Par
Pierre Boissonnat
Publié le
7 janvier 2025 à 6h00
40 millions de vues sur YouTube, des diffusions dans de nombreuses salles de cinéma en France et même une avant-première au Grand Rex à Paris. Le phénomène Kaizenqui raconte comment le youtubeur Inoxtag préparé pendant un an à gravir l’Everest et la façon dont ce jeune homme de 22 ans est reparti changé de cette aventure.
L’irrésistible ascension du néo-alpiniste entraîne dans son sillage deux Gaillonnais : Basile Monnot26 ans et réalisateur du documentaire, et Mathieu Caquelard27 ans, bras droit du vidéaste. Tous deux, à leur manière, ont été parmi les artisans du succès du documentaire sorti en septembre.
Du lycée André-Malraux à l’Himalaya
Trois mois plus tard, les deux amis présentent le film chez eux, Cinéma Mégarama de Gaillon (Eure), devant 300 personnes lors d’une soirée privée dédiée aux jeunes talents organisée par la Ville et l’association Divercité.
“Quand on s’amusait avec la caméra de Basile avec notre bande du lycée André-Malraux, on n’aurait jamais imaginé présenter un film ici devant nos familles, nos amis et tout ce monde”
Depuis leur rencontre au lycée, les deux amis se suivent, se croisent et se retrouvent malgré des trajectoires différentes. Basile Monnot devient réalisateur après avoir étudié à l’école de cinéma d’Élancourt. A 19 ans, il se fait remarquer en réalisant le clip de 4Keus « O’Kartier, c’est la Hess » qui compte 57 millions de vues.
Rencontres avec Inoxtag
Basile enchaîne différents projets, tourne plusieurs clips pour sera né ou Ibrahim Maalouf et des publicités. Lors d’une de ces collaborations, le Gaillonnais a rencontré Inoxtag, sa véritable Inès Benazzouz. « Nous avons travaillé ensemble pour réaliser son projet Cube. On s’entendait bien et on se disait qu’on pourrait faire quelque chose ensemble plus tard », se souvient-il.
En même temps, Mathieu Caquelard termine une licence d’économie à Rouen. « À cette époque, Inox cherchait quelqu’un pour l’aider dans son organisation, pour gérer son planning et tous les autres aspects de ces vidéos », poursuit Basile. Il décroche alors son téléphone et appelle son ami chez qui il a « décelé quelque chose » pour faciliter le travail des gens et une « force d’organisation qui pourrait être utilisée dans la production audiovisuelle ».
Entre Mathieu et le jeune YouTubeur à succès, le sentiment passe immédiatement. À tel point qu’il est devenu le couteau suisse d’Inoxtag. «Je travaille avec lui depuis trois ans. Je suis devenu son homme à tout faire», s’amuse l’intéressé.
« Au fil du temps, mon travail a évolué, je fais toujours de l’administration et de l’organisation mais je participe également à la rédaction de ses quatre directs mensuels. »
« Complètement fou »
Quand Inoxtag a décidé de se lancer dans sa folle aventure et de les emmener avec lui, les deux Gaillonnais ont eu la même réaction.
« D’abord, on s’est dit que gravir le plus haut sommet du monde, c’était complètement fou. Surtout pour un novice. Ensuite, nous avons changé d’avis quand nous avons vu le sérieux et la détermination qu’Inox a mis dans la préparation du projet. »
Dès lors, Basile suit le jeune vidéaste dans sa préparation tandis que Mathieu continue de gérer les affaires courantes d’Inoxtag afin de maintenir le rythme de production sur la chaîne YouTube. « Le film s’est écrit au fur et à mesure, en se concentrant sur Inox. L’idée était de raconter comment cette aventure allait le transformer », explique Basile. D’où le nom Kaizen, qui signifie en japonais « changement pour le mieux ».
Ama Dablam, premier essai
Après plusieurs mois de formation en Europe, auprès du guide de montagne Mathis Dumas, Inoxtag part pour la première fois au Népal. « Avant de tenter l’Everest, ils avaient prévu de se tester sur un premier sommet dans l’Himalaya », explique Mathieu, alors resté en France.
Leur choix est l’Ama Dablam. « Le premier déplacement nous a permis d’établir des contacts avec les Sherpas et les locaux en vue de préparer l’ascension », raconte le directeur qui restera au pied du sommet pour coordonner les équipes vidéo.
