Le monde est petit. Et celui du rugby encore plus. Au bord du terrain, dans le staff, ou devant les caméras, il est fréquent de retrouver d’anciens joueurs. Mais certains, qu’ils aient dû se passer des avantages du professionnalisme (et donc travailler aux côtés du sport) ou qu’ils en aient bénéficié, ont choisi des voies très différentes.
Dans cette série, C’était le matin vous invite à revenir au “d’autres vies” de plusieurs anciens joueurs du RCT, entre doubles carrières et reconversions insolites. Trouvez un nouvel épisode aujourd’hui.
Gagner le championnat de France de rugby et la plus grande compétition de tennis par équipes en quelques années, c’est possible. Jérôme Bianchi en est la preuve vivante. Et il le doit à une double carrière couronnée de succès.
En 1982, le Béarnais arrive à Toulon sur la pointe des pieds. Au RCT, il aspire alors à jouer avec son idole : Jérôme Gallion. Repositionné en défense par André Herrero, l’ancien demi d’ouverture y est rapidement parvenu. Parce que “déjà” est du genre à s’en donner les moyens.
Outre le rugby, il prépare en effet un diplôme de kiné, partageant ses journées entre l’hôpital, les cours à Marseille et les entraînements du soir dans le Var. « Je faisais des allers-retours presque tous les jours. Et l’école a été assez sympa pour me laisser reprendre mes cours”rembobine-t-il.
Un diplôme… puis une sélection en bleu
Bianchi brille alors sur les deux terrains. Côté scolaire, il obtient son diplôme en 1984. Côté sportif, il part immédiatement au Japon avec l’équipe de France. Et puis, en deux ans, tout s’est enchaîné : service militaire, première finale du championnat de France, ouverture d’un entraînement à Aix, puis sacre national avec le RCT. Il entame même une formation d’ostéopathe qu’il termine au début des années 1990.
Autant dire que ce profil atypique du Docteur Bianchi et Monsieur Jérôme ne passe pas inaperçu. Dès 1989, le Toulonnais d’adoption revient à l’un de ses premiers amours : le petit ballon jaune. Car lorsque le capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis, Patrice Dominguez, l’a contacté pour devenir kiné auprès des joueurs de tennis français, le déclic a eu lieu. « Le tennis m’a toujours intéressé. J’ai joué jusqu’à 18 ans. J’en ai même presque fait mon métier, car je donnais des cours chaque été. Je n’ai jamais été au niveau des joueurs de tennis que je vais affronter, mais tout de suite, ça va bien coller, car ils savent que je suis un athlète de haut niveau.
Deux Coupes Davis dans la besace
Et c’est ainsi que le rugbyman se retrouve parfois à travailler en étroite collaboration avec Noah, Leconte, Forget et compagnie. « J’avais le bureau à Aix, et je faisais les Grands Chelems, la Coupe Davis… Certains le week-end, je ne pouvais même pas jouer avec mon club. Daniel (Herrero) m’a accordé le droit de m’absenter.
En 1991, à Lyon, Jérôme fait partie de l’équipe de France qui remporte la prestigieuse Coupe Davis. Un premier bol d’argent depuis près de 60 ans pour le sport français. Un moment inoubliable. “Mais j’ai arrêté en 1995, parce que j’ai réalisé que c’était difficile de tout faire.”
Puis, une fois votre carrière de rugbyman terminée, recommencez. Depuis 2000, “déjà” retourne à la danse. Et, comme la première fois, un an plus tard, les Français remportent la Coupe Davis. En privé, le kiné commence également à travailler avec quelques grands noms, comme Amélie Mauresmo. Puis, de 2013 à 2017, c’est la star mondiale du tennis Maria Sharapova qui a retenu ses services. Jérôme part donc vivre en Californie.
«J’ai adoré la vie là-bas. L’expérience a été énorme. Tout était à l’ordre du jour pour elle, un peu comme Djokovic maintenant. Et pour continuer : « Je me souviendrai toujours de Roland-Garros 2014. Elle était malade comme un chien la semaine précédente. J’ai essayé de la motiver autant que possible et elle a écrasé le tournoi. C’était monstrueux, car normalement elle n’était pas en état de le gagner. Mais même dans un sport individuel, avec toute cette équipe, on a parfois l’impression d’être dans un sport d’équipe.
“Apportez ma pierre à l’édifice”
Par la suite, la professionnelle de santé continue de côtoyer les stars. Wawrinka et Tsitsipás suivent. C’est à la réputée académie Mouratoglou qu’il rencontre le Grec. «J’étais responsable du centre médical. C’était bien parce qu’on avait vraiment l’impression d’aider ces joueurs à se développer. Durant quelques mois, Jérôme a même pris sous son aile Jannik Sinner, aujourd’hui numéro un mondial. Avant de finalement se poser un peu…
« La Fédération m’a proposé le poste de responsable kinésithérapeute au centre national d’entraînement, à côté de Roland-Garros, en février 2022. » Il y a pire, comme cadre. Et comme métier aussi… « Nous prenons soin des joueurs des matches de Coupe Davis, des jeunes et des pros visiteurs. On travaille les coachs, les préparateurs physiques… C’est un beau projet pour tenter de relancer le tennis français. Et j’essaie d’apporter ma contribution. Avec toute son expérience : “ Ce que j’aime dans mon métier, c’est de rester en contact avec le sport de haut niveau. Et même si c’est différent du rugby, j’utilise aussi les valeurs inculquées par ce sport.
Une discipline qu’il suit toujours avec attention, malgré un léger regret : “Le manque de ne pas avoir pu transmettre quelque chose dans cet environnement qui me fait vibrer.” Malheureusement, nous ne pouvons pas tout faire. Dans ce cas, Jérôme a déjà fait beaucoup.
À suivre…