L’industrie du jeu vidéo surprise par une campagne de syndicalisation

Le lancement d’une offensive de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et de l’organisation Game Workers Unite pour tenter de syndiquer toute l’industrie québécoise du jeu vidéo divise plusieurs studios de la province.

Surpris en lisant cette nouvelle mercredi matin, Michel Mony, directeur du studio indépendant Cathar Games au Québec, n’a pas tardé à publier sa réaction sur LinkedIn. Il est catégorique : le syndicat n’est pas la solution aux problèmes auxquels l’industrie est actuellement confrontée.

Parmi les problèmes soulevés par l’initiative figurent l’épuisement professionnel, la précarité de l’emploi, la disparité de traitement et les heures supplémentaires non rémunérées.

Je pense que nous avons bien identifié les problèmes, mais mal les solutions. […] Les gens reconnaissent qu’il y a des problèmes dans l’industrie, mais la syndicalisation est-elle la solution ?

Une citation de Michel Mony, directeur du studio Cathar Games

Christopher Chancey, directeur du studio indépendant ManaVoid Entertainment à Montréal, insiste : il ne prétend pas représenter le côté patronal, il n’est ni antisyndical ni anti-ouvrier. C’est pour que tout le monde est traité avec respect.

En plus de diriger ManaVoid, Christopher Chancey est co-fondateur d’Indie Asylum, qui regroupe plusieurs studios indépendants à Montréal.

Photo : Christophe Chancey

Il souligne toutefois que l’industrie du jeu vidéo est actuellement fragile. Entre les vagues de mises à pied, la baisse des investissements dans les projets de jeux vidéo et le récent budget Girard au Québec, qui prévoit une réduction des crédits d’impôt, les prochaines années s’annoncent difficiles pour les studios de la province.

Déjà, L’étoile québécoise s’efface sur la scène internationale du développement de jeux vidéoil dit.

Les efforts de syndicalisation sont un autre élément. Si on ajoute à tout cela le fardeau administratif des syndicats, j’imagine que cela s’accompagnera de déplacements d’emplois vers d’autres provinces ou pays où le climat fiscal est plus avantageux.suggère le directeur de ManaVoid.

Michel Mony partage cette position, bien qu’il soit favorable à une réduction des crédits d’impôt accordés aux studios. Selon lui, si les syndicats gagnent les grandes entreprises de jeux vidéo au Québec, rien ne les empêchera de plier bagage et de s’implanter ailleurs.

La nouvelle selon laquelle on veut syndicaliser massivement l’industrie du jeu au Québec ne fait pas vendre du tout [pour des investisseurs et des groupes étrangers].

Une citation de Michel Mony, directeur du studio Cathar Games

Félix Prégent, chef des opérations chez Astrolabe Interactive, un studio indépendant de Montréal, s’est félicité de la nouvelle mercredi.

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L’équipe du studio indépendant Astrolabe Interactive développe le jeu « Aloft », dont la sortie est prévue pour 2024.

Photo de : Astrolabe Interactive

L’union naît du bas et va vers le haut. Cela vient d’un besoin. S’il y a une mobilisation syndicale, si les gens ressentent le besoin de se protéger d’employeurs potentiellement nuisibles, je pense que cela devrait être bien accueilli.souligne-t-il, précisant qu’il n’est pas un spécialiste de la question syndicale.

L’industrie du jeu vidéo est présentée comme un business cool, mais la réalité est que de nombreuses personnes qui y travaillent se trouvent dans des situations précaires. […] L’insécurité est inévitable dans un studio indépendant.

Une citation de Félix Prégent, responsable des opérations chez Astrolabe Interactive

Bien qu’un syndicat ne protège pas contre le licenciement ou la mise à pied, il peut au moins mettre en place un délai de préavis et une indemnité de départ légèrement plus longsnote celui qui supervise les ressources humaines.

Une autre avancée qu’un syndicat pourrait permettre, selon lui, est de s’assurer que les employés soient correctement crédités pour leur travail sur les productions.

Parfois, une personne travaille pendant des années sur un projet inopiné, qui finit par être annulé. Elle n’a donc rien à montrer dans son portfolio, outil essentiel à l’employabilité dans cette industrie.

L’industrie prétend offrir de bonnes conditions

Selon une étude réalisée par la firme de conseil Habo en 2023, menée auprès de 520 travailleurs de l’industrie du jeu vidéo québécois, 95 % recommanderaient leur entreprise à leur entourage pour y travailler.

Tout n’est pas parfait dans l’industrie, mais nous continuons d’avancer. Il y a beaucoup de bonnes discussions entre salariés et entreprisessouligne Jean-Jacques Hermans, directeur de la Guilde québécoise du jeu vidéo, qui compte parmi ses membres des centaines de studios de la province.

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Jean-Jacques Hermans est directeur général de la Guilde du jeu vidéo du Québec depuis deux ans.

Photo : Radio-Canada / Andréanne Larouche

Au cours des dix dernières années, les conditions des travailleurs de l’industrie du jeu vidéo se sont détériorées. énormément amélioréinsiste Christopher Chancey.

