“J’ai renoncé à un poste de direction et à avoir des enfants”

“J’ai renoncé à un poste de direction et à avoir des enfants”
“J’ai renoncé à un poste de direction et à avoir des enfants”

© Catherine Falls Commercial / Getty_Images

– Les premières associations dédiées aux soignants ont été créées en France dans les années 2010, cinquante ans après celles de Grande-Bretagne.

Entre 8 et 11 millions de Français pourraient être concernés, et d’ici 2030, le rôle d’aidant pourrait concerner 1 citoyen sur 4, tous âges confondus. C’est ce que révèle une étude de l’Observatoire des salariés bienveillants OCIRP, publiée ce jeudi 3 octobre, qui inclut pour la première fois les agents du secteur public. “Lorsque j’ai rédigé ma thèse sur le thème des soignants en 2016, le terme n’était pas du tout connu. On ne nous en a jamais parlé pendant nos études de médecine.», précise Hélène Rossinot, médecin spécialiste de santé publique et experte de la question des soignants.

Si de rares observateurs se concentrent désormais sur ce statut d’aidant et qu’une journée nationale lui était consacrée le 6 octobre, “on est encore très loin de la prise en compte et de la véritable reconnaissance des soignants en France», constate Hélène Rossinot. Alors que son deuxième livre, Guide du soignantsera rendu public jeudi 10 octobre, l’expert reconnaît n’avoir jamais rencontré personne ayant obtenu une aide de l’État (voir encadré ci-dessous). Pourtant, ces piliers familiaux, qui assistent au quotidien leurs parents, enfants et conjoints malades ou handicapés, ont bien besoin de soutien.

Le fardeau des aidants pèse lourdement sur leur vie personnelle, familiale et professionnelle, révélant une inégalité frappante entre les sexes. Selon l’Union nationale des associations familiales (Unaf), 60 % des soignants sont des femmes, et plus les tâches sont difficiles, plus elles assument cette responsabilité. Une réalité incarnée par Louisa, 44 ans, qui représente l’archétype de l’aidante.

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“Je ne sais plus ce que signifie passer un week-end ou partir en vacances”

C’est avec une voix encore tremblante d’angoisse que Louisa nous raconte son quotidien d’aide-soignante. La veille, son père, atteint de la maladie d’Alzheimer, avait passé la nuit dehors, incapable de retrouver le chemin de sa maison. UN “nouvelle épée de Damoclès» qui s’ajoute à la longue liste d’inquiétudes de ce quadragénaire, community manager à la CFDT. Depuis six ans, elle jongle entre son travail et ses parents, tous deux diabétiques.

Chaque semaine, Louisa se rend le week-end chez ses parents, à plus d’une heure de route de chez elle. Une fois arrivée, elle s’occupe des courses, des médicaments, du courrier, du changement des draps… Aux tâches ménagères s’ajoutent au moins de nombreux rendez-vous médicaux. “un par semaine”. Au total, elle leur consacre en moyenne entre 10 et 15 heures par semaine. Pour certains soignants, cette aide peut monter jusqu’à 35 heures, soit l’équivalent d’une deuxième semaine de travail à temps plein. “Je ne sais plus ce que ça fait de passer un week-end entier ou de partir en vacances”confie-t-elle.

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Le coût économique, mais surtout professionnel, de l’assistance

Heureusement, Louisa a pu compter sur la compréhension et la flexibilité de ses managers, ce qui n’a pas toujours été le cas. Parmi l’ensemble des soignants en France, 61 % ont un emploi et 44 % d’entre eux ont peur de perdre leur emploi s’ils en parlent à leur supérieur. Louisa en est également convaincue : “Mon statut d’aide-soignante a joué un rôle majeur dans mon précédent emploi et explique en partie mon licenciement.”

Être soignant a aussi un coût financier. Environ 50 % des soignants contribuent à soutenir financièrement la personne aidée, tandis que 9 soignants sur 10 ne reçoivent aucune compensation financière pour leur engagement, précise la Fondation des Femmes. « Chaque rendez-vous médical nécessitait un VTC, soit en moyenne 160 euros par mois. J’ai aussi payé de petites factures à la pharmacie. Les vacances sont un coût caché : chaque année, j’accompagne mes parents pour les aider, ce qui s’apparente plus à un voyage en famille qu’à des vacances.reconnaît Louisa.

En raison de cette double vie, Louisa a abandonné de nombreux aspects de sa vie, mettant entre parenthèses son évolution professionnelle et sa vie amoureuse : « J’ai dû décliner une offre de manager, je n’aurais pas pu gérer ces nouvelles responsabilités et le temps supplémentaire qu’elles auraient nécessité… » Une décision qui la prive également d’augmentation de salaire. Mais l’impact de l’aide peut aller encore plus loin et contrecarrer des projets de vie. « J’ai mis de côté mon désir d’enfants, en grande partie par rapport à ça. Et je sais qu’un certain nombre de soignants renoncent à un deuxième enfant pour cette raison.avoue Louise.

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Une aide quasiment inaccessible

À ce jour, il n’existe que deux types d’aides : le congé pour aidant et le droit au répit. Le premier s’adresse aux personnes dont un proche présente un taux d’invalidité supérieur à 80 %. Ce congé dure jusqu’à un an, mais seuls trois mois sont indemnisés (60 euros par jour les jours ouvrables, soit environ 4 000 euros pour trois mois). Le droit au répit, quant à lui, n’apporte qu’un soutien financier limité, notamment lorsque l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) atteint son plafond.

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