A Orp-Jauche, on peint avec la lumière

Jan Goris crée des vitraux de formes et de couleurs variées. ©cameriere ennio

Le moulin ou les Beaux- ?

Sur la table en bois, le noir de jais côtoie l’ambre et le vert irisé. Plongé dans un calme quasi monacal, le sexagénaire s’affaire à relier les différentes pièces de verre colorées à sa disposition. Le geste se révèle minutieux, le regard aiguisé. Pour cause : Jan Goris peaufine cette minutie depuis plus de deux décennies.

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En 1977, ce passionné de peinture quitte l’école pour entrer à l’université. “Mon père travaillait comme meunier au moulin et il a refusé de me laisser entrer à l’Académie des Beaux-Arts. Il voulait que j’aille à l’université», se souvient-il. Bon gré mal gré, l’adolescente étudie la littérature et les langues germaniques. Il termine ses études en 1982 à l’UCLouvain. Son diplôme en main, cet esthète dans l’âme peut (enfin) s’adonner à votre passion.Pendant sept ans, j’ai suivi des cours du soir aux Beaux-Arts de Bruxelles. 18h à 21h, du lundi au jeudi. J’ai dû rattraper quatre années d’apprentissage classique», explique-t-il.

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Jan Goris travaille dans sa maison de campagne dans un petit atelier qu’il a créé. ©cameriere ennio

Parallèlement, Jan Goris jongle à temps partiel avec l’enseignement du néerlandais et de l’anglais à Bruxelles. Adepte de la peinture à l’huile, ainsi que du langage de Vondel et de Shakespeare, le monde du vitrail reste encore aujourd’hui un véritable terre inconnue pour l’artisan. En 1998, alors qu’il vivait et enseignait à Woluwe-Saint-Pierre, un ami l’entraîna à une conférence. “Je voulais y retourner, mais il a insisté pour que je reste. Il y a eu une présentation des peintures de Chagall. Ils ont montré comment ils avaient transposé ses œuvres en vitraux», se souvient-il.

Révélation. Éblouissement. Jan Goris découvre « des peintures faites de lumière ». Le soir même, en rentrant chez lui, il ouvre rapidement un annuaire téléphonique et appelle Antwerp Artistic Glass, un spécialiste du verre basé en Flandre, pour prendre des cours. Le rendez-vous est fixé : Jan Goris commence – le lendemain – son apprentissage dans la cité du diamant.

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Lumière pure

Depuis, il reçoit des commandes pour des particuliers, des églises et des écoles. La taille de ses vitraux varie des vasistas (petite fenêtre fixée dans une porte, NDLR) à des assemblages de plusieurs mètres. Dans cette deuxième catégorie, on retrouve notamment la paroisse Sainte-Alix, au cœur de Woluwe-Saint-Pierre, rénovée à l’occasion de son 60e anniversaire.

Le mode opératoire d’Orp-Jauchois ? S’appuyer d’abord sur son premier amour : la peinture. “A chaque fois, je pars d’une image que j’ai créée à la gouache. Ensuite, je le reproduis en vitrail en plaçant une couche dessus.explique-t-il, pince à la main. Parfois des modifications ou des adaptations émergent. “Certains clients demandent uniquement du bleu, d’autres des formes très spécifiques. Mais le plus souvent, j’ai carte blanche

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« À chaque fois, je pars d’une image que j’ai créée à la gouache. Ensuite, je le reproduis en vitrail en plaçant une couche dessus. ©cameriere ennio

Ici, il n’existe pas de dessin symétrique dont les lignes droites représentent des formes connues. A mi-chemin entre l’art nouveau et les peintures de Kandinsky, l’artisan adopte un style abstrait, parfois loin de l’iconographie religieuse rigide des vitraux. “Je ne fais pas forcément du travail figuratif. C’est toujours une surprise, pour les clients et pour moi.dit-il en réajustant ses longues mèches blanches qui lui tombent sur les épaules.

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L’improvisation joue également un rôle crucial. S’il manque une pièce rose, Jan Goris n’hésite pas à se détourner de son modèle initial et à puiser dans d’autres nuances. Comme tout maître verrier, il a cependant une signature : placer des morceaux de verre blanc transparent permettant à des fils de lumière pure de s’échapper du magma des couleurs. Selon lui, «ce processus attire automatiquement le regard« .

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Jan Goris commence toujours ses créations par une peinture. ©cameriere ennio

Woluwe, le Pérou et les petits

Sans doute lassé du tumulte de la capitale, il s’installe à Mons avant de s’exiler au Pérou entre 2010 et 2015. Sur les terres de l’ancien empire inca, il réalise une immense création pour le Fleur Lodge, un hôtel niché dans les courbes rocheuses. Carhuaz. “J’ai mis le verre dans mes valises et je suis parti pour le Pérou. Seuls trois fragments ont été endommagés», se souvient-il.

De retour d’Amérique du Sud, il revient s’installer dans son village d’enfance d’Orp-Jauche, aux confins du Brabant wallon. C’est depuis son modeste atelier, entouré de son lapin et de son chien, que ce vitrailliste à la retraite réalise désormais ses œuvres.

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Jan Goris est également peintre. ©cameriere ennio

Une œuvre d’art, mais qui ne néglige pas la récupération. Il faut dire que l’homme suit scrupuleusement les préceptes de Lavoisier : rien ne se perd, tout se transforme. Ainsi, il stocke aussi bien des petits éclats que de grandes plaques de verre Kokomo. “J’achète de grandes feuilles, puis je les découpe. Petit à petit, les morceaux rétrécissent. Mais je ne jette rien, je réutilise. Les chutes sont également utilisées», insiste le sexagénaire.

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Repos!

Adossé à une fenêtre, Jan Goris arrange les nuances de couleurs. Une fois la mosaïque remplie, il doit relier les pièces avec du plomb ou du cuivre (aussi appelé Tiffany). Les différents matériaux n’ont pas seulement une utilité pratique. Ils modifient également le rendu final des vitraux. “Le plomb donne un caractère plus contrasté. Au contraire, jeLes bandes de cuivre ont une finition assez fine», raconte l’artisan. Une fois cette étape réalisée, il ne reste plus qu’à insérer le mastic. Suivent ensuite deux mois de repos pour solidifier la vitrine.

De son propre aveu, ce travail minutieux lui apporte «respiration et calme“, loin de”l’agitation“et toi”stresser“de sont”ancien travail d’enseignant« . Lorsqu’il observe ses créations, Jan Goris sourit vivement. Les croyances populaires sont en effet fausses : à Orp-Jauche, le verre brisé semble porter chance.

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« Le plomb donne un caractère plus contrasté. Les bandes de cuivre, en revanche, ont une finition plus fine. ©cameriere ennio
 
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