« QQui peut imaginer un seul instant que le général de Gaulle soit inculpé ? » raillait François Fillon en 2016. « Peut-on imaginer un ancien président de la République porter un bracelet électronique ? » pourrait compléter l’ancien Premier ministre, s’il n’avait pas lui-même depuis été rattrapé par la patrouille judiciaire et condamné à un an de prison à Penelopegate – la Cour de cassation dira l’année prochaine s’il doit être équipé des mêmes logements.
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Nicolas Sarkzoy, de son côté, devra s’en accommoder. Et préparez-vous-y. Ce mercredi 18 décembre, la chambre criminelle a en effet rejeté le pourvoi en cassation qu’il avait déposé après sa condamnation en appel dans l’affaire Bismuth ; cela lui a valu d’être condamné le 17 mai 2023 à trois ans d’emprisonnement, dont un an d’emprisonnement, assortis de la privation des droits civiques pour la même durée.
Le déclarant coupable de « corruption » et de « trafic d’influence », la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement de première instance, se montrant plus sévère que le procureur qui, dans ses réquisitions, avait seulement demandé un sursis. Dans leur indulgence, les « seconds juges » avaient néanmoins prévu un aménagement de la peine. dès le débutprécisant dans leur jugement que la partie ferme de sa sanction s’effectuerait à domicile, sous forme de « surveillance électronique ».
L’affaire devant la CEDH ?
En rejetant le recours déposé par la défense de l’ancien président, la Cour suprême rend sa condamnation définitive dans cette affaire. Son conseiller à la Cour, M.e Patrice Spinosi a déjà indiqué qu’il ferait appel devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur le fondement de l’article 6 (droit à un procès équitable), mais ce recours n’est pas suspensif. Nicolas Sarkozy sera donc prochainement convoqué devant un juge de l’application des peines, qui lui indiquera les modalités concrètes de l’exécution de sa peine (date d’installation du dispositif, plage horaire, interdictions…).
A LIRE AUSSI Cassation, bracelet électronique… Ce qui attend Sarkozy après sa condamnationLe rejet de son appel intervient au pire moment alors que le procès du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 doit s’ouvrir le 6 janvier, juste après les vacances. L’État est poursuivi pour « recel de détournement de fonds », « corruption passive », « financement illégal de campagne électorale » et « association de malfaiteurs ». Il risque dix ans de prison et comparaîtra aux côtés de treize autres prévenus, dont trois de ses anciens ministres, Claude Guéant, Brice Hortefeux et Éric Woerth.
Nicolas Sarkozy a d’ailleurs été condamné à deux reprises dans l’affaire Bygmalion, pour avoir dépassé le plafond des dépenses électorales de sa campagne ratée de 2012. Ces poursuites lui ont valu, le 14 février 2023 en appel, une peine de six mois de prison. d’une peine d’emprisonnement ferme, également modulable – peine avec sursis du pourvoi en cassation qu’il a également déposé dans cette affaire.
Nicolas Sarkozy est toujours visé par deux autres affaires : il a été mis en examen le 6 octobre 2023 pour « recel de subornation de témoin » et « participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie au jugement en bande organisée ». Le Parquet national financier le soupçonne d’avoir tenté d’obtenir, avec d’autres, une rétractation de l’homme d’affaires d’origine libanaise Ziad Takieddine, principal accusateur – lui-même poursuivi – dans l’affaire libyenne.
Enfin, la justice enquête sur un transfert suspect (500 000 euros) d’un groupe russe, pour lequel Nicolas Sarkzoy est soupçonné d’avoir exercé une activité de lobbying illicite – l’enquête préliminaire est toujours en cours.
“Aide”
L’affaire des écoutes téléphoniques (dites Bismuth, du nom de la ligne téléphonique privée qu’il utilisait avec son avocat Thierry Herzog) est donc la première à aboutir à une condamnation ferme et définitive de Nicolas Sarkozy, cerné de toutes parts par les dossiers. Il s’agit du pacte de corruption que l’ancien chef de l’Etat avait conclu avec M.e Thierry Herzog et l’ex-magistrat Gilbert Azibert, également condamnés dans cette affaire.
