C’est une drôle de coïncidence. Alors que TotalEnergies fêtait jeudi 28 mars son centième anniversaire, le tribunal judiciaire de Paris annule le même jour la citation à comparaître de la major pétrolière et gazière contre Greenpeace. Les faits portent sur la publication d’un rapport en novembre 2022, intitulé « Bilan carbone de TotalEnergies : le compte n’y est pas », dans lequel l’ONG affirme que TotalEnergies a «une émission totale de 1,6 milliard de tonnes équivalent CO2 » contre 455 millions de tonnes selon le groupe, pour l’année 2019.
TotalEnergies avait dénoncé « des informations fausses et trompeuses, basées sur une méthodologie douteuse et contenant de multiples erreurs, doubles comptages et approximations, conduisant à un résultat incohérent« . La major a ensuite assigné Greenpeace en justice en avril 2023, et demandé au juge civil d’obliger l’association à supprimer le rapport et toutes les publications qui y sont liées, sous astreinte de 2 000 euros par jour. Un processus pour le moins inédit par rapport aux procédures traditionnelles en diffamation, assimilées par l’ONG à une « procédure SLAPP » visant à étouffer sa voix.
“Tentatives d’intimidation”
Dans son ordonnance, le juge a finalement annulé l’assignation à comparaître, estimant que « le manque de détails suscite forcément des griefs » aux parties assignées, « qui ne peuvent se défendre utilement sur le fond », selon le document consulté par Novethic. Il condamne TotalEnergies à verser 15 000 euros à Greenpeace France et Factor X, le cabinet qui a réalisé l’analyse, pour les frais occasionnés par la procédure.
“C’est une grande victoire pour la liberté d’expression”a réagi Clara Gonzales, avocate chez Greenpeace France, dans un communiqué. « Il faut rester vigilantcependant, a-t-elle indiqué. Cette poursuite-bâillon intervient dans un contexte inquiétant de tentatives croissantes d’intimidation judiciaire contre la société civile.
Greenpeace a fait l’objet de deux autres procédures similaires : en Grande-Bretagne, Shell lui réclame des millions de dollars pour une action pacifique, et en Italie, ENI a engagé une procédure qui pourrait déboucher sur un procès en diffamation. De son côté, TotalEnergies affirme prendre « acte de la décision du juge » du tribunal judiciaire de Paris et examiner «la suite à donner ».