“L’Hyper Weekend Festival est un espace de création très punk et confortable”, salue Bilal Hassani

“L’Hyper Weekend Festival est un espace de création très punk et confortable”, salue Bilal Hassani
“L’Hyper Weekend Festival est un espace de création très punk et confortable”, salue Bilal Hassani

Hyper Weekend Festival et grosse programmation. Pour sa quatrième édition, qui se tiendra du vendredi au dimanche à la Maison de la Radio et de la (Paris 16e), l’événement proposera une pléthore de concerts, créations et masterclasses. Parmi eux, L’horriblele projet intimiste piano-voix de Bilal Hassani qui, en décembre 2023, commence à écrire des chansons très personnelles avec Martin Dust. 20 minutes a proposé à l’artiste, qui sera sur scène dimanche à 18h et 20h30, et à Didier Varrod, créateur et programmateur de l’Hyper Weekend Festival, de participer au jeu des interviews croisées…

Pourquoi ce titre « L’Affreux » ?

Bilal Hassani : The Awful est un surnom que mon ami très proche et moi avons donné au côté obscur qui nous habite. Elle est le reflet de tout ce que j’aime le moins chez moi, mais c’est aussi une figure rassurante car elle vous dit la vérité, elle vous parle sans vous mentir, elle n’édulcore pas ce qu’elle a à vous dire. Quand j’étais avec Martin Dust sur l’île du Levant où nous concevions les chansons, je lui ai dit “Aujourd’hui, je suis Affreuse !” » Et il m’a répondu : « De quoi tu parles ? » Alors j’ai essayé de lui expliquer : « L’Affreuse, quand elle est là, elle s’invoque, c’est elle qui décide ». Et nous avons tiré ce fil.

Musicalement, vous optez pour le piano-voix…

Bilal Hassani : J’ai dit à Lilian Mille, qui m’accompagne au piano, que j’aimais beaucoup les bandes originales de films, celle réalisée par Air pour Suicides viergescelui de Promenade Mullholland…Je voulais aussi trouver un thème pour L’horriblequatre ou cinq notes qui reviendraient dans plusieurs titres pour marquer l’état dans lequel je me trouve en racontant certaines choses. Nous avons matérialisé L’Affreuse et elle est devenue une camarade, une amie qui a été comme un phare dans l’écriture. Je me suis dit : « Là, j’ai peur, là, j’ai l’impression de passer à côté. Le supposons-nous ? Est-ce qu’on y va ? » Et nous avons souvent fait le choix d’aborder des sujets difficiles…

Didier Varrod : C’est un projet ultra stratégique artistiquement pour Bilal compte tenu de l’éventail de tout ce qu’il propose depuis qu’on le connaît. Il arrive avec une proposition de contre-usage qui sera probablement son projet le plus politique même si l’on pourrait penser qu’il s’agit avant tout d’un projet esthétique. Mais l’esthétique et la politique se rejoignent de manière très forte dans ce projet. Quand on en a parlé, on a applaudi : allez, ce sera sur l’Hyper Weekend Festival 2025 !

Bilal Hassani : C’est une série très fortement politique. Jusque-là, j’aimais donner une patine, disons plastique, synthétique, à ce que je faisais parce que je pense que c’est un mécanisme de défense queer très sain. C’est là qu’on retrouve l’hyper pop, le camp, etc. Là, j’ai dû pousser le même cri sans protection. J’ai dû dire les choses de manière plus directe.

Didier Varrod : Je voulais dire que j’étais particulièrement attaché à Bilal. Je l’admire profondément. Je me demande : « Pourquoi n’ai-je pas eu quelqu’un comme ça dans ma génération qui m’aurait donné le courage de vivre ce que j’avais à vivre ? « . Cela m’émeut beaucoup de connaître ce garçon.

Mais vous, à travers votre parcours, vous qui avez été militant des droits des homosexuels, secrétaire général de la radio Fréquence Gaie, vous avez ouvert la voie à cette jeune génération LGBT…

Didier Varrod : Bien sûr, mais je me dis qu’il a besoin de savoir : si ma génération avait eu un Bilal, peut-être qu’on aurait gagné un peu de temps et vécu un peu moins de souffrance et de drame.

(Bilal est très touché par ces paroles et le dit.)

Bilal, ce projet est-il une parenthèse ou une nouvelle direction pour votre carrière ?

Bilal Hassani : Je pense qu’il me divertira pendant un moment. Les morceaux sont des titres très forts, qui disent des choses qui doivent être entendues et reçues avec attention. J’essaierai d’être le plus prudent possible durant ce cycle pour défendre ces chansons dans leur fragilité qui était là dès leur conception. Au Hyper Weekend Festival, j’ai une belle vitrine pour ma musique. Lorsque nous étions en séminaire pour ce spectacle, nous l’avons d’abord pensé pour la scène avant de penser à un disque, nous réfléchissions à une setlist de concert et nous nous sommes rendu compte au fur et à mesure qu’une setlist de concert et une curation de morceaux pour un album étaient pas très différent.

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Didier Varrod : Je me souviens d’une rencontre entre nous. Nous parlions de l’ordre des pièces. A un moment, on est arrivés à « face A, face B », on s’est dit « Retournons le vinyle » ! C’est un grand luxe de pouvoir être au début d’une histoire avant de penser à un disque.

Didier Varrod, fondateur et programmateur de l’Hyper Weekend Festival.-Enzo Lefort

Le festival existe depuis quatre ans. Le public est-il acquis d’avance ou se distingue-t-il par la curiosité de découvrir ces projets artistiques ?

