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comprendre les raisons de la colère des cheminots

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A freight train carrying cereals parked near Illiers-Combray, in Eure-et-Loir, November 18, 2024. JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

L’intersyndicale (CGT Cheminots, Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et CFDT Cheminots) a appelé à une grande mobilisation, jeudi 21 novembre, contre le démembrement de Fret SNCF prévu le 1er novembre.est janvier 2025 et la scission de la filiale en deux sociétés distinctes.

Les quatre principaux syndicats dénoncent ensemble un « plan désastreux » un toi « dumping social »et envisagent un reconduction du mouvement à partir du 11 décembre si aucune réponse n’est apportée à leurs revendications.

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Mais le mouvement s’annonce peu suivi à la SNCF, avec quelques perturbations prévues jeudi sur les lignes régionales, et peu de perturbations du trafic sur les lignes TGV. Les cheminots espèrent cependant être entendus et réclament la mise en place d’un moratoire sur ce démantèlement. Une affirmation balayée par le gouvernement.

Qu’est-ce que le Fret SNCF ?

Anciennement connue sous le nom de SNCF Marchandises, Fret SNCF est la principale entreprise de transport ferroviaire de marchandises en . Longtemps dans un monopole d’État, Fret SNCF reste la première entreprise de fret ferroviaire en France, avec 50 % de part de marché en 2022. Depuis l’ouverture du secteur à la concurrence entre 2005 et 2006, une vingtaine d’entreprises ferroviaires se partagent désormais le marché.

Avec 677 locomotives et 714 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, la filiale compte près de 5 000 salariés. Elle est également l’une des sept entreprises de l’alliance européenne du transport de marchandises en wagons isolés, Xrail, qui entend concurrencer le transport routier.

Pourquoi l’entreprise est-elle divisée en deux ?

Le démantèlement de Fret SNCF fait suite à « plan de discontinuité » négocié en 2023 par le gouvernement français avec la Commission européenne. Bruxelles avait ouvert une enquête accusant l’Etat français d’avoir soutenu financièrement la filiale de la SNCF entre 2007 et 2020 sans respecter les règles de bonne concurrence. Pour éviter un remboursement de 5,3 milliards d’euros d’aides publiques qui aurait conduit à la liquidation de Fret SNCF, Clément Beaune, alors ministre des Transports, a choisi la scission. Une décision prise alors que l’activité de l’entreprise était à l’équilibre depuis 2021, après des années de déficit.

Il a été décidé que Fret SNCF disparaîtrait le 1est janvier 2025 et laisse place à deux nouvelles sociétés distinctes :

  • Hexafretresponsable du transport des marchandises
  • techniciens responsable de l’entretien des locomotives.

Ces deux entités seront intégrées au sein de Rail Logistics Europe, division du groupe SNCF regroupant l’ensemble des activités de fret et de logistique ferroviaire de l’entreprise.

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La scission d’avec Fret SNCF prévoit la suppression de 10 % des effectifs. Au total, près de 4 500 cheminots doivent être répartis entre les deux nouvelles entreprises (4 000 salariés chez Hexafret, 500 chez Technis). Quant aux 500 salariés restants, ils ne seront pas licenciés mais proposés à d’autres entités du groupe, assure la SNCF. “C’est très dur pour les cheminots” a reconnu le président de Rail Logistics Europe, Frédéric Delorme.

Le processus prévoit également l’abandon à la concurrence de 23 liaisons ferroviaires de fret. Ce projet perçu comme une « liquidation » a provoqué la colère des salariés du secteur, fermement opposés à ce projet : « Alors que l’urgence climatique nécessite le développement du ferroviaire comme solution bénéfique à tous, le gouvernement choisit le pire. » a critiqué l’intersyndicale. Et pour dénoncer « les conditions sociales des cheminots [qui] se détériorer alors que la concurrence, carburant du dumping social, s’accentue.»

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Pourquoi Fret SNCF a-t-elle rencontré des difficultés ?

