« Cette mine pourrait représenter un quart de la production mondiale », selon François Gemenne

« Cette mine pourrait représenter un quart de la production mondiale », selon François Gemenne
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La société Imerys prévoit d’ouvrir une très grande mine de lithium à Échassières, dans l’Allier : 30 hectares de site industriel, des galeries à 400 mètres sous terre, sans compter le chargement des marchandises, le traitement des déchets, etc. Un projet qui consommera beaucoup d’électricité et beaucoup d’eau : 600 000 mètres cubes par an qui seront prélevés sur la rivière voisine, la Sioule. La Commission nationale du débat public a ouvert des réunions publiques sur le sujet le 11 mars et les opposants au projet se mobilisent pour faire entendre leurs objections, qui sont nombreuses.

franceinfo : On comprend que cela pose certaines questions, non ? Si j’étais un résident local, je me demanderais aussi…

François Gémenne : Et moi aussi, bien sûr. Mais l’enjeu est à la mesure de l’ampleur du projet : ce serait la première ouverture d’une mine en France depuis 50 ans.

« Il s’agit de produire 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium chaque année, soit de quoi équiper 700 000 voitures électriques chaque année pendant au moins 25 ans. »

François Gémenne

franceinfo

En 2022, environ 130 000 tonnes de lithium seront produites dans le monde. La mine Échassières pourrait potentiellement représenter un quart de la production mondiale de lithium. Ce qui est clair, c’est que cela placerait la France sur la carte de la géopolitique des terres rares et des minéraux critiques. Pour le moment, pour le lithium, cette carte se réduit à quelques pays, puisque trois pays se partagent l’essentiel de la production mondiale : l’Australie, avec 47 % de la production ; Le Chili, avec 30 %, et la Chine, avec 15 %.

Et les réserves de ces pays s’épuisent, on lit partout que nous n’aurons pas assez de lithium pour la transition. Est-ce pour cela qu’il faut aller le chercher en France ?

Il faut relativiser. Certes, les besoins en lithium devraient continuer à augmenter dans les années à venir, mais les réserves mondiales sont très abondantes.

« Les réserves prouvées de lithium dans le monde étaient de 26 millions de tonnes en 2022. Et c’est un chiffre qui reste encore bien en deçà des réserves estimées, qui avoisinent les 100 millions de tonnes. »

François Gémenne

franceinfo

Et la moitié de ces réserves sont situées dans les plaines salées de Bolivie, du Chili et d’Argentine. Cela nous permet donc quand même de voir les choses venir, d’autant plus que l’on peut raisonnablement espérer que nous serons de mieux en mieux dans le recyclage des batteries électriques, puisque 80 % de la demande mondiale en lithium concerne les batteries.

Mais pourquoi aller chercher du lithium en France, s’il existe d’énormes réserves ailleurs ?

D’abord parce qu’il permettrait de produire localement un matériau absolument indispensable à la transition, avec tous les avantages qu’il procure, mais aussi parce qu’il permettrait de réduire les dégâts sur l’environnement. Les plaines salées d’Amérique du Sud, où se situe la moitié des réserves mondiales de lithium, sont par exemple des sites naturels absolument extraordinaires, qui seraient évidemment dévastés par l’activité minière. Les promoteurs de la mine d’Échassières avancent que l’extraction se ferait dans de meilleures conditions en France, en minimisant les dégâts écologiques et en recyclant l’eau utilisée, par exemple.

Mais une mine peut-elle vraiment être écologique ?

Clairement non. Même avec toutes les précautions du monde, l’activité minière nuit à l’environnement local, c’est une évidence.

« Le cas de la mine Échassières illustre bien la double contradiction de la transition. La première est que tout le monde veut des batteries au lithium, mais personne ne veut que le lithium soit extrait à proximité.

François Gémenne

franceinfo

Tout le monde veut des énergies renouvelables, mais personne ne veut d’éolienne dans son paysage, etc. Peut-on, moralement, se contenter d’exploiter les matériaux de la transition ailleurs, dans des conditions environnementales que nous ne maîtrisons pas, alors que nous disposons de certains de ces matériaux. dans notre sol ? Car je ne vous parle même pas des conditions d’extraction des autres matières, du cobalt notamment…

Et quelle est la deuxième contradiction ?

La deuxième contradiction réside entre les impératifs de la transition énergétique et la préservation de la biodiversité. Parfois, nous vivons dans une sorte d’illusion que tout est lié. Ce qui serait bon pour le climat serait nécessairement bon pour la biodiversité et les ressources naturelles, et vice versa.

« La réalité est que certains projets utiles à la protection du climat nuisent à la biodiversité. La mine Échassières en est un bon exemple.

François Gémenne

franceinfo

Mais on peut aussi citer les barrages, ou le tunnel Lyon-Turin… Ils seront de plus en plus nombreux, ce qui va générer des tensions entre écologistes, et pour lesquels il faudra trancher avec prudence. Car la transition a un coût environnemental. Chaque fois que vous devez fournir de l’énergie ou transporter des personnes, cela a un coût environnemental, quoi que vous fassiez. Même si ce coût est infiniment inférieur à celui associé aux énergies fossiles. Alors soit on assume ce coût en essayant de le réduire au maximum, soit on ne fait rien du tout. L’alternative est là.

 
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