Loin des grands crus classés, elles rassemblent des milliers de vignerons frappés de plein fouet par la crise du secteur, entre surproduction, baisse de la consommation et aléas climatiques : l’heure est à la restructuration ou à la diversification pour de nombreuses coopératives viticoles.
En Nouvelle-Aquitaine, où la campagne d’arrachage des vignes cofinancée en partie par l’État et l’interprofession va réduire la superficie de Bordeaux d’environ 10 %, les procédures de sauvegarde et les recours judiciaires se multiplient. En Gironde, le domaine Univitis a été placé en redressement judiciaire en juillet, tandis qu’Alliance Bourg, sous protection depuis l’année dernière, vient de voir son projet validé sur dix ans par le tribunal de Libourne.
Plus au sud, les Vignerons de Buzet et ceux de Brulhois, dans le Lot-et-Garonne, ont également engagé ces derniers mois des procédures de sauvegarde. Dans la région voisine, l’Occitanie, il existe également « de plus en plus de questions sur, par exemple, la trésorerie et la capacité de payer leurs membres »selon Frédéric Roux, président de l’union régionale des vignerons coopératifs.
Boum tu es crémant
« Globalement, les coopératives ne s’en sortent pas plus mal que l’ensemble de la viticulture française, voire internationale, qui subit une crise durable »nuance toutefois Stéphane Héraud, président de la section viticole de la Coopération agricole Nouvelle-Aquitaine qui regroupe 51 caves et syndicats et 3 900 vignerons.
« La crise actuelle va au-delà d’Univitis. Cela touche tout le secteur.»adds Michaël Cousinet, president of Univitis and wine manager at FNSEA 33. « L’abondance des stocks, la baisse de la consommation de vin rouge, les intempéries et les crises récentes, comme celle du Covid, la guerre en Ukraine et l’inflation générale, ont durement frappé les producteurs. »
Dans ce contexte, la structure des coopératives a plutôt permis “faire un tampon” dans « puiser dans les réserves de trésorerie » garantir la rémunération des vignerons sur les quatre dernières années “très difficile”estime M. Héraud, évoquant notamment deux épisodes de gel qui ont détruit les vendanges en 2021 et 2023, notamment à Bordeaux.
Diversification dans le tourisme biologique et oenotouristique
Pour sortir de l’impasse, certaines coopératives cherchent à se diversifier, en favorisant les vins bio, en élargissant leur offre à des produits innovants (vins mousseux, sans alcool, etc.) ou en développant l’œnotourisme. « Pendant que le rouge échoue, les vins blancs et rosés restent stables, le crémant progresse »souligne M. Héraud. « Et ce n’est pas très compliqué pour nous de transférer des vignes par crémant puisque nous pouvons le faire avec les cépages dont nous disposons aujourd’hui »ajoute-t-il en précisant qu’en l’espace de cinq ans, la production de Crémant a décuplé à Bordeaux.
Chez Univitis, pas de crémant, mais une profonde restructuration. La coopérative a notamment réorienté sa production vers les vins blancs et rosés, désormais majoritaires, pour répondre à la demande. “plus dynamique” sur ces segments.
« Jusqu’à présent, nous produisions 20 % de blanc, 70 % de rouge et 10 % de rosé. Mais aujourd’hui, nous avons fait un grand changement. Nous produisons environ la moitié du volume en blanc et en rosé et seulement la moitié en rouge.explique M. Cousinet.
Pas de remise en cause du modèle coopératif
« Nous ne produisons désormais du vin que sur un seul site, contre cinq auparavant » explique le président d’Univitis, qui déplore la perte d’une quarantaine de vignerons coopérateurs sur les 170 initialement présents. “C’est une véritable hémorragie”il s’indigne.
Selon lui, seulement « quatre à cinq coopératives sur une trentaine affichent une situation financière stable » en Gironde. Pour les professionnels, cette crise du vin ne remet pas en cause le modèle coopératif, « indispensable au maintien des vignerons sur nos territoires »selon M. Roux.
« Sans ce modèle, nous risquons de tomber vers un système totalement déséquilibré, où ne resteraient que de très petits viticulteurs et de grands groupes privés, avec des fonds de pension prêts à racheter toutes les terres du milieu »ajoute-t-il.