Le secteur du fret, dont Fret SNCF représente l’acteur historique et dominant, connaît depuis plusieurs années des difficultés structurelles. Parmi ceux-ci : la concurrence des trains de voyageurs, qui monopolisent les rails le jour, et les travaux de maintenance la nuit, qui limitent l’activité ; le fardeau de l’entretien du réseau ferroviaire vieillissant en France, qui met à rude épreuve les budgets et la rentabilité de l’entreprise. “Nous avons investi dans le TGV, c’était la grande priorité, alors que les lignes classiques comme Clermont-Limoges-Toulouse étaient laissées de côté, et quand elles se dégradent pour les voyageurs, elles se dégradent aussi pour le fret”souligne Patricia Perennes, économiste spécialisée dans le transport ferroviaire et consultante au sein de la société de conseil Trans-Missions.

Illustration de cette équation impossible, ces dernières années, la SNCF a fermé ou réduit très significativement des capacités sur des liaisons de fret financièrement non viables. Ainsi Volvic-Mont-Dore dans le Puy-de-Dôme, une ligne vétuste de 55 kilomètres exclusivement exploitée par un fournisseur Volvic. Son entretien coûte à la SNCF 1,2 million d’euros par an, pour seulement 23 000 euros de recettes.

Par ailleurs, comme le soulignait en 2021 le ministre chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, lors de la présentation d’un plan de soutien au fret ferroviaire, la perte du monopole de l’opérateur historique a compliqué les choses :

« L’ouverture du secteur à la concurrence (…) a entraîné en France une déstabilisation de l’opérateur historique Fret SNCF, accompagnée de comportements non coopératifs entre acteurs (…). La libéralisation du secteur s’est ainsi révélée plus rapide et plus forte que la moyenne européenne, mais cela s’est fait largement au détriment du développement global de la part modale du fret ferroviaire. »

Enfin, le rail est confronté à la concurrence frontale du fret routier. Celui-ci est plus simple d’utilisation, avec son fin réseau d’autoroutes et de routes, et la possibilité de livrer à l’adresse précise. Il convient davantage aux denrées périssables ainsi qu’aux petits colis, qui deviennent de plus en plus nombreux avec l’explosion de la livraison à domicile par Amazon et autres. Le train est plus adapté aux matériaux lourds – poutres d’acier, céréales, bois, charbon, etc. “Quand un pays se désindustrialise, naturellement, il y a moins d’activités pour le ferroviaire”note Mmoi Perennes – une spécificité française, par rapport à l’Allemagne.

Le fret routier est également considéré comme plus fiable, car il est moins sujet aux retards et aux dommages matériels. Elle bénéficie également d’aides de l’État, comme des subventions au diesel et des aides à la conversion des flottes de camions à l’électricité, qui la rendent plus compétitive, dénonce l’Association ferroviaire française.

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Vers une relance du fret ferroviaire ?

Pour atteindre les objectifs fixés de décarbonation des transports inscrits dans la loi Climat et résilience de 2021, le gouvernement entend doubler la part des marchandises transportées par rail d’ici 2030.

Les experts du secteur notent un changement de culture chez certaines entreprises soucieuses de réduire leur empreinte carbone, qui pourraient donc plus facilement se tourner vers le fret et ainsi le relancer. Ce qui implique « qu’ils puissent se tourner vers des opérateurs performants, avec des infrastructures rénovées »note l’économiste Mmoi Perennes, soulignant que le fret se porte très bien aux Etats-Unis.

Toutefois, la restructuration actuelle risque d’aboutir d’abord à « une déstabilisation du secteur, qui inquiète le secteur depuis son annonce »relève l’ancien député communiste Hubert Wulfranc, rapporteur de la commission d’enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire en 2023. A commencer par l’incertitude autour de la période de transition liée à l’abandon des 24 principales liaisons ferroviaires à la concurrence allemande et belge notamment.

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Guillaume Audureau, Iris Déroeux et Asma Maad

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