Émanations et peurs du cancer au laboratoire de l’hôpital de Drummondville

Émanations et peurs du cancer au laboratoire de l’hôpital de Drummondville
Émanations et peurs du cancer au laboratoire de l’hôpital de Drummondville

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans les murs du laboratoire de Drummondville. Mardi, une réunion du département convoquée sur un tout autre sujet aurait été monopolisée par la question, alors que les travailleurs avaient reçu la veille le rapport de contrôle dans leur boîte email, sans aucune autre forme d’explication, relate le syndicat. “Il y a des filles qui pleuraient”, raconte l’une d’elles.

Un médecin qui côtoie l’équipe du laboratoire, mais qui préfère taire son nom, témoigne du sentiment de désarroi qui s’est abattu sur le service en début de semaine.

« Ces gens sont très inquiets. Ils m’ont parlé, ils avaient les larmes aux yeux, ils étaient découragés… Ils disent “On se force, on travaille dur pour diagnostiquer les cancers”, parce que c’est en pathologie qu’ils regardent à la loupe, ” Là, on se rend compte que ça est-ce nous qui [sommes] A risque… On se sent délaissés, on se sent abandonnés »… C’est vraiment l’émotion qui s’est dégagée.

— Un médecin proche de l’équipe du laboratoire hospitalier de Drummondville.

Le problème de la table de macroscopie était un dossier connu et documenté par l’APTS, un syndicat qui représente les travailleurs (surtout) du laboratoire. Il apparaît que la partie équipement, installée en 2014, n’a jamais reçu de certification du Bureau québécois de normalisation (BNQ), selon la chronologie des événements que dresse le syndicat.

Au fil des années, les travaux de « certification » des équipements ont été constamment rejetés. C’est en octobre 2023, lors d’une visite d’inspection, que le BNQ aurait expliqué que la table n’avait jamais reçu son sceau de certification, poussant l’établissement à prioriser le dossier.

Selon la visite, toujours selon le récit syndical, des tests d’émanation de formaldéhyde-ou formol, dans le jargon hospitalier-auraient été commandés par le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, pour obtenir une certification. Fin janvier 2024, le prélèvement révèle que les fumées sont importantes.

Une nouvelle firme est donc mandatée pour piloter une deuxième batterie de tests, pilotés au moyen de bandelettes colorimétriques. En mars 2024, le deuxième contrôle a confirmé que les émanations sont élevées, sans toutefois dépasser les normes maximales prescrites. Le dispositif de ventilation de la table est représenté au doigt. Les tests sont cependant ponctuels, souligne le syndicat, qui soutient qu’une enquête plus précise est nécessaire.

Masques « en attente »

Le rapport de mars 2024 recommande de relever la table « de la capacité » et, en attendant, d’utiliser les équipements de protection individuelle. Un masque à cartouche est recommandé.

Cependant, le port prolongé du masque va lui-même générer de nouveaux problèmes. Sa lourdeur provoque des douleurs au cou, au point que les travailleurs se retrouvent même à l’écart. Deux d’entre eux sont, ou auraient été, en arrêt de travail en lien avec les équipements de protection.

Le syndicat soutient que les gestionnaires prendront l’initiative de recommander aux travailleurs de ne pas porter le masque lorsque les interventions sont faites sur de petits échantillons et que les émanations de formaldéhyde apparaissent moindres. De plus, on leur suggère de changer les cartouches «quand ça sent, ou quand on a du mal à respirer», déplore la présidente régionale de l’APTS, Claudia Roy, qui indique que le fabricant recommande cependant son remplacement selon une grille précise et définie. .

Pour pallier aux problèmes liés aux masques à cartouches, des équipements cagoulés sont envisagés, mais la mesure ralentirait la mise en place et ne résoudrait pas les problèmes de ventilation. (CIUSSS MCQ)

Des équipements de type « cagoulés », plus légers et plus ergonomiques, ont été envisagés, mais la mesure tarde à se mettre en place. Il n’en reste pas moins que si ce sont les masques qui ont d’abord préoccupé le syndicat, les derniers tests d’émanation viennent de donner à l’ensemble du dossier un caractère on ne peut plus dramatique et urgent.

De son côté, le médecin qui s’est confié affirme que les travailleurs du laboratoire ont été victimes de fréquents maux de nez et de maux de tête avant l’utilisation des masques. Les symptômes sont répertoriés sur la fiche de signalisation du formaldéhyde, précise le professionnel. « Quand ils rapportaient, ils faisaient « Ah ! D’accord! », dit-il.

Deux à trois fois la norme

En septembre 2024, le CIUSSS avise le syndicat que des travaux ont été effectués sur la table de macroscopie, et que sa capacité de ventilation a été notamment améliorée. Cependant, une nouvelle série de tests est attendue depuis longtemps.

