l’appel paradoxal à se déconnecter des influenceurs

l’appel paradoxal à se déconnecter des influenceurs
l’appel paradoxal à se déconnecter des influenceurs

«Je suis accro à mes écrans, et je sais que vous l’êtes aussi», déclare Léna Mahfouf dans une vidéo publiée mi-novembre sur YouTube (plus de 2 millions de vues en deux semaines). L’influenceuse aux 11 millions d’abonnés parle de son « mois sans écran » et nous invite à « reprendre le contrôle de cette addiction ».

« Les influenceurs essaient d’avoir des messages qu’ils jugent positifs et ce côté déconnexion est vu comme quelque chose de vertueux », estime Adam Bensoussan, qui décrypte les tendances liées aux créateurs de contenus sur sa chaîne YouTube. « C’est assez nouveau », ajoute-t-il, car non seulement « ils appellent à la déconnexion, mais ils mettent aussi en scène leur propre déconnexion », comme la vidéo Léna Situations.

Cette affirmation fait écho aux débats récents autour de la nocivité des réseaux sociaux chez les jeunes et du - d’exposition aux écrans, qui ne cesse d’augmenter.

Selon une étude publiée en avril par le Centre national du livre, les jeunes de 7 à 19 ans passent en moyenne 3 heures et 11 minutes par jour devant des écrans, et jusqu’à plus de cinq heures pour les garçons de 16 à 19 ans. en début d’année à Emmanuel Macron par une “commission écran” alerté sur “l’hyperconnexion vécue” par les jeunes, alors que l’Australie vient de voter une loi inédite interdisant les réseaux sociaux aux moins de 16 ans.

Plus légitime car « c’est leur domaine »

Pour Adam Bensoussan, « les YouTubeurs se sentent plus légitimes de s’exprimer sur les dangers des réseaux sociaux car c’est leur domaine, plutôt que de se positionner sur la politique ou l’écologie ».

Selon Thomas Rohmer, directeur de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open), cette « prise de recul » s’explique aussi par leur « utilisation encore plus excessive de (ces) outils, puisque c’est leur œuvre ». Une surexposition qui a conduit plusieurs personnalités de l’internet à prendre une pause, mettant en avant une certaine lassitude et un risque de burn-out lié à leur exposition.

« Toutes les initiatives qui peuvent permettre de faire un pas de côté […] sont bons à prendre», déclare Thomas Rohmer. D’autant que, comme le souligne Michaël Stora, psychanalyste expert des pratiques numériques, ce type d’appel « a pas mal d’influence car tout adolescent peut se reconnaître là-dedans ».

« L’avantage de ces influenceurs, c’est qu’ils parlent le même langage que ces jeunes », ajoute Jocelyn Lachance, anthropologue de l’adolescence. Un constat partagé par Thomas Rohmer : « Leurs messages sont bien plus efficaces auprès des jeunes que toutes les campagnes (de prévention) ».

« Hypocrite »

Or, « il y a un paradoxe dans cette manière de créer de la prévention par des influenceurs dont la survie n’existe que parce qu’ils sont vus », juge Michaël Stora. C’est une critique qui a notamment été adressée à Inoxtag, dont le documentaire « Kaizen », sorti mi-septembre et retraçant son ascension de l’Everest, se terminait par un appel à s’éloigner des écrans, jugé hypocrite par ses détracteurs. « C’est difficile de changer d’un coup », confiait-il deux mois après la sortie de son film, qui compte près de 40 millions de vues sur YouTube. Depuis, il dit s’autoriser davantage de « pauses ».

“Je ne vous dis pas que je vais quitter complètement les écrans car ce serait complètement hypocrite”, reconnaît Léna Mahfouf dans sa vidéo, mais elle affirme désormais mettre en place “quelques règles” pour limiter son exposition, comme ne plus dormir près de votre téléphone.

 
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