Il est d’usage de dire qu’elle était la plus grande, la divine, l’impératrice du théâtre… Il est difficile pour nous d’imaginer, dans notre XXIème siècle actuel, l’étendue de la célébrité de Sarah Bernhardt à la fin du XIXème siècle et au début du 20ème siècle. Elle n’était pas seulement une star de scène, elle était LA star. Une icône, un mythe, un trésor national, presque une divinité. C’est pour elle qu’aurait été imaginée (par Proust) l’expression communément utilisée de « monstre sacré ». Cela veut tout dire. Les plus jeunes d’aujourd’hui n’ont peut-être jamais entendu parler d’elle, et pourtant. A sa mort, 600 000 personnes ont défilé derrière son cortège funèbre. Sarah Bernhardt fut – et reste – la plus grande actrice que la scène française ait connue. Et pas seulement eux puisque le monde entier la connaissait. Cent ans après sa mort (101 exactement quand sortira le film), la légende de Sarah Bernhardt revit au cinéma sous l’oeil de la caméra de Guillaume Nicloux (La pieuvre, La Tour). Et la star ressuscite sous les traits de Sandrine Kiberlain.
Comment inventer dans le registre du biopic ? Comment pouvez-vous encore être original ou créatif ? La question reste sans réponse car rares sont ceux qui réussissent (Danny Boyle avec son Steve Emplois ou plus récemment Ali Abassi avec L’apprenti). Pour le reste, le genre est tellement codifié qu’il est difficile de faire preuve d’une grande imagination. Développer de manière linéaire n’est plus à la mode, désormais on fragmente les choses ou on fait des allers-retours dans le temps. Mais cette méthodologie est devenue une nouvelle norme, tout aussi éculée. C’est en tout cas elle que Guillaume Nicloux emploie pour son Sarah Bernhardt. Sur son lit d’hôpital alors qu’elle doit être amputée d’une jambe, Sarah Bernhardt se confie à son neveu Sacha Guitry sur son passé amoureux avec son père, l’acteur Lucien Guitry. L’occasion pour elle de revoir sa vie à travers le prisme d’un amour orageux qui a traversé les années.
Sarah Bernhardt s’apparente à mille et un biopics du genre. On pourrait presque recycler inlassablement la même colonne. Le film est soigné, il est intéressant pour qui s’intéresse au sujet, il ne manque pas ce qu’il y avait à dire ou à traiter (son féminisme, son sens unique de la répartie, le monde de l’art de l’époque qui tournait autour d’elle, son mépris des conventions, son amour de la scène) et Sandrine Kiberlain est exceptionnelle dans le rôle de la femme la plus libre de son temps. Et ? Et c’est tout. C’est un peu le problème. Sarah Bernhardt, la divine n’est pas mémorable, il se contente de « bien faire » sans chercher plus, il est assez artificiel en lui-même et on se demande sincèrement s’il trouvera un public avec pour seul argument résonnant, le féminisme d’une star d’une époque lointaine, qui a su s’imposer comme une icône tout en restant loin des contraintes de son époque.