Fin novembre, une entreprise a entrepris une nouvelle tournée d’inspection et constate déjà, de manière informelle, que « les émanations sont élevées », affirme le syndicat. L’enquête sera plus approfondie et s’étalera sur des quarts entiers de travail.

Mi-décembre, dans l’attente des nouveaux résultats de l’enquête, le syndicat aurait été informé que l’appel d’offres pour une nouvelle table de macroscopie était suspendu, « en raison de restrictions budgétaires ».

Mi-janvier, un rapport préliminaire du dernier rapport d’inspection constate que les émanations de formaldéhyde “sont au-delà des limites applicables et acceptables”.

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En début de semaine, le rapport final est envoyé aux travailleurs. Ils apprennent alors que les émanations dépassent parfois deux à trois fois les normes maximales prescrites sur certains postes de travail.

A défaut d’utiliser un appareil de ventilation mieux adapté à la manipulation du formaldéhyde, le rapport recommande notamment le port d’équipements de protection pour tous les travailleurs du laboratoire, et pas seulement pour ceux travaillant à la table de macroscopie.

Aussi, comme on ne connaît pas la configuration du système de ventilation de l’ancien hôpital, le rapport recommande de « s’assurer que le système de captage local est conçu de manière à ce que l’air aspiré soit rejeté à l’extérieur ».

Dans l’inconnu, nous préconisons également un prélèvement d’air des locaux adjacents, “pour déterminer si le formaldéhyde y migre par les grilles de transfert et ainsi vérifier le risque pour les occupants de ces locaux”.

“Va voir ton médecin”

«Nous n’aurions jamais dû utiliser cette table non certifiée», a déclaré Véronique Neth, représentante nationale de l’APTS pour la Mauricie-et-le-Centre-du-Québec.

Pour ajouter à sa colère, des vérifications faites par le syndicat depuis le dernier rapport diffusé selon lequel le maintien du filtre de la table de macroscopie n’aurait pas été fait en 2020 ou 2022, appuie l’APTS.

Véronique Neth, représentante de l’APTS pour la Mauricie-Centre-du-Québec, soutient que la situation vécue à Drummondville est symptomatique d’une réorganisation des laboratoires qui prévaut dans le réseau de la santé depuis des années. (Stéphane Lessard/Archives Le Nouvelliste)

On ne saura peut-être jamais si les tests effectués depuis novembre reflètent des dépassements qui s’étalent sur les dix dernières années. Mais les tests ponctuels menés dans la durée et la négligence apparente quant à l’entretien du matériel ne sont pas rassurants, s’inquiète le syndicat. Une enquête plus approfondie et la certification de la table de macroscopie ont été repoussées depuis trop longtemps, déplore-t-il encore.

Aussi l’APTS recommandait-elle à ses membres de consulter leur médecin, ne serait-ce que pour laisser une trace, si des lésions professionnelles venaient à se révéler dans les mois ou les années à venir.

Véronique Neth dit ne pas vouloir soulever un vent de panique, mais avance que “depuis des années, la réorganisation des laboratoires entraîne une dégradation des équipements et des installations”, ce qui compromet la sécurité du personnel et la qualité des soins, selon elle. sens, et ce, dans toutes les installations du réseau.

Selon nos informations, une demi-douzaine d’ouvriers travailleraient directement à la table de macroscopie, en plus de ceux qui gravitent autour.

The Ciusss comments

Appelé à réagir à la situation, le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec nous a fait parvenir une réaction écrite en fin de soirée.

« Nous avons lu le récent rapport demandé au cabinet Gesfor qui rapporte la qualité de l’air au laboratoire d’Anatomie de l’Hôpital Sainte-Croix. Le CIUSSS MCQ a demandé ce rapport pour s’assurer que les moyens de contrôle mis en place pour la qualité de l’air étaient adéquats », écrit le service des communications de l’établissement, qui précise que « la santé et la sécurité de nos employés sont une priorité ».

Il est également confirmé que plusieurs analyses ont été réalisées au fil des années, en lien avec la qualité de l’air du laboratoire en pathologie.

Selon les analyses, le CIUSSS maintient avoir peaufiné ses processus « afin d’assurer la qualité du milieu de travail de nos employés. De manière préventive, tous les salariés ont été formés afin d’apporter adéquatement les équipements de protection individuelle ».

Il semblerait que des mesures aient été prises pour moderniser les équipements de laboratoire. On ne précise pas ce qu’il advient de l’appel d’offres pour une nouvelle table de macroscopie qui aurait été suspendu, selon le syndicat.

 
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