“Fermer la poste n’est pas une option”

Les guichets menacés

« Fermer la poste n’est pas une option ici »

A Sugiez (FR), les habitants craignent de perdre leur billetterie. Leurs voisins de Cressier (NE) se rendent dans un magasin partenaire. Rapport.

Publié aujourd’hui à 13h46

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Bref:
  • La Poste a dévoilé cette semaine la liste de 170 filiales menacées de fermeture.
  • Le bureau de Sugiez (FR) est là. Ce qui suscite l’inquiétude des habitants. Au-delà des expéditions et des transactions, les clients soulignent l’importance sociale de la poste et son rôle public.
  • Le géant jaune mise sur des filiales partenariales pour « rester présent dans toute la Suisse ». Cette solution est en place à Cressier (NE), dont le magasin Volg propose ce service.

“La poste, l’église et le bistro : ce sont trois choses importantes dans une ville.” Nous rencontrons Jean-Pierre devant la poste de Sugiez (FR), où il va retirer de l’argent. L’octogénaire est un habitué ici. Il vient au comptoir environ une fois par semaine. « Pour la poste », s’exclame-t-il, avant de préciser qu’il s’agit principalement de timbres ou de colis.

Malgré sa plaisanterie, Jean-Pierre n’est “pas content”. Mardi, le géant jaune a révélé la liste des 170 filiales menacées de fermeture en Suisse. Neuf sont implantés dans le canton de Fribourg, dont celui de Sugiez, village d’environ 500 habitants situé au bord du lac de Morat. Ainsi, ce jeudi matin, l’humeur des clients correspond tristement au ciel maussade et humide.

Changement d’adresse et d’argent

Sur le parking, les habitués passent vite. Qu’ont-ils en commun ? Ils veulent conserver « leur » poste et le disent parfois avec force. Que font-ils là ? Jessica, vendeuse de 31 ans, vient nous annoncer un changement d’adresse. Parfois, elle change aussi de l’argent.

Isabel, une représentante de 60 ans, envoie des colis deux fois par semaine. Si elle admet que le mail a largement remplacé les lettres dans son quotidien, elle s’empresse de souligner qu’au comptoir, il faut parfois attendre pour être servi. Un signe qu’il y a du monde. « Les vignerons de la région effectuent de nombreux envois », observe-t-elle.

Marc-André, 69 ans : « La Poste est un service public : on ne peut pas tout réformer pour le profit. »

Les clients avancent d’autres arguments. « C’est aussi un lieu de rencontre », souligne l’un d’eux. Nous faisons la queue et discutons. Un autre constate que la région est en pleine croissance et pense à ceux qui ne sont pas motorisés. « Pour aller à Morat, par exemple, il faut prendre le train », ajoute Marc-André. La Poste est un service public : on ne peut pas tout réformer pour le profit. En Suisse, nous dépensons de l’argent pour d’autres choses que je ne trouve pas nécessaires.»

Ce retraité de 69 ans vient ici « pour les colis et les courriers recommandés ». Des paiements ? Il les fait sur Internet. La Poste rappelle que depuis 2010, les paiements au guichet ont diminué de 68 %. Et le nombre de lettres déposées a diminué de plus d’un tiers (-39%) au cours des cinq dernières années. Dans ces conditions, le géant jaune mise sur des filiales partenariales pour « rester présent dans toute la Suisse ». Et il promet : « Les particuliers et les entreprises continueront à bénéficier d’un service universel complet.»

Marc-André évoque spontanément cette alternative qui permettrait peut-être d’allonger les horaires d’ouverture. « Ce serait acceptable. Mais il n’y a pas beaucoup de magasins non plus, et cette coopération a des contraintes… Et puis, si les gens reçoivent un document du tribunal ou du parquet, ils n’en veulent peut-être pas. Vous pouvez vous renseigner à l’épicerie. »

“Entre les cornets, ce n’est pas une option”

« Entre les cornets, ce n’est pas une option, précise Jean-Pierre. Quand on cherche de l’argent, il faut avoir confiance. Aurélie, une trentenaire qui habite juste à côté de la poste, a déjà vécu cela. « Avant, j’habitais Vallamand et la poste de Salavaux, où je me rendais, était fermée. C’était ennuyeux, il fallait se déplacer. J’aurais aussi pu me rendre dans une quincaillerie qui a repris le service, mais ce n’est pas la même chose. Aller à la poste est une habitude.

