A l’approche du départ du Vendée Globe dimanche, des centaines de milliers de marins virtuels se préparent à prendre part à la course à travers Virtual Regatta, un jeu de simulation qui ne cesse de croître depuis son lancement en 2008. En 2020, il avait attiré un millions de participants avant d’être racheté par le leader mondial du bridge en ligne quelques mois plus tard.
Le jeu fait désormais partie du package de presque tous les adeptes du Vendée Globe. Pour la cinquième fois, Virtual Regatta permettra à plusieurs centaines de milliers de marins virtuels de participer à la course au large en solitaire qui débutera ce dimanche aux Sables-d’Olonne.
Le principe est simple : une inscription sur le site, un petit package de départ, un bateau et des conditions météo quasi similaires à celles des 40 skippers au départ. Le but : faire le tour du monde le plus rapidement possible en choisissant la meilleure trajectoire, les voiles les plus adaptées et en trouvant les zones les plus ventées. Le tout derrière votre smartphone ou votre ordinateur.
Les chiffres et les partenariats ont doublé
Lancé en 2006 par Philippe Guigné, créateur de la société Manyplayers en 2002, le jeu a accueilli plus d’un million de participants lors de la dernière édition en 2020-2021. “C’est le record du monde absolu de joueurs réunis dans un même jeu vidéo, et c’est un jeu de voile, c’est quand même fou”, hallucine encore le fondateur.
Ce coffret lui a permis de vendre son bébé à 52 Entertainment, leader mondial du bridge en ligne pour un prix « confidentiel » en 2021. Il lui permet désormais de « profiter » de la vie, son objectif.
« Je suis vraiment branché en tant qu’entrepreneur », poursuit-il.
« Quand j’ai créé cette entreprise, l’objectif était de la vendre et d’arrêter de travailler. Quand j’avais la bonne fenêtre, c’est ce que j’ai fait. Aujourd’hui, je me spécialise davantage dans les échecs, le tennis, je cours, je navigue. Sur un vrai bateau, sa passion.
A sa sortie du navire Virtual Regatta, le vainqueur du Tour de France à la Voile en 1997 employait entre dix et quinze personnes. Aujourd’hui, 20 collaborateurs sont chargés d’assurer la croissance continue du nombre de participants. Un plébiscite a priori surprenant pour un sport habituellement suivi de manière plutôt confidentielle.
Mais la fascination des téléspectateurs pour cette grande épopée du Vendée Globe opère. La facilité du jeu aussi. «C’est très bien et très simple», explique Guigné. « Le principe de faire la même chose en termes de routage que les marins, d’avoir une vraie météo, une vraie cartographie, un bateau qui a des performances qui correspondent à celles du monde physique, est très riche. L’espèce Le miracle, c’est qu’on a réussi à faire simple.”
Le million grâce aux confinements
Il vante son côté universel où les marins professionnels côtoient une grande majorité de novices en voile. «Nous avons réussi à faire quelque chose qui plaise à tout le monde», explique le fondateur. « D’un côté, il y a « Madame Michu » dans le Cantal qui n’a jamais été sur un bateau de sa vie, et de l’autre Armel le Cléac’h qui a remporté le Vendée Globe. Et tous ces gens jouent au même jeu. 50% de nos joueurs déclarent ne jamais naviguer. Après, il y a le Vendée Globe qui est super puissant, c’est un super événement, très fédérateur, beaucoup de monde suit la course. le jeu. »
Pour l’édition 2024-2025, le défi s’annonce relevé pour la nouvelle équipe en charge du projet. Techniquement d’abord avec une « plateforme repensée à 70 % », explique Tom Gauthier, directeur général et l’un des trois salariés restés après le rachat. Mais aussi en termes d’objectifs avec la barre du million toujours en ligne de mire, mais pas aussi facile à atteindre malgré cette croissance insolente. « 2020 a été une année de pandémie avec des confinements et couvre-feux successifs », souligne Tom Gauthier.
« La notion de liberté prenait tout son sens pour ceux qui voulaient s’évader un peu, poursuit-il.
« Une grande partie de l’industrie du jeu vidéo a globalement bénéficié d’une forte augmentation de son audience. Nous avons un peu surfé sur cette vague. Cela nous a apporté une notoriété supplémentaire, il ne faut pas le cacher. En 2020, nous avons mis la barre assez haute et c’est encore un petit défi de réussir à atteindre le cap du million cette année.
Cinq jours avant le départ, plus de 170 000 personnes s’étaient inscrites au jeu, un chiffre qui augmente chaque jour et qui va exploser dimanche. Il continuera à croître après le départ puisque les nouveaux arrivants pourront rejoindre la course à tout moment. Ils pourront côtoyer des équipes de gamers ou de marins confirmés.
Plusieurs anciens vainqueurs du Vendée Globe et personnalités médiatiques y ont participé il y a quatre ans. Cette année, cinq participants à la Solitaire du Figaro ont pour l’instant prévu de s’aligner au départ. Virtual Regatta peut aussi être une porte d’entrée vers la vraie voile comme ce fut le cas pour Basile Buisson, qui est passé du virtuel à la « vraie » Transat Jacques-Vabre.
Un film sur un joueur de Virtual Regatta depuis son bateau… dans le jardin
Cette popularité attire inévitablement les partenaires. Avant d’être rachetée, l’entreprise s’était déjà associée à la Fédération mondiale de voile pour proposer toutes les courses Offshore (au large) et Inshore (côtières), comme les régates des derniers Jeux Olympiques de Paris 2024. « Le CIO avait déclaré publiquement que le partenariat entre la World Sailing Federation et Virtual Regatta était un exemple à suivre pour les autres éditeurs et fédérations de jeux », se vante Philippe Guigné. “C’est l’un des plus gros succès des jeux labellisés CIO aujourd’hui.”
Une notoriété qui contribue à augmenter la valeur de l’entreprise. Selon les données du site Pappers, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de plus de trois millions d’euros (3.259.082 euros) en 2021 à l’issue de l’édition remportée par Yannick Bestaven. Il était en baisse l’année suivante (2 638 402 euros en 2022) sans course.
L’acquisition a permis d’allouer des ressources supplémentaires à la gestion stratégique des partenaires, dont le nombre a doublé en trois ans. « Nous avons aujourd’hui davantage de personnes dédiées à cela dans l’entreprise, explique Tom Gauthier. « Nous avons des partenariats assez variés et plutôt sympas. » Il cite les opérations avec Panini, la chaîne YouTube Legend et une grande partie des sponsors du bateau.
Mais aussi avec Pathé dans le cadre de la sortie du film La Vallée des Fousce mercredi. Le long-métrage raconte l’histoire d’un passionné de voile criblé de dettes qui décide de s’isoler pendant trois mois sur son bateau… dans son jardin pour participer au Vendée Globe par procuration à la barre de Virtual Regatta. Quand le virtuel ne semble jamais aussi réel.
Nicolas Couet Journaliste RMC Sport