« La nappe phréatique est vulnérable à la pollution bactérienne » – Libération – .

« La nappe phréatique est vulnérable à la pollution bactérienne » – Libération – .
« La nappe phréatique est vulnérable à la pollution bactérienne » – Libération – .

En saura-t-on bientôt plus sur les éventuels manquements des autorités françaises dans le scandale des eaux minérales illégalement traitées par Nestlé ? Ce mardi, lors d’une réunion d’experts dans les locaux de la Commission européenne, des représentants du ministère de la Santé ont présenté un aperçu de la problématique de ces eaux censées être “pur”. Contrairement à ce qu’exige la directive européenne sur les eaux minérales naturelles, la France n’a pas alerté Bruxelles des pratiques non conformes de Nestlé alors qu’elle en avait connaissance depuis 2020.

Dans le même temps, la polémique continue de s’intensifier. La semaine dernière, Nestlé a annoncé avoir détruit deux millions de bouteilles d’une de ses marques phares, l’eau Perrier. Par le biais d’un arrêté du 19 avril, la multinationale a en effet été sommée par le préfet du Gard, département où est pompée l’eau gazeuse, de « suspendre sans délai » l’exploitation du forage de la Romaine VIII, situé sur la commune d’Uchaud – la mise en bouteille a lieu sur le site voisin de Vergèse. La cause est une contamination d’origine fécale probablement provoquée par les fortes pluies survenues début mars. Sophie Ressouche, responsable du pôle eaux souterraines de l’Établissement public territorial de bassin (EPTB) Vistre Vistrenque, chargé de la gestion de la ressource sur la zone de pompage de Perrier, explique pourquoi la nappe en question est vulnérable à la pollution bactérienne.

Quelles sont les caractéristiques de la nappe phréatique dans laquelle l’eau Perrier est pompée ?

Nestlé exploite les couches calcaires de la garrigue nîmoise, constituées de roches dures datant du Crétacé et traversées de fissures remplies d’eau. Ce système hydrogéologique assez vaste s’étend le long de la faille de Nîmes et dépasse même les limites du département du Gard, jusqu’à l’Hérault. Ce sont des nappes compartimentées. Sur le secteur de Nîmes, la fontaine de Nîmes, Source historique, constitue le principal exutoire du système. Une partie de ce réservoir est située “à l’abri” : des dépôts plus récents recouvrent la roche calcaire profonde. Nous manquons d’informations sur l’âge de l’eau qui circule, on sait juste que, dans les zones les plus profondes, elle est très ancienne. Nestlé a lancé une étude pour améliorer la connaissance de ce réservoir et de son mode d’approvisionnement. Ce système communique avec les nappes phréatiques de Vistrenque et de Costière, constituées de sable, graviers et galets dont les interstices se remplissent d’eau.

A quoi ressemble un captage sur cet aquifère exploité par Perrier ?

Un forage dans une nappe phréatique, bien plus impressionnant qu’un puits privé, est comme un trou dans lequel on insère un tube métallique et dans lequel glisse une pompe. Le diamètre est parfois tel que l’on peut pénétrer dans certains captages.

Cette nappe est-elle utilisée à des fins autres que celles de Nestlé ?

Oui, la nappe calcaire de la garrigue nîmoise est utilisée pour produire de l’eau du robinet mais pas forcément dans le même compartiment que celui exploité par Nestlé. Deux communes du Gard sont alimentées par cette même nappe. Leur eau ne pétille pas car le gaz n’est présent dans l’eau qu’à grande profondeur le long de la faille de Nîmes.

La contamination par des matières fécales début mars a-t-elle été repérée ailleurs sur la nappe phréatique que dans le forage Nestlé ?

Pas à ma connaissance. Mais même en cas de pollution bactérienne ponctuelle, une collectivité peut traiter l’eau potable avant de la distribuer. Un traitement à base de chlore élimine les bactéries et virus. En revanche, après les fortes pluies du mois de mars, l’eau est devenue beaucoup plus trouble ailleurs que dans la garrigue calcaire de Nîmes. Or les matières en suspension sont propices au développement des bactéries. Dans ce cas, les habitants peuvent être approvisionnés au moyen d’autres forages. En revanche, pour les eaux minérales naturelles, comme celles produites par Nestlé, les traitements de purification ne sont pas autorisés. L’eau doit être naturellement potable avant d’être mise en bouteille.

Le captage contaminé du Perrier plonge à plus de 100 mètres dans le sous-sol. Est-il surprenant de trouver des bactéries à une telle profondeur ?

Non. De par sa configuration, la nappe phréatique est vulnérable à ce type de pollution. C’est le cas de tous les systèmes karstiques. [constitués de calcaire, ndlr]. En cas de fortes pluies, il peut y avoir un lessivage des sols et cela pourrait entraîner une pollution fécale par les excréments et les eaux usées. Dans les systèmes calcaires, l’eau pénètre et circule très rapidement ; les milieux traversés ne jouent pas le rôle de filtres naturels. Dans un système comme l’aquifère du Vistrenque présent dans la plaine, qui est comme une éponge composée de galets, de sable et de graviers, on a beaucoup moins de problèmes bactériologiques car le matériau qui constitue le réservoir d’eau joue le rôle de filtre.

Nestlé, vous travaillez avec les agriculteurs pour qu’ils utilisent moins de pesticides. La nappe phréatique est-elle également vulnérable à la pollution chimique ?

Oui. Nous travaillons à protéger la qualité des eaux autour des captages qui peuvent être dégradées, notamment à cause de problèmes de pollution diffuse par les nitrates ou les pesticides. Nous mettons en œuvre, avec Nestlé, des actions communes pour préserver les ressources souterraines. La nappe calcaire présente en revanche moins de problèmes liés à ce type de pollution chimique car le secteur de la garrigue est un espace naturel de garrigue, de chênes et de pins, moins cultivé que la plaine.

Le changement climatique peut-il aggraver les problèmes ?

Elle a surtout un impact quantitatif sur les nappes phréatiques, qui se rechargent moins bien en raison du manque de pluie en hiver. En termes de qualité, il peut y avoir un impact sur les pollutions diffuses, notamment les nitrates. S’il y a moins d’eau, ces polluants sont moins dilués.

Un nouvel épisode cévenol est attendu sur le secteur cette semaine. Faut-il craindre un nouvel épisode de lessivage et de contamination de la nappe phréatique ?

Pas vraiment car les précipitations attendues cette semaine n’ont rien à voir avec celles d’il y a deux mois. Entre 40 et 60 mm de pluie sont prévus, alors qu’en mars nous avons eu plus de 200 mm, ce qui était exceptionnel. Il n’y a pas forcément de raison de s’inquiéter pour les jours à venir.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV déjà des millions de dollars de dépassements de coûts
NEXT Vladimir Poutine affirme que le secteur énergétique est en bonne santé alors que Gazprom affiche 7 milliards de dollars de pertes