Remarque: 5/5
Leïla Slimani se transforme en comtesse de Monte Cristo dans ce roman inspiré par son histoire familiale, traversé par l’emprisonnement de son père, à la suite d’une calomnie dont il émerge brisé et innocent. La mort de son père, Mehdi, dans le roman, la forcera à effacer l’honneur des «petits arabes avec des lunettes» qui sont devenues présidents de banque.
Après le Maroc colonisé et la rencontre d’un beau Spahi est retourné dans le pays avec un alsacien qui deviendrait sa grand-mère, puis «la fausse négligence qui a suivi l’indépendance» avec le règne féodal de Hassan II et l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie, Leïla Slimani raconte Dans ce troisième volume, les espoirs déçus nés après l’intronisation du nouveau monarque et du «Movida marocain», dont Mia, sa jeune héroïne, s’échappera.
«Mia, partez et ne reviens pas, son père lui conseille… déclencher un grand feu et enlever le feu», ajoute-t-il, lui offrant un livre de Kundera, «La vie est ailleurs». Originaire de Rabat et diplômé de Sciences Po Paris, Leïla Slimani voulait également éviter de devenir l’un de ces «petits scheherazades qui sauraient comment charger les tyrans». Elle a choisi de sauver sa peau différemment et de prioriser le salut de son âme.
Une romance intense
Dans cette saga, Slimani est à la fois Mehdi et Mia, elle enlève le feu, mais aussi le cœur et les lecteurs. Elle se montre capable de parler des hommes «obsédés par un objectif à atteindre», et des femmes conduites par «leur élan vital… leur rire et leur amour». Elle parle à son tour à son tour de la vieille amine, le grand-père, qui «se sentait inutile», de tante Selma, qui est restée célibataire avec ses rêves et tout son fantasme, de sa petite sœur inès qui hésite entre «trahir son pays et se trahir. ” Ce passage d’un personnage à un autre donne tout le charme à ce roman intense et marque le talent prodigieux de son auteur.
Énorme roman aussi, dont la dimension historique et géopolitique scintille entre la finesse des portraits. Le Maroc et ses 17 millions de touristes révèlent son côté caché, évoquant les secrets du makhzen, du pouvoir et de ses tabous, «Religion, le roi, le Sahara». Hymne to Freedom, ce livre passe par New York et la statue du même nom, mais l’Amérique des «grandes voitures et gratte-ciel ressemble toujours au tiers monde». Et à Londres, «ce n’est pas comme Paris. Un arabe peut conduire une voiture de luxe sans se tromper avec un trafiquant de drogue. »
-L’œil et la dent dure, mais sans acrimonie
La gagnante du prix Goncourt 2016, avec «Chanson Douce», qui a été appelée «Beurette» lorsqu’elle est arrivée en France, observe que «maintenant les gens pensent que les Arabes sont beaux». Slimani a un œil et une dent dure, mais sans acrimonie ni esprit de vengeance. Séduisant la grâce de la littérature à la honte de la honte, telle est la mission qu’elle se mit. Ne pas dire la vérité, mais le révéler dans la fiction.
La vengeance de la comtesse de Monte Cristo est souverain. Vingt après (c’est aussi un roman de Dumas) la mort de son père, elle écrit qu’elle sait qui est responsable de la chute de son père, «des gens dont je connais les noms mais qui je vais garder le silence.» Vous devez lire cette trilogie à partir du début, et continuer avec le volume deux, «Watch Us Dance», mais vous pouvez tout aussi facilement vous plonger dans le dernier où elle traverse le miroir.
«Je vais enlever le feu», par Leïla Slimani, éd. Gallimard, 430 p. 22,90 €.