Malgré la préparation, l’ascension du premier sommet himalayen s’avère épuisante pour Inoxtag. « Il était malade au début, se souvient Mathieu. Et rentrer en France est difficile. « Nous n’avions pas mesuré la fatigue que cela allait provoquer. Inoxtag s’était engagé à répondre à tellement de demandes qu’il avait du mal à suivre physiquement. »
A ce moment-là, le documentaire prend une autre dimension. Le YouTubeur commence à évoquer son besoin de se déconnecter pour se concentrer pleinement sur son projet.
« Six mois avant de partir pour l’Everest, nous avons réduit le nombre de vidéos à produire chaque mois. Il a aussi commencé à changer puisqu’il a décidé de partir une deuxième fois sans prendre son téléphone”
Mathieu Caquelard, bras droit d’Inoxtag
Au pied de l’Everest
Au printemps, et mieux préparée que la première fois, l’équipe du film part pour le Népal avec pour objectif d’attaquer le plus haut sommet du monde. Basile, parti au Népal, a dû se préparer « plus au trekking qu’à l’alpinisme ».
« Sur place, nous avons retrouvé l’équipe des Sherpas. Nous nous sommes organisés pour pouvoir tourner les scènes de l’ascension dans les meilleures conditions », explique Basile qui doit coordonner tout le monde depuis le camp de base situé à 5 300 m d’altitude.
« Il y a eu les prises de vue au drone, mais aussi la réception des images prises par les deux caméramans qui suivaient Inox et Mathis. En fait, l’un d’eux était un sherpa népalais. »
« C’est parti, montons »
Pendant ce temps, Mathieu est toujours à Paris. « Mon rôle était d’assurer le lien avec les proches d’Inox. Pour les rassurer et avoir des nouvelles», raconte celui qui a vécu l’aventure à distance. Il se souvient du jour où il a reçu le SMS suivant : “C’est parti, montons.” « Là, le stress a augmenté. Cela allait être quatre jours très intenses.
Au pied de l’Everest, l’attente n’a pas non plus été de tout repos. « Ils sont partis dans des conditions difficiles pour la montée. Il y avait du monde et une météo compliquée. Et malgré toute leur préparation, ils ont pris des risques importants.
En arrivant au camp de base et encore plus lors de l’ascension, l’équipe Inoxtag découvre un site magnifique mais pollué par le surtourisme. « Il y avait une foule folle pour tenter l’ascension. De notre côté, nous avions décidé qu’il faudrait enlever tous les déchets dont nous disposions. Mais ce n’était pas le cas de tout le monde. Nous n’avons pas hésité longtemps à dire qu’il fallait le montrer dans le documentaire pour sensibiliser les gens », explique Basile.
Kaizen devient un phénomène
Si l’aventure s’est terminée sur le toit du monde pour Inoxtag, les deux Gaillonnais ont vécu un été réussi. Lorsque Mathieu s’est retrouvé à organiser la promotion du film et tout ce qui s’y rapportait, Basile a passé trois mois au sprint pour monter les 2 heures 20 minutes du documentaire. «C’était tellement intense qu’au moment de la sortie, je suis tombé malade», s’amuse le réalisateur qui a coordonné le travail de plus d’une centaine de personnes sur le projet.
Basile et Mathieu n’imaginaient pas que le film prendrait une telle ampleur. “Nous n’aurions jamais pensé que le Kaizen deviendrait un tel phénomène”, assurent les deux amis. Si le documentaire a reçu un accueil très enthousiaste auprès d’un jeune public peu familier avec la montagne, Kaizen a été accueilli de manière plus critique dans le milieu des alpinistes.
« Nous savions que la réception serait assez polarisée. Nous comprenons les critiques. Nous voulions faire un film sincère et authentique. Nous pensons que nous y sommes arrivés. Après, une fois diffusé, le film ne nous appartient plus vraiment »
Instinct de repartir à l’aventure
Une chose est sûre, cette aventure aura changé Inoxtag, mais aussi Mathieu et Basile. Outre la découverte de la montagne et la sensibilisation à la pollution de la nature, « le message du film est qu’il ne faut pas trop rester sur nos écrans et inciter les gens à sortir et à vivre dans le monde. On essaie de l’appliquer à nous-mêmes», sourient les deux hommes.
Après cette aventure épique, Mathieu Caquelard continuera à collaborer sur les projets Inoxtag. Pour Basile Monnot, qui espère poursuivre sa carrière de réalisateur, l’histoire avec le YouTubeur ne s’arrête pas là. Avant les fêtes, les deux hommes ont lancé un manga – leur autre passion commune – « Instinct » dont le premier tome cartonne déjà en librairie. Le début d’une autre folle aventure ?
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