Hommage au cinéma de Hal Ashby avec sa mélancolie poignante ou chronique du passé sans relief ? Le dernier film du réalisateur de Sideways divise la rédaction de Première.
A l’occasion de la diffusion sur Canal+ de Vacances d’hiver (Les restes), sorti l’hiver dernier en salles, nous vous partageons notre double critique du drameAlexandre Payne (De côté, les descendants). Pour vous faire votre propre opinion, rendez-vous sur la chaîne cryptée, à 21h10, ou sur MyCanal.
VERSER
“On n’aurait pas reçu ce film de la même façon si on l’avait découvert à la fin des années 90”nous avons écrit quand le paquet est sorti Misanthrope qui rappelait les portraits de tueurs en série peuplant les grands écrans à cette époque. C’est justement le sentiment que l’on éprouve devant le nouvel Alexander Payne qui rappelle les films indépendants de la grande époque Miramax (Will chasse…) puis collectionneurs d’Oscars et désormais abonnés absents. Et cet effet Madeleine de Proust est renforcé par le voyage dans le - que propose Payne : un film qui aurait pu être tourné dans les années 70 là où se déroule son action.
Vacances d’hiver met en scène un professeur bourru et misanthrope qui, chargé de rester et de surveiller le lycée où il enseigne pendant les vacances de fin d’année, se retrouve à devoir passer Noël avec l’un de ses élèves très doués mais totalement insubordonnés et le cuisinier de l’école. établissement, meurtri par la mort de son fils au Vietnam. Et si Payne avait eu l’élément déclencheur pour raconter cette histoire en découvrant un jour Merlu de Pagnol, c’est bien l’ombre du cinéma de Hal Ashby (de La dernière corvée a Bienvenue Monsieur Chance) qui plane sur cette histoire. Une référence qui est tout sauf bouleversante car elle pousse Payne à emmener son cinéma vers de nouveaux rivages. Exit le ton doux-amer, l’esprit moqueur à l’œuvre dans ses films précédents, de Le parvenu a Nebraska. Payne assume à 100% la fibre sentimentaliste de son récit, joue avec les situations attendues et les clichés de ce choc des contraires tel un patineur à l’exercice de figures imposées. Il ne domine jamais ses personnages et crée une mélancolie poignante qui tire au cœur, à contre-courant du roi du cynisme de notre époque. LE film de Noël de cette année 2023.
Thierry Chèze
CONTRE
Payne a mis en valeur son film avec un vieux logo Universal recherchant une parfaite synchronicité avec le contexte des années 70 de son histoire. Par cet effet, dont il n’a bien sûr pas la prérogative, le cinéaste revendique le caractère suranné de ce drame haut de gamme niché dans l’atmosphère feutrée du cinéma indépendant de qualité (milieu intellectuel, bourgeoisie coincée dans la mélo sociale…).
Le très sage Payne n’est en aucun cas un briseur de formes, il en serait presque le garant, du moins c’est ce qu’il semblait affirmer lors d’une récente interview où il regrettait que ses pairs ne tentent plus de projets. ” ambitieux “ taper Hors d’Afrique et Le patient anglais. Fils Vacances d’hiver est un conte de Noël se déroulant dans une grande université américaine, hantée par un professeur d’histoire ancienne (!). Le pédantisme teinté d’agressivité du tyran (Paul Giamatti) cache, comme on s’en doute, un flot de tristesse refoulée d’où peut naître un sursaut d’humanité. Ce déchaînement sentimentaliste sera rendu possible grâce à un panel de parias, de tous bords (le secrétaire afro-américain au grand cœur, l’étudiant turbulent ultra-sensible rejeté par sa famille…) Que faire d’une telle image où la moindre fissure est immédiatement bloqué ? Cinéma Payne (De côté, Monsieur Schmidt, Les descendants…), n’a rien d’autre qu’une vision standardisée d’un monde que le cinéma ne peut bouleverser. ” Ne franchissez pas le Rubicon ! », crie Giamatti à l’étudiant qui renverse une poubelle comme une forme de rébellion suprême. Payne se charge lui-même de le remettre en place.
Thomas Baurez
Bande-annonce:
40 personnes enfermées au cinéma : le public du Winter Break a été oublié au théâtre !