Le Metropolitan Museum of Art (MET) ou l’anti-Louvre américain

Le Metropolitan Museum of Art (MET) ou l’anti-Louvre américain
Le Metropolitan Museum of Art (MET) ou l’anti-Louvre américain

« C’est une opération à cœur ouvert pendant laquelle le patient reste éveillé. » Depuis son immense bureau, situé au 5e étage avec vue sur Central Park, Max Hollein, 55 ans, décrit avec une métaphore chirurgicale l’ampleur des travaux de rénovation menés au Metropolitan Museum of Art, l’établissement new-yorkais qu’il dirige depuis qu’il en est devenu président, en 2018, et PDG depuis un an et demi. Contrairement à Beaubourg, à Paris, ou au Pergame, à Berlin, le MET, comme l’appellent affectueusement ses visiteurs, ne fermera pas.

Cet automne, environ 10 % des quelque 200 000 mètres carrés d’espace d’exposition sont en construction, certains sur une superficie modeste comme la rénovation de la galerie d’art coréenne, d’autres sont bien plus importants, comme la rénovation des puits de lumière. , pour adapter le musée au changement climatique, ou encore la refonte de l’aile Rockefeller. Dédié aux d’Afrique subsaharienne, d’Amérique ancienne et d’Océanie, il est fermé depuis 2021 pour améliorer sa scénographie et son éclairage, pour un coût de 70 millions de dollars.

Travaux de rénovation. Soucieux d’« inclusivité », Max Hollein souhaite mettre en valeur des artistes issus de minorités et situer les œuvres dans leur contexte historique et sociologique.

James Leynse/Réa pour Défis

Un espace dédié aux enfants

Les ouvriers sont occupés. L’inauguration aura lieu en mai prochain. Dans dix ans, souligne le réalisateur, autrichien de naissance, “un quart des galeries auront été transformées”. L’investissement est gigantesque : 2 milliards de dollars, comparativement à un budget de fonctionnement annuel de 340 millions de dollars. Objectif : « Veiller à ce que le musée soutienne un monde en évolution et soit aussi accueillant que possible. » Max Hollein ne parle pas “du public”plus « des publics, chacun avec sa sensibilité, sa culture et ses envies ».

Fondé il y a 154 ans sur le modèle du Louvre, le MET a une vocation encyclopédique, s’étalant sur cinq millénaires. Contrairement à ses prestigieux homologues parisiens, où les collections sont réparties selon les époques entre différents établissements (Louvre, Orsay, Beaubourg…), tout est regroupé : « Les États-Unis ne sont pas l’Europe, observe le patron. Les collections n’ont pas été créées pour la gloire d’un roi ou d’un empereur, mais pour leurs visiteurs. Ils doivent coller au plus près de leurs attentes et des évolutions de la société. » D’où les efforts déployés pour replacer les œuvres dans leur contexte historique et sociologique, notamment en ces temps de wokisme.

Max Hollein. « Les Etats-Unis ne sont pas l’Europe », observe le PDG du MET. Les collections n’ont pas été créées pour la gloire d’un roi ou d’un empereur, mais pour leurs visiteurs. »

James Leynse/Réa pour Défis

Il s’agit de « faire dialoguer les périodes ». C’est ainsi que, dans la galerie européenne rénovée de fond en comble (pour 150 millions de dollars) et rouverte en novembre 2023 après six ans de travaux, une tête du Christ du XIVee siècle italien et trois autoportraits de Francis Bacon peints en 1979. Concernés par « moderniser l’institution »Max Hollein veut s’adresser à toutes les générations. L’année dernière, a même été ouvert Studio de la 81e rueun espace dédié aux enfants, particulièrement grand pour un musée : 300 m2sans compter le parking poussette.

Jeff Koons parmi les antiquités

Au numéro 1 000 des 5e Avenue, on avance « marche forcée ». Max Hollein se considère comme « un leader », “un chef d’orchestre” qui supervise les travaux, les budgets, les nouvelles acquisitions, le personnel (2 200 salariés). « Il a eu le courage de remettre en question les décisions antérieures de choisir de jeunes architectes audacieux. » apprécie l’architecte new-yorkais Paul Aferiat. Depuis son arrivée, l’Autrichien a supervisé plus de 100 expositions, sans compter les gigantesques événements caritatifs-sociaux, typiquement américains, qu’il préside, comme le gala annuel où s’affrontent des célébrités dans des tenues excentriques.

Long Tail Halo, 2024, de l’artiste coréen Lee Bul. Le MET a une vocation encyclopédique, couvrant cinq millénaires.

