l’essentiel
C’est une affaire sans précédent. Pour la première fois, un ancien président soupçonné de corruption, recel de détournement de fonds publics, association de malfaiteurs et financement illégal de campagne électorale comparaît devant le tribunal avec 11 coaccusés, dont trois anciens ministres. Un procès historique qui devrait durer quatre mois.
Vacances de fin d’année, en famille, sous le soleil des Seychelles… Ce 6 janvier, les affaires reprennent pour Nicolas Sarkozy. Condamné définitivement, le 18 décembre, à trois ans de prison – dont un an de maintien à domicile sous surveillance électronique – pour « corruption et trafic d’influence » dans le dossier « Bismuth » (l’affaire des écoutes), l’ancien président de la République (2007 -2012) est de retour devant les tribunaux, avec onze coaccusés, dans le cadre d’un procès historique suivi dans le monde entier : jamais auparavant un ancien chef de l’Etat français et sa garde rapprochée n’avaient été ainsi jugés.
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Affaire d’État ou « fable » ?
Un scandale extraordinaire au sommet des institutions républicaines, comme le laisse penser la longue et minutieuse enquête judiciaire qui a demandé la coopération de 17 pays ? Ou encore « l’histoire la plus folle et la plus grave de la Ve République », comme le présente Mediapart, qui a dévoilé l’affaire en 2011 puis enchaîné les révélations au fil de 160 articles très documentés… ? Ou « fable » comme l’a toujours affirmé Nicolas Sarkozy ?
Ce dernier « attend avec détermination ces quatre mois d’audience [pour] “pour lutter contre la construction artificielle imaginée par le parquet”, déclare son avocat Christophe Ingrain, dont le client nie totalement le “financement libyen de la campagne”. “
Jusqu’au 10 avril, les débats devront donc déterminer si Tripoli a bien financé – ou non – avec des valises de billets et des millions d’euros, la campagne présidentielle victorieuse du candidat de droite, en échange d’une aide au retour de la Libye au pouvoir. scène internationale en fanfare…
“Faisceau d’indices sérieux et cohérents”
Certes, la tente bédouine du « guide de la révolution » dans l’enceinte de l’hôtel Marigny en décembre 2007, lors de son passage à Paris pour une réhabilitation diplomatique en grande pompe, appartient désormais à l’Histoire… Mais on ne la manquera pas sans aucun doute. doute, non plus, d’être évoqué en filigrane de « l’ensemble d’indices sérieux et concordants » qui ont conduit les juges à renvoyer Nicolas Sarkozy et trois de ses anciens ministres devant le tribunal correctionnel. La France a été la seule démocratie occidentale à recevoir avec autant de faste le dictateur libyen de Paris à Versailles en passant par le Louvre et les chasses présidentielles. Un cadeau ?
Car ce dont Nicolas Sarkozy est soupçonné par la justice, c’est bien d’avoir enchaîné, par l’intermédiaire de ses proches – Claude Guéant et Brice Hortefeux au premier rang – mais aussi des intermédiaires sulfureux comme Ziad Takieddine (déjà condamné dans l’affaire Karachi) ou Alexandre Djouhri. , un « pacte de corruption » avec Mouammar Kadhafi, dictateur et chef d’un « État terroriste » interdit par les nations. Mais bon client côté armement et projet nucléaire.
50 millions d’euros dans une note
Première visite en septembre 2005 de Claude Guéant, alors directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur Sarkozy, pour discuter avec Abdallah Senoussi, cerveau de l’attentat contre le DC10 d’UTA et condamné à perpétuité en France (ce qui suscite aussi aujourd’hui la colère des victimes) familles)… Puis il rencontre Sarkozy-Kadhafi le mois suivant…
Fin 2011, Mediapart émettait les premiers soupçons sur d’éventuels financements cachés puis lançait deux bombes en mars et avril 2012, après avoir consulté une note du 20 décembre 2006 : « le financement libyen prévu s’élevait au total à 50 millions d’euros ». indique en substance le premier, citant un « financement de campagne entièrement réglé ».
« Infamie », écoutes clandestines, carnet noir…
Le 29 avril, Nicolas Sarkozy qualifie l’article d’« infâme » et, dans cette dernière ligne droite avant l’élection présidentielle, ses troupes imputent la révélation de Mediapart à la campagne électorale, coup d’éclat d’un « bureau » de gauche. . Pas de honte… Mais les écoutes ont révélé en 2014 que l’ancien président et son avocat Thierry Herzog s’appelaient avec des portables enregistrés sous de faux noms, soupçonnés d’avoir corrompu un magistrat pour accéder au dossier. . L’affaire Bismuth commence.
Puis en 2016, c’est la découverte du carnet de l’ancien ministre libyen du pétrole Choukri Ghanem – retrouvé noyé à Vienne en 2012, au lendemain des premières révélations de Mediapart – qui indique désormais un total de 6,50 millions d’euros. tandis que Ziad Takieddine affirme avoir remis 5 millions d’euros…
« Invraisemblable » et vérité
Au cours de 10 années d’enquête, la justice a identifié plusieurs flux suspects entre 2005 et 2008 : 1,20 million d’euros en provenance de Suisse, 440 000 euros aux Bahamas impliquant le très fidèle Thierry Gaubert, les 5 millions d’euros de liquide reconnus par Takieddine versés entre fin 2006 et début 2007 alors que de 2003 à 2013, Claude Guéant n’aurait retiré que 800 € en espèces alors qu’il aurait utilisé 200 000 € en espèces… Présumés innocents, tous les impliqués vont désormais pouvoir s’expliquer et s’expliquer. “S’il s’agissait d’une série, on dirait que le scénario est improbable”, s’est déjà défendu Nicolas Sarkozy. Le tribunal recherchera la vérité. Peu probable.