Disparition de Morgane, les réseaux sociaux pointés du doigt

Disparition de Morgane, les réseaux sociaux pointés du doigt
Disparition de Morgane, les réseaux sociaux pointés du doigt

LLundi soir, les gendarmes de Guingamp (Côtes-d’Armor), déjà très occupés à rechercher Morgane, 13 ans, depuis deux semaines, ont dû redoubler d’efforts pour une nouvelle disparition signalée quelques heures plus tôt. Disparition immédiatement jugée inquiétante, et intrigante, puisqu’elle concerne une adolescente de 14 ans qui se présente, par ailleurs, comme la « meilleure amie depuis 6 ans » de… Morgane sur son profil TikTok. “Ils se sont rencontrés au bal”, a confirmé sa marraine en montrant sa photo à tous les passants. Ils ont tous deux été victimes de harcèlement à l’école, ce qui a dû les rapprocher encore plus. Depuis la disparition de son amie, Juliette (pseudonyme) se sent très mal dans sa peau et devait même consulter un psychologue dans les prochains jours. »

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Au lieu de cela, elle a préféré partir. Volontairement, supposent ses proches, puisque l’écolière avait annoncé à sa mère son intention de quitter la maison. Un caprice d’adolescent qui se serait transformé en fugue. En sortant de sa classe en milieu d’après-midi le même jour, Juliette abandonne alors son cartable, avec son téléphone portable à l’intérieur, dans l’entrée d’un immeuble du centre-ville de Guingamp. De là, le chien pisteur mobilisé a immédiatement suivi sa trace puis a levé le museau quelques centaines de mètres plus loin, à la gare.

Vers 4 heures du matin, elle a enfin été retrouvée en bonne santé et seule, à… Paris. Quant à Morgane, heureux hasard, elle a été à son tour découverte « saine et sauve » quelques heures plus tard par les gendarmes de la section de recherche de Rennes dans une chambre d’un foyer pour jeunes travailleurs de Coutances, dans la Manche occupée. par un homme de 21 ans.

Malgré la proximité entre les deux jeunes filles, aucun lien n’a été établi dans leur propre disparition, la seconde ayant sans doute simplement agi “par mimétisme”, selon un gendarme. Il n’en reste pas moins que ces deux affaires, à l’heureuse conclusion, placent une nouvelle fois les réseaux sociaux comme l’épicentre de ces comportements.

Un influenceur rapporté par Miviludes

Ainsi Juliette était, selon un membre de sa famille, admirative d’Ophenya, une influenceuse contre laquelle la Miviludes (la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a récemment ouvert une procédure menant à son interdiction de TikTok, comme l’a révélé l’association. Site Politico le 13 novembre.

Ophélie Vincent, de son vrai nom, organisait des échanges vidéo diffusés en direct au cours desquels certains de ses jeunes abonnés (elle en comptait alors près de 5 millions) témoignaient devant la caméra de leur souffrance. Si l’intention était sans doute louable, et qui plus est légitimée par Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, qui l’avait reçu pour évoquer le harcèlement scolaire en novembre 2023, la démarche restait néanmoins discutable.

Premièrement, cela contrevenait aux règles de TikTok qui interdisent (en théorie) les vidéos montrant des personnes de moins de 18 ans. Puis, selon une association spécialisée dans la protection des mineurs citée par Politico, « elle incite ses abonnés à limiter les comportements sur les réseaux sociaux ». Enfin, même si l’intéressée a fermement contesté ces accusations, elle n’a pas pu mesurer l’impact de ces échanges sur son « public », notamment les plus vulnérables. Comme Juliette donc, mais aussi comme Morgane.

A LIRE AUSSI Morgane, victime d’un possible récidivistePour le jeune Breton, le piège s’est également formé et refermé sur les réseaux sociaux, en l’occurrence sur un forum de discussion intitulé « Golden Group » sur Snapchat. C’est là qu’elle a pris contact il y a trois mois avec un certain Adrien, 21 ans, avec qui elle a trouvé des points communs contribuant à son mal-être : envies suicidaires, scarifications, harcèlement scolaire. Lorsque les parents de l’adolescente ont découvert ces échanges en ligne, notamment des photos, le père a vivement réagi en cassant le téléphone portable de sa fille aînée et en confisquant sa carte SIM le week-end précédant la disparition.