James Leynse/Réa pour Défis

Fils du très célèbre architecte Hans Hollein, à qui Beaubourg a consacré une rétrospective en 1987, le réalisateur est l’un des rares sur la scène mondiale à avoir les compétences, l’expérience et le culot de bousculer le grand paquebot. Max Hollein est un universitaire à l’esprit d’entreprise possédant une double formation en histoire de l’art et en gestion. Au début des années 2000, il a marqué son empreinte par ses initiatives souvent audacieuses, parfois déroutantes, généralement financées par des budgets qu’il avait lui-même constitués.

Responsable de trois musées à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), il s’est fait remarquer en organisant une exposition de sculptures de Jeff Koons parmi des antiquités. Elle a également noué un partenariat pour animer son site Internet avec des jeux vidéo Minecraft. Ou encore porter des bottes en caoutchouc jaune, posant devant un portrait de Goethe pour attirer les investisseurs.

Courtois mais indéchiffrable

Sous sa présidence, les trois établissements ont battu des records de fréquentation. Cet art de perturber pour récolter des fonds a été remarqué par les mécènes américains, qu’il connaît bien pour avoir débuté sa carrière au Guggenheim de New York. Avant d’être débauché par le MET, il dirige les musées des Beaux-Arts de San Francisco, où il fait sensation en organisant une exposition sur la mode musulmane.

« Ici, les musées reposent sur la philanthropie » poursuit celui qui, selon Le New York Timesest payé 1 million de dollars par an. C’est trois fois plus que le directeur du British Museum et infiniment plus que ses homologues français.

Courtois mais impénétrable, Max Hollein est un PDG qui doit rendre des comptes à ses donateurs et à ses administrateurs. En anglais, on dit administrateurs, de ” confiance “ (confiance). Outre-Atlantique, pas de décret de nomination Journal Officiel, pas de Bercy pour planifier les allocations et pas de président de la République pour dicter les grands projets, pas même de ministère de la Culture.

Pas de musées satellites

Tout est finançable au MET. Même le titre du patron, qui a récolté une dotation supplémentaire en devenant « Max Hollein Marina Kellen réalisateur français », en hommage au grand collectionneur d’art. Peut-on imaginer un directeur de musée français se transformer en homme-sandwich ? « Le mode de gouvernance américain est si différent de celui de l’Europe, résume Mohamed Bouabdallah, conseiller culturel à l’ambassade de à New York. Elle donne plus de liberté par rapport à l’Etat, qui est peu présent, mais s’accompagne d’une très grande implication des syndics, objet de tous les soins. »

Max Hollein assume ce poids du conseil d’administration, ce qui lui a fait subir quatre entretiens avant de l’embaucher. « Ils veulent tous les deux s’assurer que nous respectons le budget, mais sont curieux de savoir quel sera le prochain projet. » Parmi elles, la toute nouvelle aile Tang (parrainée par un financier d’origine chinoise du même nom) dédiée à l’art moderne et contemporain, qui sera inaugurée en 2029.

Il est en revanche un projet que le directeur ne mènera pas : créer des musées satellites, comme l’a fait le Louvre à Abu Dhabi. « La coopération internationale nous suffit amplement. » Une grande exposition Sargent ouvrira au MET au printemps et arrivera au musée d’Orsay à l’automne.

Installation afro-futuriste. En ces temps de wokisme, il s’agit pour le MET de « faire dialoguer les époques ».

James Leynse/Réa pour Défis

La pression s’est réveilléeSa nomination a ébranlé le landernau du wokisme, indigné que le dixième directeur du Met soit encore un « mâle blanc. » C’est aussi pourquoi Max Hollein intègre avec autant de soin les annuler la cultureen vogue des deux côtés de l’Atlantique, comme le montre l’exposition Le modèle noir de Géricault à Matisse (Orsay, 2019), inspiré par un conservateur du Met. Max Hollein fait installer depuis 2021 une installation « afro futuriste » qui illustre « les relations complexes entre histoire et authenticité ».Concerné « inclusivité »il a fait présenter des artistes issus de minorités dans son musée et les œuvres placées dans leur contexte historique. “Il agit à l’américaine, parfois de manière excessive”, s’amuse un directeur de musée français. Mi-2020, l’un des conservateurs du Met s’est exprimé sur Instagram, la révolution française. « Combien de grandes œuvres ont-elles été perdues à cause du désir de se débarrasser d’un passé que nous n’approuvons pas ? » Le rebelle a depuis quitté ses fonctions.

 
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