BRahim Chnina regrette « infiniment », reconnaît que ses messages sont tombés entre les mains « des mauvaises personnes » et qu’après la diffusion de sa vidéo, « les choses ont mal tourné ». Celui qui risque trente ans de réclusion criminelle reconnaît sa responsabilité dans la « chaîne causale » mais insiste, il n’est pas « un terroriste » et n’a jamais été lié à une association criminelle terroriste. Rien, d’ailleurs, n’a jamais démontré le moindre signe de radicalisation chez cet homme accusé d’avoir en partie orchestré la campagne de haine, basée sur le mensonge de sa fille, qui a conduit à l’assassinat de Samuel Paty, décapité le 16 octobre 2020 par un Tchétchène de 18 ans.
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Interrogé sur les faits lundi 2 décembre, l’accusé de 52 ans – qui semble avoir dix ans de plus, après quatre ans de détention provisoire – n’explique toujours pas vraiment pourquoi il a agi ainsi ; « Ce jour-là, je ne sais toujours pas ce qui m’est arrivé », dit-il à voix basse, penché derrière la vitrine. Le parquet lui reproche notamment quatre messages, envoyés à environ 1.500 contacts sur WhatsApp, et un énième publié sur Facebook, dans lesquels il accusait l’enseignant, en donnant son nom, d’avoir discriminé des élèves musulmans en leur demandant de partir. classe alors qu’il s’apprêtait à montrer des images du Prophète nu. Sa fille de 13 ans avait affirmé avoir suivi ce cours pour dissimuler une exclusion prononcée en raison de son comportement. Le début de la spirale infernale.
Le soir même de la publication de ses messages sur les réseaux sociaux, Brahim Chnina sera contacté par Abdelhakim Sefrioui, un agitateur islamiste toujours désireux de trouver des « causes » pour lesquelles s’engager. Ensemble, ils se rendront le lendemain au Bois d’ Le collège d’Aulne, où Samuel Paty enseignait, a réclamé des sanctions contre le professeur, le traitant de « voyou ». Les deux hommes publieront alors chacun une vidéo, amplifiant à leur tour la polémique. Des vidéos qui, selon le parquet, ont fait de Samuel Paty une cible.
“Je voulais protéger ma fille et j’ai mal fait”
“J’ai fait l’erreur de croire ma fille et je le regrette”, commence Brahim Chnina, qui affirme avoir été plus “blessé” par la prétendue discrimination subie par sa fille que par la projection de caricatures du prophète Mahomet. « Ce qui m’a blessé en premier, c’est la sanction, ensuite, c’est la discrimination et, troisièmement, ce sont les caricatures. J’ai voulu protéger ma fille et j’ai mal agi», a-t-il déclaré, voulant à tout prix se distancier des questions relatives au blasphème, bien plus problématiques pour lui que celles concernant la discrimination, dans la mesure où elles le mettraient sur le devant de la scène. pente glissante de l’idéologie.
A LIRE AUSSI Au procès de l’assassinat de Samuel Paty, l’usine de la peurS’il reconnaît cela sans ses messages, “M. Paty serait encore là, en train de faire sa leçon”, l’accusé jure deux choses : la première, il n’a jamais considéré que sa fille aurait pu lui mentir. Deuxièmement, il n’a jamais pensé que quiconque puisse faire du mal au professeur. S’il a écrit les messages, c’est en l’écoutant, dans le seul but d’alerter sur les discriminations vécues par les étudiants musulmans. Tout au plus espérait-il que les parents contactent le rectorat pour exprimer leur désapprobation et donner du poids à son message.
« Vous rendez-vous compte que cette histoire caricaturale est un domaine extrêmement sensible, qu’elle peut déraper et qu’il y a des esprits faibles qui peuvent penser à autre chose qu’une simple lettre ? » demande le président. « Je n’ai jamais voulu cibler M. Paty, repose son âme. L’idée que quelqu’un vienne lui cracher dessus, l’insulter, le frapper… Cela m’est sortie de l’esprit. Sinon je n’aurais jamais fait passer le message”, jure Brahim Chnina.
