Un rat Banksy volé à Paris au cœur d’un procès surréaliste

Un rat Banksy volé à Paris au cœur d’un procès surréaliste
Un rat Banksy volé à Paris au cœur d’un procès surréaliste

Un procès lunaire s’est ouvert ce lundi 10 juin à Paris. L’objet du crime : un rat masqué par un bandana et armé d’un cutter, que possédait le célèbre street artiste britannique Banksy réalisé au pochoir à deux pas du Centre Pompidou, au dos d’un panneau indiquant l’entrée d’un parking. Actuellement jugé pour le vol de cette œuvrequi avait été découpée à la meuleuse en pleine nuit début septembre 2019 par un homme juché sur un camion nacelle de location, le prévenu, un certain Mejdi R., artiste de 38 ans originaire du Val-d’Oise, assure se défendre d’avoir volé le rongeur à la demande de Banksy lui-même !

Ce ne serait pas la première fois qu’un voleur, profitant du fait qu’il s’agissait d’un acte illégal dans un espace public (et n’appartient donc en théorie à personne), découperait une œuvre de Banksy se l’approprier et le vendre au prix fort. Ainsi, son célèbre Rat fronde, réalisée au milieu des années 2000 sur une dalle de béton au pied du mur de séparation entre Israël et la Palestine, avait été découpée et exfiltrée pour être vendue, malgré son poids de 400 kg. De même, le Fille tristeréalisée en 2018 en hommage aux attentats du 13 novembre 2015 contre la porte du Bataclan à Paris, a été volée en 2019. Fin 2023, une autre de ses œuvres, graffée sur un stop anglais, a également été récupérée quelques heures après. sa réalisation.

Un vol à la demande de Banksy ?

« J’ai fait ça pour rendre service. Dans le monde du graffiti, on se rend service. »

Mejdi R.

Le visage caché (comme le rat au pochoir !) par un masque chirurgical noir, Mejdi R. jure cependant que ce n’est pas ce qui s’est passé avec le rongeur de Beaubourg. Retrouvé grâce à un témoin qui l’a vu retirer d’un véhicule la plaque d’immatriculation utilisée pour remplacer celle du camion nacelle la nuit du vol (tel que rapporté par Le Parisien dans son article du 10 juin) et inculpé en février 2020l’accusé a assuré avec confiance au tribunal être un ami de Banksyqu’il aurait rencontré en 2009, et d’avoir agi à sa demande par l’intermédiaire d’un collectif d’artistes proches de lui, pour que ce rat lui soit offert en Angleterre.

« J’ai fait ça pour rendre service. Dans le monde du graffiti, on se rend service », plaide-t-il naïvement, ajoutant qu’il n’a jamais eu le rat entre les mains, et ne sachant pas où il est aujourd’hui. Après l’opération, une « équipe » anglaise serait venue récupérer l’œuvre porte des Lilas, indique-t-il. « Banksy ne vous a même pas indemnisé, alors que vous comparaissez devant le tribunal ? Pas très gentil de la part de votre ami », a plaisanté l’un des juges. “Je vais transmettre”, a répondu le prévenu !

Le rat au cutter de Banksy derrière le Centre Pompidou, Paris2019

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Mais pourquoi Banksy lui confierait-il cette mission ? Selon l’accusé, le street artiste aurait voulu “reprenez votre travail avant qu’il ne soit volé”pour empêcher les gens d’en profiter, et a également cherché par cet acte à « dénoncer l’hypocrisie du système capitaliste qui dit quelle œuvre a de la valeur et laquelle n’en a pas.

Le déni de Banksy

Audacieuse, cette improbable stratégie de défense s’avère plutôt astucieuse. En effet, Banksy travaille toujours à préservez votre anonymat (à l’exception de quelques complices, personne ne sait qui il est depuis ses débuts dans les années 1990), l’artiste ne viendra pas à la tribune pour le contredire. Par ailleurs, comme le rappelait l’avocat de l’accusé, le Britannique s’était déjà illustré en 2018 en prévoyant, grâce à un mécanisme caché dans le cadre, l’autodestruction d’une de ses œuvres dès son achat dans une maison de vente aux enchères : n’est-ce pas la preuve qu’il serait capable de financer la dégradation et le retrait de sa propre œuvre pour critiquer le système ?

Mejdi R. semble cependant avoir oublié que Banksy, malgré son anonymat, s’exprime beaucoup sur internet et de temps en temps dans les médias par l’intermédiaire d’intermédiaires. Le célèbre street artiste britannique a rapidement démenti la version de l’accusé dans un communiqué envoyé par son attaché de presse à plusieurs journaux français.

Un procès qui interroge le statut juridique du street art

“Personne n’est en mesure de dire à qui appartient cette propriété […] le graffiti est un art sauvage. »

Maître Pierre-Eugène Burghardt

Avec malice, l’accusé a également tenté de jouer sur l’attitude ambiguë des pouvoirs publics à l’égard du street art, et sur la statut juridique fragile de ces œuvresarguant que, en tout état de cause, les « graffitis dans la rue », réalisés illégalement dans l’espace public, “n’a aucune valeur” et n’appartiennent à personne. “Personne n’est en mesure de dire à qui appartient cette propriété […] le graffiti est un art sauvage», a ajouté son avocat, Maître Burghardt.

Cependant, plusieurs éléments jouent en défaveur de Mejdi R., comme mouvements d’argent suspects avant le vol du rat, une Mercedes et montres de luxe saisies à son domicile lors d’une perquisition, et une annonce (une simple « blague », assure-t-il !) qu’il avait postée sur leboncoin, mettant en vente pour 50 euros une photo du portail volé du Bataclan – vol pour lequel huit hommes ont été condamnés en 2022.

530 000 euros d’indemnisation réclamés par le Centre Pompidou

Selon les propos de Banksy lui-même publiés sur son compte Instagram, le célèbre rat de Beaubourg a rendu hommage, “cinquante ans après la révolte de mai 1968”, à la ville de “Paris, berceau de l’art moderne du pochoir”. Estimant que ce rongeur rebelle, comme l’œuvre du « Pablo Picasso du street art », a un valeur indéniableque sa disparition a provoqué un “émoi” important dans l’opinion publique, et que le voleur était simplement “à la recherche du million”, a déclaré le procureur Pierre-Alain Abadia requis 18 mois de prison dont 10 peines avec sursis et 50 000 euros d’amende à l’encontre de Mejdi R.

Une somme à laquelle pourrait s’ajouter les 530 000 euros d’indemnisation (dont 30 000 pour atteinte à l’image) réclamés par le Centre Pompidou qui, avant le vol, avait pris soin de protéger les graffitis avec une plaque de plexiglas, et estime en avoir la « propriété matérielle ». Mais est-ce vraiment le musée ou la ville qui en est propriétaire ? Peut-on condamner Mejdi R. pour autre chose que la simple dégradation d’un panneau ? Le tribunal criminel prendra sa décision le 19 juin. Une conclusion attendue, qui pourrait faire date dans l’histoire du street art !

 
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