Sur Arte, vous saurez « Tout sur Marie », loin de son image lisse et aseptisée

Sur Arte, vous saurez « Tout sur Marie », loin de son image lisse et aseptisée
Sur Arte, vous saurez « Tout sur Marie », loin de son image lisse et aseptisée

Du Puy-en-Velay à Berlin, de Fra Angelico à Rossellini, la cinéaste Isabelle Brocard explore et bouscule les idées reçues sur le mythe de la Vierge. Et lui donne de nouveaux visages.

Parmi les œuvres analysées par le cinéaste, « La Vierge de l’Annonciation », d’Antonello de Messine, vers 1475. Galerie régionale de Sicile, Palais Abatellis, Palerme

Par François Ekchajzer

Publié le 5 janvier 2025 à 11h00

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De Marie, cinéaste Isabelle Brocard a longtemps eu l’image conventionnelle d’une femme douce et pure, au sourire béat. “Tout ce que tu ne veux pas faire quand tu es une petite fille” elle se souvient ; comme le prêtre à qui elle demandait pourquoi elle devait être vierge et qui répondit : « Arrêtez de poser des questions. » Isabelle Brocard n’a cessé de poser des questions, mais n’est jamais revenue au confessionnal.

Bien des années plus tard, elle approfondit sa connaissance du mythe marial, se plonge dans les livres et retrace aujourd’hui Tout sur Marie vingt siècles d’interprétations et d’exploitations de cette figure vénérée, omniprésente dans les églises et les musées. « J’avais d’abord pensé faire un film d’animation un peu autobiographique, une sorte d’autofiction drôle autour de mon histoire avec Marie ; mais cela ne s’est pas produit. » Plus didactique est le projet de ce documentaire en deux parties, qui l’a amenée à glaner des réponses du Puy-en-Velay à Sienne, Rome ou Berlin.

« En Israël, j’ai rencontré des religieuses très ouvertes, dont la supérieure m’a dit : « Il y a une chose essentielle à savoir sur Marie : d’abord, c’est une grande amante. » L’entendre m’expliquer que cette femme avait un tel amour de Dieu qu’elle le recevait dans son propre corps m’a frappé. » De la représentation fade du catéchisme à cette image mystique « presque dérangeant dans son pouvoir désirant », il y avait un monde que l’on retrouve dans son film, porté par la parole généreuse et libre de la bibliste Anne Soupa, de la théologienne Marion Muller-Colard, de l’anthropologue Dominique Desjeux et de l’historienne Annick Delfosse. Porté également par dix-huit siècles de peintures évocatrices des interprétations qu’elle a pu inspirer comme des dogmes placardés dessus, finement historicisés.

Marie, la révolutionnaire ?

Même dans son choix d’extraits de films destinés à ouvrir le discours à une partie de l’imaginaire, Isabelle Brocard privilégie l’expression très caractérisée d’un Pasolini (L’Évangile selon saint Matthieu), un Tarkovski (Le miroir) ou un Rossellini (Stromboli), digne des peintures de Fra Angelico, Jean Fouquet ou Vélasquez qu’exploite son documentaire. Cela affirme aussi une lecture dépoussiérée du mythe, loin de cette mariologie sclérosée qui assigne Marie à la maternité, à la compassion et à l’obéissance. « D’elle, on connaît surtout l’épisode de l’Annonciation, remarque le cinéaste. On oublie souvent que, quelques jours plus tard, rendant visite à sa cousine, elle chante le Magnificat qui est très clairement un programme d’inversion des valeurs. Un texte révolutionnaire, appelant à renverser les puissants de leurs trônes et à nourrir les affamés. »

On oublie aussi que la dictature argentine a fait effacer le vers en question, que « Trois Pussy Riot ont été arrêtées en 2012 pour avoir chanté « Sainte Marie, Mère de Dieu, chassez Poutine » » ou ça « de Beyoncé à [la plasticienne] Orlan, de nombreuses artistes féministes ont représenté de nouvelles figures mariales. “Quand on enferme Marie dans une image aseptisée, on perd la part imaginaire de la croyance et on limite le sacré à une religion moralisatrice.” souligne Isabelle Brocard, qui envisage aujourd’hui d’approcher une autre figure biblique : Marie-Madeleine. “Après la Vierge, la putain”, annonce la cinéaste, persuadée qu’elle aussi “beaucoup de choses à nous dire”.

Tout sur Marie, disponible sur Arte, documentaire en deux parties, diffusé le 5 janvier à 16h50

 
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