur. L’assurance prêt hypothécaire protège l’établissement bancaire en cas de défaillance de l’emprunteur.
Les exigences gouvernementales en matière de mise de fonds minimale pour obtenir un prêt hypothécaire sont les suivantes : 5 % sur la partie du prix d’achat allant jusqu’à 500 000 $ et 10 % sur la partie du prix d’achat comprise entre 500 000 $ et 1,5 million de dollars.
L’assurance hypothécaire coûte cher à l’emprunteur. Établie sur le montant du prêt par rapport à la valeur de la propriété, la prime sur le montant du prêt assuré auprès de la SCHL sera de :
- 2,80 % pour un prêt allant de 80 à 85 % de la valeur ;
- 3,10 % pour un prêt variant de 85 à 90 % de la valeur ;
- 4,00 % pour un prêt couvrant 90 à 95 % de la valeur.
Dans le cas d’un prêt hypothécaire de 400 000 $, la prime d’assurance variera de 11 200 $ dans le cas d’une mise de fonds variant de 15 à 20 %; 12 400 $ si la mise de fonds varie de 10 à 15 % ; et 16 000 $ si la mise de fonds n’est que de 5 à 10 %. Compte tenu du montant de la prime d’assurance à payer, les emprunteurs ajoutent généralement le coût de cette prime à leur prêt hypothécaire.
LE FÉDÉRAL AU BÂTON
Le gouvernement fédéral à lui seul, affirme Carolyn Rogers, garantit actuellement des dettes hypothécaires d’une valeur colossale de 590 milliards de dollars, soit le quart de l’encours total de la dette hypothécaire du Canada, soit 2,4 billions de dollars.
Un autre danger à l’horizon. La vague de renouvellements hypothécaires inquiète également la Banque du Canada.
D’après M.moi Rogers, plus de quatre millions de prêts hypothécaires, soit environ 60 % de ceux en cours, seront renouvelés d’ici deux ans.
Même si les taux d’intérêt ont commencé à baisser à la suite de la baisse du taux directeur de la Banque du Canada, la plupart de ces emprunteurs verront leurs mensualités hypothécaires augmenter considérablement.
Conséquences? “Les ménages pourraient limiter leurs dépenses plus que prévu pour compenser l’augmentation de leurs paiements, ce qui ralentirait l’économie”, estime M.moi Rogers. «Cette augmentation des paiements pourrait également entraîner des difficultés financières pour les emprunteurs, voire des pertes pour les prêteurs et les assureurs hypothécaires.»
De plus, une augmentation des pertes sur le marché hypothécaire pourrait peser sur le niveau de liquidité et sur la stabilité financière globale du Canada.
Autre risque national : comme l’assurance hypothécaire au Canada est garantie par le gouvernement fédéral, il pourrait y avoir des répercussions budgétaires si les pertes sur les prêts hypothécaires s’avéraient importantes.