En Italie, les défis structurels persistent

Après avoir été en première ligne face à la pandémie de Covid-19 et malgré sa forte exposition à la hausse des prix de l’énergie en 2022, l’économie italienne a affiché, au troisième trimestre 2024, un niveau de produit intérieur brut (PIB) supérieur de 5 % à celui de l’année précédente. 2019.

Parmi les quatre plus grandes économies de la zone euro, seule l’Espagne a connu une meilleure trajectoire de croissance. Si l’on compare la croissance italienne à sa moyenne 2014-2019, l’évolution post-Covid est légèrement supérieure à ce qui aurait pu être anticipé. Toutefois, parmi les composantes du PIB italien, la consommation et l’investissement des ménages présentent des divergences marquées.

Du côté de la consommation, les choses patinent. Cependant, l’emploi a été dynamique : les taux d’emploi, bien que inférieurs à ceux des autres économies européennes, ont atteint des records historiques pour le pays. En revanche, les salaires moyens n’ont pas suivi la hausse des prix. En conséquence, les salaires réels par habitant ont baissé de 3,3 % depuis fin 2019.

Le revenu réel disponible des ménages a mieux résisté à la crise inflationniste, grâce notamment aux transferts étatiques. En 2023, ce chiffre était donc à peu près égal au niveau de 2019. Depuis le second semestre 2023, la baisse de l’inflation et les négociations sur l’augmentation des salaires ont permis des gains de pouvoir d’achat plus substantiels, mais largement orientés vers une augmentation de l’épargne plutôt que de la consommation.

La fin du Superbonus pèse sur l’investissement

La croissance italienne a donc principalement bénéficié d’une forte hausse des investissements, largement imputable au « Superbonus ». Ce crédit d’impôt pour la rénovation énergétique des logements, mis en place en 2020 dans des conditions généreuses, et sans plafond global, a été utilisé bien au-delà des estimations initiales du gouvernement. Son coût pour les finances publiques s’élève ainsi à 122 milliards d’euros, au lieu des 33 milliards initialement prévus.

Si le système a permis – sans que cela soit l’objectif initial du gouvernement – ​​un coup de pouce budgétaire très important, son efficacité a probablement été limitée par la pénurie de main d’œuvre et les effets d’aubaine des propriétaires en ayant profité de l’occasion pour financer des travaux qu’ils auraient réalisés sans cette aide. .

Les années post-Covid ont également vu d’autres investissements publics majeurs. En effet, l’Italie est l’État membre de l’Union européenne qui dispose de la dotation la plus importante dans le cadre du plan de relance sans précédent adopté par Bruxelles en 2020 pour faire face à la pandémie. Sur une enveloppe de 750 milliards d’euros, Rome doit recevoir 194 milliards d’euros d’ici 2026, dont 122,6 sous forme de prêts (et le reste sous forme de dons).

Ce plan s’accompagne d’une série de réformes structurelles dans les domaines de l’administration, de la concurrence, de l’éducation et du marché du travail. Et des ressources financières doivent être investies dans la numérisation et la transition énergétique, ainsi que dans le développement des régions en difficulté économique.

Mais les retards dans l’exécution du plan se sont accumulés, à tel point qu’en octobre 2024, la Direction parlementaire du budget ne recensait que 53,5 milliards d’euros de dépenses engagées – dont 13,9 milliards pour le Superbonus. Même en tenant compte des retards pris dans le lancement des nombreux projets, la pleine utilisation des ressources prévues avant la fin du plan semble difficilement envisageable à ce stade.

Particulièrement scruté, le niveau de la dette italienne est resté stable sur la période. Mais le déficit reste encore particulièrement élevé en 2023 (7,2%). Même si cela n’a pas provoqué de tensions majeures sur le marché de la dette du pays, grâce notamment à la possibilité implicite d’intervention de la Banque centrale européenne en cas de crise, cette situation a conduit Bruxelles à ouvrir une procédure de déficit excessif contre l’Italie, comme pour la . .

Car la suspension des règles budgétaires européennes, décidée en réponse à la pandémie, a pris fin en 2024. L’Italie doit donc ramener son déficit en dessous de 3 % et mettre la dette publique (par rapport au PIB) sur une trajectoire descendante à moyen terme. La politique économique italienne sera donc désormais contrainte par une période d’austérité de quatre ou sept ans. Même dans le cas d’un ajustement sur sept ans – scénario retenu par le gouvernement – ​​l’effort budgétaire structurel moyen représenterait encore 0,5% du PIB par an.

Des risques pour l’industrie

Une épine dans le pied de l’Italie, qui reste également confrontée à des tendances de fond défavorables. D’abord celui du vieillissement et du déclin de sa population, qui a motivé la décision du gouvernement de droite et d’extrême droite dirigé par Giorgia Meloni d’accorder 450 000 titres de séjour entre 2023 et 2025. Sans pour autant remettre en cause les politiques anti-immigration. orientation migratoire de sa politique.

De plus, malgré une augmentation depuis 2020 des investissements des entreprises dans les machines et équipements de production, l’économie italienne n’est toujours pas en mesure de réaliser des gains de productivité significatifs en dehors du secteur manufacturier. Et ces dernières, qui représentaient 17 % de la valeur ajoutée italienne totale (contre 11 % en France et 20 % en Allemagne), continueront a priori à être pénalisées par les prix élevés du gaz. En outre, l’industrie italienne est exposée à des tensions géopolitiques et commerciales croissantes. En effet, les deux principaux destinataires de ses exportations sont les Etats-Unis et l’Allemagne (qui en reçoivent respectivement 11% et 12%).

Cependant, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche fait courir le risque d’une augmentation des droits de douane, et donc d’une réduction des échanges commerciaux. De leur côté, la remise en cause du modèle industriel allemand et de son faible dynamisme économique depuis plusieurs années n’augure rien de bon non plus pour les Italiens.

Face à ces défis, le dernier projet de loi de finances expose les priorités économiques de la coalition au pouvoir : réduction des impôts et cotisations pour les ménages aux revenus faibles et moyens ; subventions pour les mères; augmentation des dépenses de santé. Opposé à toute augmentation d’impôts, le gouvernement espère financer ces mesures par des réductions des dépenses de l’État, des contributions (temporaires) des banques et, surtout, une augmentation des recettes fiscales issues de la croissance. À court terme, la baisse des taux d’intérêt initiée par la Banque centrale européenne, le recours aux fonds européens et une baisse du taux d’épargne des ménages pourraient compenser les effets récessifs de ce resserrement budgétaire.

 
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