Faut-il faire payer l’entrée à Notre-Dame de Paris ?

Faut-il faire payer l’entrée à Notre-Dame de Paris ?
Faut-il faire payer l’entrée à Notre-Dame de Paris ?

Nous sommes le 25 octobre. Plus qu’un mois avant la réouverture, le 7 décembre, de l’église ravagée en 2019 par un incendie spectaculaire. La personne grièvement blessée a été soignée. Le public retrouvera Notre-Dame. Mais quelque chose pourrait bientôt changer dans sa relation avec la cathédrale. Rachida Dati, ministre de la Culture, a indiqué dans un entretien au « Figaro » qu’elle souhaiterait la mise en place d’un prix « symbolique » (5 euros) pour les visites touristiques, hors messes et offices.

40 000 visiteurs par jour

La cathédrale attire environ 40 000 visiteurs par jour, 75 millions d’euros par an pourraient ainsi être récoltés. Cette manne serait orientée vers « un grand plan de sauvegarde du patrimoine religieux » et permettrait de « sauver les églises de » – 5 000 d’entre elles sont jugées en très mauvais état. Rappelons que, depuis la loi de 1905, les églises construites avant cette date, en grande majorité, relèvent de la responsabilité des communes. Quant aux cathédrales, c’est l’État qui en est propriétaire.

Devant Notre-Dame, la proposition de Rachida Dati suscite plus de réserves que d’adhésions. « C’est bien plus qu’une église. C’est un monument qui fait partie de notre histoire commune. Quelque chose ne me plaît pas dans l’idée de l’entrée payante», constate Isabelle Laplace, vendeuse en Vendée, «plutôt croyante mais pas pratiquante», qui aime flâner dans les églises «pour le patrimoine mais aussi pour sentir se ressourcer, se ressaisir. « Si on met en place une billetterie, ce n’est plus le même esprit », estime-t-elle. Nous entrons dans une approche plus mercantile. »

Aurélie Bleuton, professeur en Saône-et-Loire, juge que « l’entretien des sites patrimoniaux importants devrait plutôt relever de la responsabilité de grands mécènes ». “Cinq euros, ce n’est pas une somme énorme”, dit-elle, “mais si on y ajoute 13 euros pour la Sainte-Chapelle, entre 15 et 20 euros pour chaque grand musée… Notre-Dame est l’une des rares places encore gratuites dans une capitale”. où tout est de plus en plus cher. » Lorsqu’on leur a demandé s’ils accueilleraient favorablement une telle évolution, Charlie et son épouse, deux retraités allemands, ont répondu un « nein » définitif : « Une question de principe : une église ne doit pas facturer d’argent », selon ces deux chrétiens pratiquants.

« Je sais, pour l’avoir observé chez moi en Normandie, que l’entretien des édifices religieux pèse lourdement sur le budget communautaire. Mais je pense aussi que les gens devraient pouvoir accéder gratuitement à un lieu de culte », explique un étudiant en agrégation de physique. Fredy, un Péruvien de 20 ans, abonde dans le même sens : « Il est normal que les touristes contribuent au maintien d’un site exceptionnel. »

Pariez deux diocésains

Dans le domaine politique, l’idée, déjà défendue il y a quelques années par Stéphane Bern, a reçu le soutien immédiat du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, de la présidente de la Région Île-de-France Valérie Pécresse, ou encore de Laurent Lafon ( Union centriste), président de la commission culture du Sénat, qui souhaite que la réflexion soit étendue à d’autres cathédrales parmi les 87 que compte le pays, « comme Reims, Chartres ».

En revanche, le diocèse de Paris a réaffirmé sa franche opposition, soulignant que la mission de l’Église catholique est « d’accueillir sans condition tout homme et toute femme » et qu’« à Notre-Dame, pèlerins et visiteurs n’ont jamais été distingués ». Les services sont célébrés pendant les visites, et les visites se poursuivent pendant les services.

Le diocèse invoque également la loi de 1905 dont l’article 17 précise : « La visite des édifices doit être publique » et « ne donner lieu à aucun impôt ou redevance ». Le diocèse n’est certes pas propriétaire, mais il est propriétaire de la cathédrale. Son veto est donc tout sauf secondaire.

L’exemple italien

“Sans l’accord du clergé, une telle idée ne peut aboutir”, a déclaré, rejoint par “Sud Ouest”, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, co-rapporteur d’une mission sénatoriale sur l’état du patrimoine religieux. Il voit dans la proposition de Rachida Dati « une opération de communication difficile à appliquer ». « Il faudrait modifier la loi de 1905, entrer en bras de fer avec l’épiscopat, organiser une billetterie, recruter des agents, ériger des barrières dans la nef de Notre-Dame pour séparer les touristes des croyants… »

Rachida Dati souligne que « partout en Europe, l’accès aux édifices religieux les plus remarquables est payant ». Par exemple en Italie, en Espagne. Pierre Ouzoulias nuance : « En Italie, ce qui n’est souvent pas gratuit, c’est l’accès à certaines parties exceptionnelles comme les cryptes, les cloîtres, les « Trésors »… D’ailleurs, à Notre-Dame, les deux visites sont déjà payantes. »

Selon lui, le problème numéro un dans l’entretien du patrimoine religieux n’est pas nécessairement l’argent mais « un manque d’ingénierie culturelle » : « Les mairies, notamment dans les zones rurales, où de nombreuses églises tombent en ruine. , ont trop peu de temps et de personnel pour monter des projets de restauration, rechercher des financements, trouver des architectes… Il faut les accompagner dans ces démarches. »

Début octobre, Rachida Dati a annoncé son intention de faire classer la Tour Eiffel aux monuments historiques. Fin octobre, nouvelle déclaration très discutée, cette fois sur la cathédrale. “La ministre est en campagne…” juge une élue de gauche, rappelant les ambitions municipales dans la capitale de celle qui est aussi maire du VIIe.e arrondissement.

 
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