Avec 4 ans de recul, voici le bilan pédagogique et sanitaire que l’on peut tirer de la fermeture des écoles pendant la pandémie de Covid

Avec 4 ans de recul, voici le bilan pédagogique et sanitaire que l’on peut tirer de la fermeture des écoles pendant la pandémie de Covid
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“La question de l’efficacité sanitaire de la fermeture des écoles sur la propagation du Covid n’est pas encore très clairement résolue”, selon Antoine Flahault.

Atlantico : De nombreux experts en santé publique et en éducation estiment que les fermetures prolongées des écoles n’ont pas stoppé de manière significative la propagation du Covid et que les conséquences de la pandémie sur l’éducation des enfants ont été importantes et durables, selon un article paru dans New York Times citant différents travaux de recherche. Avec quatre années de recul, quels sont les principaux enseignements sanitaires de la fermeture des écoles pendant la pandémie de Covid-19 ? Les confinements ont-ils vraiment stoppé la propagation du virus ?

Antoine Flahault : La question de l’efficacité sanitaire de la fermeture des écoles sur la propagation du Covid n’est pas encore très clairement résolue. Avant la pandémie de Covid, nous avions mené des travaux, publiés dans la revue britannique Nature, qui montraient que les fermetures d’écoles pendant les vacances scolaires réduisaient la propagation du virus de la grippe, et nous estimions même que cela réduisait la mortalité. par la grippe chez les personnes âgées. On a encore une fois observé ce phénomène de ralentissement de l’épidémie de grippe et peut-être de Covid aussi, cet hiver pendant les vacances de Noël. En effet, deux semaines après la réouverture des classes, en janvier 2024, l’épidémie de grippe saisonnière qui avait débuté début décembre et semblait s’être apaisée avec les vacances de Noël reprenait en force avec un pic à la mi-février. Le SARS-COV-2, qui se propage par aérosol comme le virus de la grippe, et donc principalement dans les lieux clos, bondés et mal aérés où l’on passe beaucoup de temps, se propage donc de préférence dans les salles de classe. Mais le virus se propage aussi dans les maisons et les appartements puisqu’on estime que 40 % des contaminations s’y produisent. Le frein à la propagation du coronavirus lié à la fermeture des écoles est donc tangible, mais il n’est certainement pas de nature à endiguer les vagues de Covid sur un territoire où ont lieu ces fermetures. La situation en 2020 et jusqu’à l’été 2021 était rendue complexe par le fait que les vaccins n’étaient pas encore largement déployés. On craignait une saturation des hôpitaux, notamment des unités de soins intensifs, associée à une mortalité élevée. À l’époque, nous étions nombreux, experts, à prôner la fermeture des écoles, par mesure de précaution et pour éviter l’implosion du système de santé. D’autres mesures ont été déployées en même temps et il n’est pas facile d’évaluer le rôle respectif du port du masque, de la limitation des rassemblements, des tests et de l’isolement des positifs, au regard de l’enseignement à distance. À certains moments critiques de la pandémie, tout semblait permis pour tenter d’aplatir le pic des vagues successives. Mais à l’époque, on ne connaissait pas précisément le coût de la fermeture des écoles en termes de santé mentale des enfants, de violence domestique, peut-être aussi d’alimentation et de nutrition et surtout de scolarisation. Désormais, nous savons tout cela mieux et il va falloir peser les bénéfices potentiels de la fermeture des écoles avec les coûts certains que cela représente pour les jeunes concernés.

Sur le plan pédagogique, quelles conclusions peut-on tirer ? Les confinements et le télétravail n’ont-ils pas perturbé la scolarité des étudiants ?

Les conséquences pédagogiques de l’arrêt total ou partiel de l’enseignement en présentiel au cours de la première année voire des 18 premiers mois de la pandémie pourraient être précisément quantifiées aux Etats-Unis et elles sont considérables et on sait aussi qu’elles n’ont pas été récupéré entièrement et ne le sera probablement pas. Selon le degré de fermeture des écoles, certains établissements ont réussi à maintenir un enseignement hybride, c’est-à-dire partiellement en présentiel, d’autres ont fermé totalement et pour longtemps. Des retards scolaires variant d’un tiers à deux tiers d’année se sont accumulés entre ces deux types de politiques extrêmes. Les retards observés étaient plus importants parmi les familles aux revenus modestes. C’est plutôt dans les comtés démocrates (de gauche) que les écoles ont été fermées le plus longtemps. Ce sont également, en moyenne, les comtés les plus pauvres des États-Unis, avec plus d’adultes exposés au coronavirus, car ils occupent plus souvent des emplois classés comme essentiels et ont moins accès aux protections sociales et aux soins. Ces comtés ont été plus prudents en matière de restrictions sanitaires au début de la pandémie et ont également payé un prix plus lourd, avant l’arrivée des vaccins, en termes de mortalité Covid. Ensuite, les populations de ces comtés ont été plus vaccinées que celles des comtés républicains (pro-Trump), et la mortalité s’est profondément inversée entre les deux camps. Mais avant le vaccin, force est de constater que la fermeture des écoles ne protégeait pas efficacement les populations les plus touchées.

La situation en Europe et notamment en France est-elle différente de celle des pays anglo-saxons et des États-Unis ? D’autres critères, comme les aspects socio-économiques, expliquent-ils les difficultés rencontrées pendant la pandémie ?

Il est toujours très difficile de transposer les analyses menées d’un pays à l’autre. La Suède, qui n’a quasiment pas fermé ses écoles, n’a pas enregistré de mortalité Covid supérieure à celle de la France durant les dix-huit premiers mois de la pandémie. Mais d’un côté, la Suède enregistrait la plus forte mortalité des pays nordiques voisins qui avaient fermé leurs écoles, et de l’autre, la présence dans les écoles s’était spontanément réduite en Suède à cette époque, des enseignements hybrides de facto étaient mis en place, populaire auprès de nombreux parents. La France, de son côté, a tenu, très tôt dans la pandémie, à maintenir ses classes ouvertes, même si l’enseignement a également été fortement perturbé jusqu’à la rentrée de septembre 2021, voire jusqu’au début 2022. Si les épidémiologistes étaient souvent plus nombreux à prôner la fermeture des écoles pour éviter un impact sanitaire trop fort dès les premières vagues pandémiques, de nombreuses voix se sont élevées en Europe, parmi les pédiatres, les psychologues et les milieux éducatifs, pour alerter sur les dangers que ces fermetures pourraient faire courir aux enfants et leur éducation.

Auriez-vous des recommandations aujourd’hui si une crise similaire devait se reproduire ?

Oui, nous devons tirer les leçons de la pandémie de Covid-19. L’arrêt des enseignements en présentiel doit être envisagé avec la plus grande parcimonie. Il faudrait désormais investir très massivement dans une meilleure aération des classes. On en a souvent parlé dans les colonnes d’Atlantico, un air intérieur de meilleure qualité, outre le fait qu’il réduit considérablement les risques de transmission d’agents infectieux respiratoires et de maladies respiratoires allergiques comme l’asthme ou la bronchite, est favorable à un meilleur développement mental, il réduit la somnolence et l’absentéisme des étudiants et des enseignants et améliore les résultats scolaires des enfants.

 
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