Fondateur et directeur du célèbre restaurant Les Grands buffets à Narbonne, Louis Privat explique les raisons du passage à trois jours et demi, d’ici la fin du premier trimestre 2025, pour une cinquantaine des 220 salariés de l’établissement et appelle la professionnels de la restauration à mettre fin à une certaine forme de maltraitance envers leurs salariés. Entretien.
Pourquoi cette décision de passer d’une semaine de quatre jours à une semaine de trois jours et demi pour une partie des salariés des Grands Buffets ?
Cette décision s’inscrit dans la suite logique de la mise en œuvre, ici, d’une politique sociale ambitieuse depuis plusieurs années d’augmentations de salaires, d’indexation des salaires en fonction de l’inflation ou encore d’accompagnement des salariés qui se trouvent en situation de surendettement. Nous avons été le premier restaurant à passer aux 35 heures. Globalement, c’est une politique qui est mise en œuvre en tenant compte du fait que les métiers de la restauration sont des métiers où l’humain est prioritaire. Toute notre activité, notre produit, repose sur des collaborateurs. Ceci dans un secteur d’activité que l’on sait difficile car, en fait, il est difficile.
Ce que les cuisiniers et les employés pouvaient accepter autrefois, en termes de sacrifice de leur vie personnelle, n’est plus possible aujourd’hui.
La cuisine et le service sont des métiers de passion mais ce n’est pas parce qu’on a la passion qu’on peut faire des sacrifices exorbitants par rapport à ce que l’on vit aujourd’hui. Ce que les cuisiniers et les employés pouvaient accepter autrefois, en termes de sacrifice de leur vie personnelle, n’est plus possible aujourd’hui. Si on ne l’a pas compris, les jeunes de demain préféreront les métiers de la logistique, de la grande distribution ou du commerce. Il ne faut pas se mentir, pour les convaincre d’entrer dans la restauration, il faut qu’ils puissent bénéficier d’une rémunération supérieure aux autres secteurs et de jours de repos plus nombreux. C’est ainsi que depuis des années nous nous posons aux Grands Buffets la question des leviers pour rendre ce travail plus attractif dans le contexte de la vie d’aujourd’hui. Cela signifie plus de - libre pour compenser le sacrifice de leur engagement professionnel.
Les Grands Buffets, au-delà de l’aspect gastronomique, sont reconnus pour leur accueil du public. N’avez-vous pas peur de perdre sur ce plan avec ce passage à trois jours et demi ?
C’est tout le contraire. Malgré ce que dit la profession au sujet des salaires et des - libres qui ne sont pas des sujets, nous pensons qu’ils le sont. Car avec nos mesures sur le pouvoir d’achat et en faveur d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, nous enregistrons moins chiffre d’affaires et nous avons moins de problèmes de recrutement. Quand on augmente, comme nous l’avons fait, le pouvoir d’achat de nos salariés de 30 %, nous avons beaucoup plus de candidats. Ces mesures ont également un impact sur le bien-être avec moins d’absentéisme, mais aussi une meilleure capacité à remplacer les salariés absents. Nous apportons de la sérénité au sein des équipes. La qualité de l’accueil sera améliorée avec des collaborateurs plus épanouis. Le client sera donc le principal bénéficiaire grâce à un engagement accru des collaborateurs.
Une mesure de bonne gestion
Quels métiers seront concernés par ces 3 jours et demi ?
Cela concerne une cinquantaine de nos 220 collaborateurs. Il s’agit des maîtres d’hôtel, des maîtres d’hôtel et des serveurs. Ceux qui ont beaucoup de difficultés avec les horaires coupés entre les deux services du midi et du soir. Cela affecte leur vie personnelle. La seule solution était donc de proposer un nombre de jours de repos équivalent au nombre de jours travaillés. Ils travaillent le même nombre d’heures mais auront une soirée de plus pour profiter, par exemple, de leur famille.
Économiquement, cela a-t-il un coût ?
Nous n’avons pas le choix car ce sont des arguments qui nous permettent de recruter du personnel. C’est une bonne gestion. Nous ne pouvons pas avoir une politique exigeante envers nos clients et ne pas accepter que les salariés le soient envers notre direction. Depuis trop longtemps, et encore aujourd’hui parce que c’est le discours à l’école hôtelière qui dit qu’il ne faut pas compter ses heures, les employeurs considèrent que c’est une faveur offerte aux salariés de travailler à domicile. Mais c’est tout le contraire, car les employeurs profitent de leur - et de leurs compétences. Chaque heure travaillée doit être considérée comme telle.
Comment cette mesure a-t-elle été accueillie par les salariés ?
C’est très bien accueilli car cela leur offre des perspectives. Cela donne envie à chacun de dire qu’il pourra passer quatre jours en famille au lieu de trois.
Vous critiquez régulièrement les prix « discount » de vos collègues. Cette mesure entraînera-t-elle une augmentation des prix dans les Grands Buffets ?
Non, nous avions des tarifs qui avaient déjà anticipé cela. Maintenant, vous avez raison, je pense que les prix des restaurants doivent être plus élevés. Il est inconcevable d’avoir des prix attractifs en le faisant au prix de maltraitances envers les salariés. Je n’ai aucune honte à dire que notre service aux Grands Buffets est vendu à sa juste valeur car ce service repose principalement sur l’investissement de nos employés.