Le rôle d’Abdelhakim Sefrioui minimisé
Sous le barrage des questions du président, l’homme aux cheveux grisonnants et à la barbe blanche avoue qu’avec ses messages et sa vidéo, il a contribué « à provoquer les faits ». “Ce que j’ai fait est irréparable, impardonnable”, a-t-il déclaré, l’air sincèrement contrit. Brahim Chnina l’assume donc. Mais seulement une partie des faits. S’il veut porter le poids de la responsabilité, celle-ci se limite à avoir commis l’erreur de croire sa fille « à 100 % ». « Elle t’a complètement manipulé ? » demande le président. « Sur cette histoire, oui, mais je me suis aussi trompé moi-même », tente l’accusé, sans jamais expliquer les raisons fondamentales qui l’ont poussé à croire sur parole sa fille, comme incapable d’une véritable introspection, préférant la victimisation.
Sur le rôle d’Abdelhakim Sefrioui, qui doit à son tour être interrogé ce mardi, Brahim Chnina se veut également très prudent. Serait-il allé à l’université sans l’intervention du pasteur ? “J’avais l’intention d’y aller”, assure Brahim Chnina, qui va jusqu’à dire qu’il regrette de l’avoir impliqué : “il est incarcéré à cause de moi”. Aurait-il porté plainte contre le professeur si Abdelhakim Sefrioui ne le lui avait pas murmuré ? « Il m’a conseillé de le faire, mais ce n’est pas que lui, c’est un élément parmi d’autres », assure Brahim Chnina.
Sans enthousiasme, l’accusé admet que c’est bien le fondateur du collectif Cheikh Yassine – du nom du fondateur du Hamas – qui va l’inciter à ne pas aller seul à l’université, que sans lui, il n’aurait jamais poussé sa fille à y aller. témoignera dans une vidéo comme elle l’a fait devant l’objectif de Sefrioui et que s’il s’était retrouvé seul dans le bureau du proviseur, les choses « ne se seraient peut-être pas passées comme ça ». « Mais nous étions tous les deux virulents », poursuit Brahim Chnina, qui tenait en haute estime Abdelhakim Sefrioui. Pour lui, comme pour le proviseur du Bois d’Aulne, le militant islamiste s’est toujours présenté comme un représentant des imams de France. « À la maison, nous respectons les imams, le personnel des mosquées, les personnes plus âgées que nous, donc je le respectais beaucoup », dit-il.
“Quelques mots auraient suffi à sauver la vie de M. Paty”
Brahim Chnina se montre bien plus sévère envers le proviseur du collège, à qui il reproche de ne lui avoir jamais dit que sa fille n’était pas présente lors du cours sur la liberté d’expression dispensé par Samuel Paty. Durant les neuf jours durant lesquels l’affaire a cruellement dégénéré, la proviseure n’a pas partagé cette information – qu’elle avait obtenue de Samuel Paty lui-même – au père de la collégienne conteuse. « Si elle m’avait dit « votre fille n’était pas en classe », j’aurais peut-être reculé, mais au lieu de cela, elle m’a expulsé d’une réunion. Si elle me l’avait dit, j’aurais pu faire d’autres messages, j’aurais parlé à ma fille, nous nous serions excusés, elle aurait fait ses deux jours d’exclusion et M. Paty ferait encore son parcours”, plaide l’accusé. avant d’oser : « Quelques mots auraient suffi à sauver la vie de M. Paty. »
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Des accusations qui ne sont pas du goût des parties civiles, et qui se heurtent aussi à la réalité selon le procureur de la République. « Vous n’écoutez aucune des mises en garde qui vous sont adressées, vous dites que vous êtes submergé par les messages après la publication de votre vidéo, dans votre bulle… Comment croire que vous auriez écouté la proviseure si elle l’avait fait ? vous a dit que votre fille était absente des cours ? » demande l’avocat général. « Si elle nous avait dit qu’elle était absente, il n’y aurait eu aucune plainte, aucune vidéo et rien de tout cela ne serait arrivé », raconte Brahim Chnina.
Un peu plus tôt, le président lui avait pourtant fait remarquer que lors de l’entretien qu’ils lui avaient imposé avec Abdelhakim Sefrioui, le directeur avait tenté de leur expliquer que la collégienne avait été exclue pour des raisons totalement étrangères au cursus de Samuel. Paty. Ce dernier leur avait également fait part de tous les problèmes de comportement et retards reprochés à la jeune fille. “Nous ne l’avons pas crue, car je croyais complètement ma fille”, a reconnu Brahim Chnina, rendant la suite de ses explications très incroyable.