Didier Varrod : Cette année, côté billetterie, nous avons une réponse beaucoup plus immédiate que les années précédentes alors que la programmation est, à mon avis, un peu plus exigeante. Nous avons seize créations, c’est un record, aucun festival en Europe n’en propose autant en trois jours. Le public nous fait confiance puisqu’il ne sait pas a priori ce qu’il va voir. Plusieurs spectacles affichaient déjà complet en décembre et nous avons remarqué que le public était plus jeune que celui que nous accueillons habituellement à la Maison de la Radio et de la Musique où la moyenne d’âge était de 50 ans. Là, nous avons une moyenne d’âge de 35 ans. Et puis c’est un public qui a compris aussi qu’au-delà de l’esthétique pure, il y a des valeurs progressistes d’inclusivité, de parité qui sont dans les missions du service public. Là, il y aura Bilal, mais aussi par exemple Chilly Gonzales qui s’entoure d’un casting quasi exclusivement féminin de jeunes rappeurs dont Le Juiice et Theodora… Il est important pour moi que ce festival soit un moment de divertissement et un « coffre-fort ». lieu » où nous racontons le monde tel que nous le rêvons.

Bilal, ressentez-vous ce côté « lieu sûr », cet « espace sûr » ?

Bilal Hassani : Oui, notamment sur mon projet qui est particulièrement personnel, où je me livre sans fard. Je ne l’aurais pas fait ailleurs, c’est sûr. J’ai toujours été plus serein dans le service public en général et à Radio en particulier car c’est l’un des lieux les moins traumatisants de ma vie artistique. Ici, je n’ai jamais eu l’impression de devoir adopter une posture lorsque je parlais ou lorsque je chantais. On me donne cet espace créatif qui est très, très punk et c’est très confortable à créer. Je fais confiance à Didier, à son goût. J’ai eu l’occasion de voir beaucoup de spectacles à l’Hyper Weekend Festival par le passé, et je me suis dit qu’il n’y en avait pas d’autres comme ça. Le mot « hyper » se ressent dans les murs. Je pense que ce sera un bon noyau pour faire pousser cette jolie fleur, L’horrible. J’ai l’impression que plein de choses pourraient se passer sur scène et changer la trajectoire de ma petite vie…

On entend souvent dire que dans les périodes les plus incertaines et politiquement sombres, la création artistique est plus abondante et inspirée. Est-ce un cliché ?

Didier Varrod : Certainement pas ! C’est vrai qu’il y a en ce moment une vitalité artistique qui me tient en haleine et me donne envie d’agir, d’inventer, de me mettre en danger et de me remettre en question. Il y a des propositions dans la pop, dans l’hyper pop, dans le rap, qui sont assez déconcertantes. Moi, j’ai toujours foi en l’être humain et je me dis que nous sommes un pays qui se démarque par cette vitalité, sa capacité de résistance, et que l’art, et la musique en particulier, en est le vecteur le plus important. plus il y en a, plus c’est fédérateur. Au-delà des générations, au-delà des sexualités, au-delà de nos positions sur l’échiquier politique, nous parvenons à créer des moments de miracle, de communion. Lorsque je programme un artiste, j’essaie de donner une perspective historique à mon travail de programmeur. Depuis quatre ans que le festival existe, on peut lire une histoire de légèreté du divertissement mais aussi de prise de conscience de l’importance de l’acte créatif dans le domaine civique.

Notre dossier sur Bilal Hassani

Que diriez-vous à quelqu’un qui affirme d’emblée qu’Hyper Weekend est un festival « wokist », une manière péjorative de dire qu’il met en avant des artistes issus d’horizons divers ?

Didier Varrod : Je lui dirais déjà de venir écouter et pas seulement d’entendre. Quand on écoute, on peut être surpris par la différence de points de vue. Ce que chantera Bilal n’est pas la même chose que ce que proposera Voyou en reprenant le répertoire d’Henri Salvador, qui n’était a priori pas le plus propice aux valeurs progressistes. Samedi soir, il y a une scène rap qui, forcément, n’a pas le même prisme ni le même rapport au monde que Bilal mais, l’idée est de faire en sorte qu’elle cohabite et même, qu’à un moment donné, elle puisse être regardée et apprécié. J’en ai eu une grande preuve l’année dernière.

C’est à dire ?

La soirée d’ouverture a réuni une dizaine d’artistes issus d’horizons et de générations différents. Chacun proposait trois chansons piano-voix, ce qui, pour beaucoup, était un contre-usage. Il y avait Piche qui sortait de « Drag Race France », Camélia Jordana, Meryl, Yamê, Alice Taglioni… Avec ce casting, je pensais prendre un gros risque. Je suis entré dans l’auditorium et je me suis dit : “Comment ça va se passer, putain ?” « . Beaucoup étaient là pour Luigi et Meryl. L’âge moyen était de 25 ans. Alice Taglioni, ils ne devaient pas la connaître. À un moment donné, j’ai vu Gérard Pons, alors directeur des Francofolies de La Rochelle, pleurer… Car quand Sheila est entrée sur scène et a commencé à se produire Entretoisetout le monde s’est levé pour chanter. Je pense qu’il y a deux océans entre les convictions politiques de Camélia Jordana et Sheila mais, au final, c’était merveilleux, elles étaient toutes ensemble, se tenaient la main. C’était un moment magnifique.

 
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