Disparition volontaire là aussi finalement puisque c’est sur instructions de Morgane que le jeune homme est venu la chercher en voiture ce fameux lundi 25 novembre au matin pour la conduire à Coutances. Si, lors de sa garde à vue, l’accusé a pris conscience de la gravité de ses actes, ce n’en était pas à son coup d’essai. Il devait en effet comparaître cette semaine devant le tribunal correctionnel de Beauvais (Oise) pour enlèvement de mineur. Le 8 avril dernier, il a en effet été arrêté en compagnie d’une jeune fille de 14 ans qu’il avait déjà rencontrée sur les réseaux sociaux, et qu’il venait de récupérer à la sortie de l’école…

Adrien, ange ou démon virtuel ?

Dans les deux cas, croyait-il avoir pour mission de répondre à la détresse des jeunes filles ? Jusqu’à présent, le procureur estimait que, malgré deux semaines passées avec Morgane dans la promiscuité d’une chambre, il n’y avait eu « aucune relation intime » entre eux. Mais tout a changé lors de la dernière audition du jeune homme, ce jeudi 12 décembre. Il a reconnu « avoir eu une relation sexuelle avec Morgane ». […] encore une fois et j’y ai consenti », a expliqué le procureur. Il a été mis en examen pour viol et enlèvement sur mineur.

Souffrant d’un malaise résultant d’un « parcours scolaire complexe, ayant été victime d’actes de harcèlement », comme l’a décrit le magistrat, son existence a été scrutée par les enquêteurs. Cela se résumerait essentiellement à « une vie sociale virtuelle avec de faux amis ». Un quotidien ultra-connecté, comme Morgane depuis plusieurs mois, qui indiquait également “utiliser beaucoup de réseaux sociaux sur lesquels elle conversait avec des adultes” et dont l’utilisation visiblement intensive était “Source de fréquentes disputes” au sein de sa famille.

Alors que la jeune fille n’avait pas encore été retrouvée, à Pabu (Côtes-d’Armor), certains habitants pointaient déjà cette aliénation numérique comme explication. Ainsi Marie-Madeleine, interrogée à propos d’un contrôle routier par les gendarmes : « J’ai deux petits-enfants, 13 et 12 ans, dont l’un est accro aux réseaux sociaux. Et il y a deux mois, les parents ont décidé de confisquer le téléphone, c’est la meilleure des choses ! » témoigne cette grand-mère. Devant le collège fréquenté par Morgane, Sophie a avoué son impuissance. « J’en ai parlé à mes enfants, nous les avons déjà prévenus, mais je ne suis pas tout le - sur mon portable à regarder ce qu’ils font », a regretté cette mère.

Un débat organisé par la mairie de Pabu

Incapable de tout contrôler, le maire de la commune, Pierre Salliou, a décidé d’opter pour la pédagogie, s’appuyant justement sur le cas de son jeune administrateur pour alerter les plus jeunes des dangers qui se cachent derrière les écrans. « On s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup d’informations complètement négatives diffusées sur les réseaux sociaux que je trouvais très dures envers les parents de Morgane qui étaient jugés », déplore l’élu. Il faut vraiment être vigilant, et à l’initiative du conseil municipal de la jeunesse, nous allons organiser un débat autour des réseaux sociaux, qui peuvent avoir du bon, certes, mais aussi du mauvais. »


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Dans le cas du jeune Pabuaise, ils étaient les deux. Le pire avec l’emprise, mais aussi le meilleur lorsqu’il a permis de mobiliser quelque 800 bénévoles en quelques heures pour une lutte citoyenne le 29 novembre. De plus, c’est la diffusion en ligne de l’avis de recherche remarquée par une femme en Gironde qui a contribué à l’heureuse issue. Quant à l’enquête, “les réseaux sociaux sont des mines d’informations très riches que la gendarmerie est capable d’exploiter avec des spécialistes capables de pénétrer un ordinateur ou un téléphone portable”, a expliqué le commandant de gendarmerie de Guingamp, Jean-Baptiste Gautier.

Grâce à cela, la présence d’Adrien à Pabu, où son téléphone portable avait « accroché » une antenne relais au moment de la disparition de Morgane, a pu être confirmée. Morgane qui est donc réapparue « saine et sauve » ce mardi 10 décembre, au grand soulagement de ses parents, dont sa mère, Aurore, qui a envoyé un message général de remerciement le lendemain… sur Facebook !

 
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