Avec plus de 300 studios au Québec, l’offre est assez large. C’est souvent dans les avantages sociaux que le choix d’un employeur entre en jeu.

Une citation de Christopher Chancey, directeur de ManaVoid Entertainment

Dans son studio ManaVoid, par exemple, pour rester compétitif, il offre des semaines de travail de quatre jours, une assurance collective et paie, entre autres, les déjeuners et les dîners.

De son côté, Michel Mony offre également des assurances collectives et des salaires compétitifs. Il affirme que les périodes intensives de travail précédant la livraison d’un jeu vidéo, appelées des craquements”, “texte”:” des craquements”}}”>craquementssont quasiment inexistants. des crunchs dans mon studio », « texte » : « Je suis la seule personne à faire des crunchs dans mon studio »}} »>Je suis la seule personne à faire craquements dans mon atelierfait-il remarquer.

Chez Astrolabe Interactive, l’assurance et le salaire compétitif sont là, mais surtout c’est la culture de la bienveillance, de l’accessibilité, de la transparence et de l’inclusion ce qui a une influence positive, explique Félix Prégent. Dans un studio indépendant comme nous, si quelque chose ne va pas, mon équipe se lève, vient vers moi et on discuteil explique.

D’après mon expérience, les syndicats sont principalement utilisés pour intervenir dans une organisation trop grande pour communiquer directement avec ses salariés. C’est moins nécessaire pour les petits studios.

Une citation de Félix Prégent, chef des opérations chez Astrolabe

Et tout le monde est unanime : même s’il y a des suppressions d’emplois en ce moment dans l’industrie du jeu vidéo au Québec, elle est si vaste que ses travailleurs peuvent encore magasiner dans leur studio pour espérer obtenir de meilleures conditions.

Nous sommes dans un secteur où il n’y a pas beaucoup de fidélité. Il est facile de quitter et d’être productif dans une autre entreprise. Partir ou menacer de partir parce que vous n’acceptez pas les conditions met les entrepreneurs dans une zone où ils doivent réagirajoute Michel Mony.

Ce qui est sûr c’est que les gens gagneraient à connaître leurs droits, et s’ils ne se sentent pas bien traités en ce moment, je les inviterais à trouver un studio qui propose ce qu’ils recherchentsuggère Christopher Chancey.

Une autre réalité que les États-Unis

Les syndicats commencent à gagner de plus en plus de studios de jeux vidéo aux Etats-Unis, où le contexte s’y prête mieux, estime le directeur du studio Cathar. Les entreprises américaines proposent des indemnités de départ, par réputationdit-il, mais ce n’est pas prescrit par la loi.

Au Québec, nous avons un filet de sécurité sociale, comme le chômage, payé collectivement par les entrepreneurs en impôts. Nous sommes déjà de grands gagnants dans le contexte mondial.

Une citation de Michel Mony, directeur du studio Cathar Games

La mise en place d’un syndicat aurait aussi pour effet d’alourdir les tâches administratives des petits studios, selon M. Mony. Les petites entreprises, de moins de 50 personnes, représentent la grande majorité des studios de jeux vidéo au Québec, mais pas la majorité de la main-d’œuvre.

>>Stand d'Activision à l'E3 en 2017.>>

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Raven Software, un studio Activision basé dans le Wisconsin, est devenu en 2022 le premier studio AAA à se syndiquer.

Photo : Reuters / Mike Blake

les gens, c’est une charge administrative supplémentaire, surtout pour des marges bénéficiaires très minces », « texte » : « Il est réaliste de penser que, pour un grand studio établi ici depuis plusieurs années, il sera plus facile d’absorber ce processus. Mais pour un studio de 10 personnes, c’est une charge administrative supplémentaire, surtout pour des marges bénéficiaires très faibles”}}”>Il est réaliste de penser que, pour un grand studio établi ici depuis plusieurs années, il sera plus facile d’absorber ce processus. Mais pour un studio de 10 personnes, c’est une charge administrative supplémentaire, surtout pour des marges bénéficiaires très faibles., explique Michel Mony. Il ajoute que de plus en plus de studios indépendants commencent à songer à fermer boutique.

[Les travailleurs] gagneraient à bien comprendre ce que signifie faire partie d’un syndicat comme la CSN en termes de coûts pour eux et pour leurs employeurs, ainsi que l’impact de tout cela sur leur industrie, mentionne Christopher Chancey . De notre côté, nous continuerons à bien traiter nos collègues dans tous les cas, car c’est ce qui a fait notre succès jusqu’à présent !

Le bien-être des employés et la culture d’entreprise ne doivent pas être des préoccupations économiquesdéfend Jean-Jacques Hermans, directeur de la Guilde québécoise du jeu vidéo.

Contacté par Radio-Canada, le plus grand employeur de l’industrie du jeu vidéo au Québec, Ubisoft, n’a pas souhaité faire de commentaire, laisser la Video Game Guild parler au nom de l’industrie. Même son de cloche chez le deuxième employeur, Behaviour Interactive.

 
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