Aurélie se rend régulièrement au comptoir Sugiez pour effectuer des expéditions.

En tant qu’écrivaine, Aurélie utilise les services postaux pour envoyer des livres. Si nécessaire, elle s’adaptera malgré tout. « Il faut vivre avec son temps… Ils ont peut-être leurs raisons de le faire. Mais si cette décision est liée au fait que les gens envoient de moins en moins de courrier, je ne vois pas vraiment l’intérêt d’augmenter le prix des timbres !

Envoi de gâteaux

A 11 heures, les portes de la poste de Sugiez ferment pour midi. Direction la boulangerie Guillaume. De nombreux gâteaux du Vully trônent sur le comptoir du salon de thé. La propriétaire des lieux, Paola, les envoie régulièrement par courrier express. Et elle le dit clairement : « Cette fermeture n’est pas possible. Je vais à la poste trois fois par semaine. La banque a déjà fermé ses portes et le quadragénaire s’est tourné vers le géant jaune pour rendre de la monnaie ou effectuer des dépôts.

Paola, la propriétaire de la boulangerie Sugiez, affirme qu'elle n'est pas prête à reprendre les services postaux si le guichet du village ferme ses portes.

Serait-elle prête à reprendre ce service ? « Non, je ne le ferais pas. Il y a déjà tellement de choses à faire ici ! Et puis je n’aurais aucune légitimité, je ne suis pas dans ce secteur.

Cette étape, d’autres entreprises l’ont fait. En Suisse, de nombreux magasins Volg proposent un tel service. C’est le cas à Cressier, une commune neuchâteloise située à une quinzaine de minutes de Sugiez.

A Cressier, on va à Volg

Changement de canton, donc. A Cressier, 1920 habitants, le magasin Volg est devenu « le centre du village », s’amuse la gérante du petit magasin, Nathalie Melgarejo. Elle dit qu’au départ, il y a sept ans, le partenariat avait suscité certaines réactions. « Depuis, c’est devenu normal. Les seniors peuvent effectuer leurs paiements chez nous. En fait, nous fournissons presque tous les services dès 6 heures du matin.

Avec son équipe, elle a aussi dû s’adapter. Tous ont suivi une formation courte, validée par un examen. Et s’ils ont des questions, ils peuvent appeler un point de contact.

Nathalie Melgarejo, la gérante du magasin Volg à Cressier (NE) : « Les gens viennent récupérer leurs colis et faire leurs achats en même temps. »

« Pour nous, cela apporte un plus, poursuit Nathalie. Les gens viennent récupérer leurs colis et faire leurs courses en même temps. » Elle reconnaît que ce service apporte du travail supplémentaire. « On constate notamment une augmentation des colis, surtout depuis la crise du Covid. Nous en voyons 300 passer en moyenne par mois. Vers midi ou 17 heures, beaucoup de clients viennent. Ce n’est pas rien, mais c’est intéressant. Et ça change du quotidien !

Eva, indépendante de 26 ans, envoie des colis à ses clients depuis ce magasin. “Il n’y a jamais eu de problème”, assure-t-elle. Je n’ai pas non plus l’impression que les autres utilisateurs soient mécontents. Ensuite, nous ne sommes pas non plus très loin des autres bureaux.

Francine, 72 ans, fait ses courses au magasin Volg : « Je suis satisfaite du service, mais j'aurais préféré qu'il y ait encore une poste. »

Francine, 72 ans, est plus nostalgique. Elle dit qu’elle n’a pas bien pris la nouvelle à ce moment-là. “Je n’étais pas content, parce que j’allais retirer de l’argent au guichet de la poste… Mais aujourd’hui, de toute façon, on a des problèmes si on n’a pas internet.” C’est en effet sa fille qui s’occupe « heureusement » de ses paiements.

Le magasin Volg ? « Je prends parfois un peu d’argent ici, ou quelques timbres. Je suis satisfait du service, mais j’aurais préféré qu’il y ait encore un bureau de poste. Avec le temps, les contacts sociaux deviennent restreints.

Caroline Zuercher est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2005. Elle couvre notamment des sujets liés à la santé et à la politique de santé. Auparavant, elle a travaillé pour Swissinfo et Le Matin.Plus d’informations

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