Alors qu’il enquêtait (déjà !) sur le financement libyen de la campagne de 2007, le juge d’instruction Serge Tournaire a découvert l’existence d’une ligne téléphonique secrète entre l’ancien président et son ami avocat. Les écoutes ont permis au magistrat de découvrir que les deux hommes cherchaient à obtenir des informations auprès d’un avocat général alors en exercice à la Cour de cassation, Gilbert Azibert, en échange de la promesse d’un poste à Monaco pour lequel Nicolas Sarkozy a dû intercéder auprès du autorités de la principauté – les écoutes téléphoniques ont fait état d’un « coup de main ». Alors que le « deal » semblait bien engagé, les discussions sur la ligne Bismuth ont connu un coup d’arrêt brutal, jusqu’à ce que Nicolas Sarkozy finisse par renoncer à intervenir en faveur du magistrat.
Une troisième affaire est alors venue se greffer à ce dossier inutile, comme Le Point a su le révéler en son - : en toute discrétion, le PNF a mené une enquête préliminaire visant à débusquer la taupe qui, au sein de la justice ou à la barre (les fadettes de Mes Éric Dupond-Moretti, Jacqueline Laffont et Hervé Temime ont été secrètement interrogés), aurait pu alerter Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog que la ligne Bismuth était écoutée. Cette enquête n’a abouti à rien, aucune « taupe » n’ayant jamais été déterrée.
Gilbert Azibert n’a jamais été transféré sous le soleil de Monaco et il n’est pas prouvé que Nicolas Sarkozy ait obtenu de lui les informations qu’il attendait. Cependant, tous ont été condamnés. Le délit de corruption, comme l’empoisonnement, est un délit « formel » ; peu importe si cela aboutit à un résultat, à une récompense. L’intention d’y parvenir, pour autant qu’elle soit caractérisée par des éléments matériels, suffit à « consommer » l’infraction.
La question du secret professionnel de l’avocat
Me Spinosi, avocat au Conseil d’Etat, avait invoqué à l’appui du recours déposé par Nicolas Sarkozy une grave atteinte aux droits de la défense dans cette affaire. Comme il le fait souvent, le juriste a appelé à la rescousse le droit européen, notamment un arrêt du 16 juin 2016 de la CEDH relatif au secret professionnel de l’avocat et aux échanges qu’il peut avoir avec ses clients. A l’époque, les juges de Strasbourg avaient adopté une position « mi-cuit », estimant que les écoutes pouvaient constituer une « ingérence » admissible – sans violation des droits de la défense donc – pour autant que l’interception laisse présumer l’identité de l’avocat. participation à une infraction.
“Ce qui est écouté peut être utilisé contre l’avocat, mais ne peut pas être utilisé contre son client”, a tenté de soutenir M.e Spinosi devant la Cour de cassation. Le rejet du recours constituerait un précédent regrettable, a-t-il expliqué mardi 17 décembre à Figaro. “Pour la première fois en France, une personne serait déclarée coupable sur la base d’échanges surprises avec son avocat”, s’est-il indigné comme par anticipation.
Me Spinosi avait soulevé un autre argument : l’impossibilité – déclarée depuis inconstitutionnelle – pour un justiciable de soulever de nouvelles « exceptions de nullité » (vices de procédure) devant un tribunal lorsqu’il a été saisi par un juge d’instruction, alors seul compétent pour « purger le nullités ». L’enquête du PNF, à la recherche d’une taupe introuvable, a été dissimulée à la défense, qui n’a pas pu en parler au moment du procès de l’affaire Bismuth, en violation flagrante de ses droits, ayant ainsi plaidé Me Spinosi devant la chambre criminelle, comme il l’avait déjà fait – sans plus de succès – dans l’affaire Fillon. Rappelons que, depuis cette affaire, le droit a changé : pour pouvoir examiner les fadettes (factures détaillées) d’un avocat, le parquet doit désormais obtenir l’autorisation du juge des libertés.
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La Cour de cassation vient de rendre un arrêt contraire à la jurisprudence de la CEDH”, regrette M.e Patrice Spinosi dans un communiqué publié suite au rejet du recours. “Au-delà du cas personnel de Nicolas Sarkozy, il s’agit d’un sujet de préoccupation pour les libertés de tous”, poursuit l’avocat, évoquant “une triste journée”. Me Spinosi confirme qu’il saisira la Cour européenne des droits de l’homme pour « obtenir la garantie des droits que les juges français ont niés ». [à Nicolas Sarkozy] « . Un ancien président de la République va ainsi engager une action devant les juges européens “pour condamner un Etat dont il a présidé le destin”, observe M.e Épineux.
L’ancien président de la République Jacques Chirac a en effet été condamné (en 2011) à deux ans de prison dans l’affaire des emplois fictifs dans la Ville de Paris, mais cette peine a été avec sursis. Jamais auparavant un ancien président n’avait été condamné à une peine sévère, modulable certes, mais conduisant certainement à la privation de liberté.