Élections américaines : les plateformes de paris électoraux inquiètent les experts

Les sites de paris électoraux américains permettent de parier sur le candidat qui aurait le plus de chances de remporter l’élection présidentielle, mais ce phénomène croissant soulève des questions éthiques et les craintes de certains experts.

Depuis le début de cette campagne électorale américaine riche en rebondissements, les plateformes de paris électoraux offrent la possibilité à leurs utilisateurs de parier, notamment via les cryptomonnaies, sur diverses projections politiques.

Des propos tenus par les candidats dans les débats présidentiels jusqu’au choix des colistiers, en passant par une simple poignée de main entre Trump et Harris, la moindre improbabilité devient un prétexte pour parier sur ces plateformes où s’échangent des milliards de dollars. La participation à ces sites de paris reste en principe illégale pour les citoyens américains, mais plusieurs opèrent depuis l’étranger.

Cependant, le 2 octobre, une cour d’appel fédérale américaine a donné son feu vert à une plateforme de paris électoraux en ligne poursuivie en justice par une agence gouvernementale, invoquant un risque pour la démocratie.

Le site en question permet aux Américains de parier sur le candidat qui, Kamala Harris ou Donald Trump, a selon eux les meilleures chances de remporter l’élection présidentielle du 5 novembre, mais aussi sur celui qui sera élu dans les États pivots et sur le parti qui obtiendra la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants.

Le phénomène s’est même manifesté sur Times Squareà New York, où les paris des utilisateurs du marché des pronostics nouvellement autorisés par le tribunal fédéral défilaient en temps réel sur un écran géant. Il prédisait également une nette victoire du camp républicain, mais les prévisions du site ont été radicalement revues à la hausse à quelques jours du scrutin.

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Sur les réseaux sociaux, les sites de pronostics font la promotion de leur plateforme en diffusant des images de leurs panneaux publicitaires.

Photo : X@Kalshi

Une popularité croissante

Ces sites semblent extrêmement populaires, notamment avec les récentes élections.note Sylvia Kairouz, professeure au Département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia et titulaire de la Chaire de recherche en étude des jeux.

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Sylvia Kairouz, professeure au Département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia et titulaire de la Chaire de recherche en étude des jeux.

Photo : Radio-Canada

Selon Mme Kairouz, ces plateformes prétendaient initialement proposer une nouvelle manière de prendre le pouls des électeurs.

Or, la déréglementation de l’industrie des paris et le climat politique polarisé qui règne aux Etats-Unis constituent un terrain fertile pour ces plateformes, qui cherchent désormais à profiter de cette situation.

>>Un graphique affiche une courbe représentant les paris des utilisateurs d'une plateforme de paris électoraux sur les deux candidats à la présidence des Etats-Unis.>>

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Les « marchés de prédiction », comme celui légalisé par les autorités américaines en octobre, offrent la possibilité aux utilisateurs de parier sur la course électorale.

Photo : capture d’écran, Kalshi.com

S’il y avait consensus, il n’y aurait pas de pari. Il y a de plus en plus de débats, de divisions : c’est un terrain fertile pour faire pariersoutient le professeur Kairouz.

En fin de compte, voter est un droit. Les sociétés démocratiques reposent sur ces principes de vote et de démocratie, où chacun s’exprime. Nous en profitons pour en faire un objet de pari.

Une citation de Sylvia Kairouz, professeure au Département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia et titulaire de la Chaire de recherche en étude des jeux

Contrairement aux sites de paris traditionnels, qu’ils soient électoraux ou sportifs, ces plateformes imitent la bourse en permettant aux spéculateurs d’acheter des actions pour parier sur la probabilité qu’un candidat soit élu : ils sont marchés de prédiction.

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La valeur de chaque action est ainsi indexée sur les chances perçues des deux candidats de remporter les élections. Par exemple, si aux yeux des parieurs, un candidat a plus de chances de remporter l’élection présidentielle, la valeur de son titre suivra une tendance à la hausse, tandis que le cours du candidat adverse affichera une tendance à la baisse.

Quelles seront cependant les conséquences si, dans ce climat apparemment polarisé, les électeurs impliquent également leurs propres intérêts pécuniaires dans le résultat de l’élection ? Il va y avoir des dérapagesestime le chercheur.

Les gens investiront beaucoup d’argent […]. Le point de départ, ce sont les élections, et ce n’est pas le lieu de gagner de l’argent.

Une citation de Sylvia Kairouz, professeure au Département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia et titulaire de la Chaire de recherche en étude des jeux

Intéressant pour les stratèges, mais quels impacts ?

Les plateformes de paris électoraux n’intéressent pas seulement les parieurs. Les partis politiques trouvent parfois des réponses plus rapidement que par le biais des sondages. Le milliardaire et allié républicain Elon Musk a même fait l’éloge de ces plateformes sur son compte X, affirmant qu’elles étaient plus précis que les sociétés de sondage, puisque de l’argent réel est parié.

Une telle affirmation est un peu prématurée, selon Antoine Yoshinaka, professeur agrégé au Département de sciences politiques de l’Université d’État de New York à Buffalo et membre associé de l’Observatoire de la Chaire Raoul Dandurand sur les États-Unis.

Les équipes de campagne regardent certainement celareconnaît cependant M. Yoshinaka.

>>Un homme sourit>>

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Antoine Yoshinaka, professeur de sciences politiques à l’Université de New York à Buffalo. (Photo d’archives)

Photo : Antoine Yoshinaka

Le professeur explique cet intérêt par la possibilité pour les stratèges d’observer un petit élan qui n’a pas été mesuré dans les sondages, qui mettent plusieurs jours à être publiés.

Cela peut-il avoir une réelle influence sur le vote ? Je pense qu’au final, ce sera très limité.

Une citation de Antoine Yoshinaka, professeur agrégé au Département de science politique de l’Université d’État de New York à Buffalo et membre associé de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul Dandurand

Cela dit, […] tout facteur susceptible d’avoir un impact minime ici et là pourrait en théorie faire basculer les élections, simplement parce qu’elles sont si serrées qu’elles seront décidées par quelques dizaines de milliers de voix dans quelques États clésil nuance.

M. Yoshinaka maintient néanmoins qu’il serait risqué de prétendre que les marchés de prédiction peuvent donner une meilleure idée des intentions de vote que les sondages, comme l’a fait Elon Musk.

Il y a des variations d’un site à l’autre, ils n’ont pas tous les mêmes résultats […]. Il y a peut-être des sites qui attirent davantage de pro-Trump, et d’autres davantage de pro-Harris, donc cela joue aussi.note le professeur. C’est selon lui trop tôt pour affirmer qu’ils décrivent mieux la réalité du terrain que les sondages.

Cette analyse ne pourra être réalisée qu’après la révélation des résultats des élections du 5 novembre.

Avec les informations de Raphaëlle Drouin et Reuters

 
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