Depuis le passage dévastateur du cyclone Chido sur Mayotte le 14 décembre, Estelle Youssuffa est devenue incontournable dans les médias. Logique : la Mahoraise de 46 ans représente la première circonscription de l’archipel à l’Assemblée nationale depuis 2022. Infatigable défenseure de son territoire, aux avis souvent clivants, la députée qui siège au sein du groupe Liberté et Territoires (Liot), affirme arrivé à Mayotte lundi. Elle a accompagné et interrogé Emmanuel Macron jeudi lors de sa visite.
Alors que le cyclone aurait pu causer des centaines de morts, elle continue les interviews pour alerter sur les conséquences “drame” que les Mahorais vivent, exigeant des actes de l’État, tout en tirant des flèches sur le gouvernement. “Que le nouveau Premier ministre décide d’aller en conseil municipal, je trouve ça obscène”elle a jugé sur franceinfo mardi, la décision de François Bayrou de se rendre au conseil municipal de Pau (Pyrénées-Atlantiques), dont il est maire, et d’assister par visioconférence à une réunion de crise sur la situation à Mayotte.
La veille, elle déplorait sur le réseau social « arrivé le premier sur le territoire dévasté » alors que “Les parlementaires mahorais n’étaient pas invités” pour l’accompagner.
Meilleure élue députée aux législatives de juillet 2024, avec 79,48 % des voix au premier tour, Estelle Youssuffa était à la tête d’un collectif de citoyens de l’archipel avant d’entrer en politique lors des législatives de 2022. L’ancien journaliste, fin communicant, est né à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) “d’un père mahorais” avant de grandir dans l’archipel, rapporte 20 minutes.
Inconnue du grand public jusqu’en 2018, elle s’est fait remarquer sur les plateaux de télévision lors du mouvement social contre l’insécurité, rapporte Mayotte La 1ère. Elle se distingue surtout par ses positions radicales contre l’immigration comorienne. De quoi faire rapidement d’elle l’une des figures de proue du mouvement anti-immigrés qui se forme sur le territoire.
Marquée à droite, mais élue sans étiquette, elle promet de s’allier à ceux qui feraient avancer les choses pour Mayotte. « Les questions que nous soulevons [ici] ne sont pas les mêmes qu’en France métropolitaine. Quel parti national inclut l’approvisionnement en eau dans son programme ?elle a exposé à Mayotte La 1ère avant son élection en 2021, promettant d’être “un mercenaire” pour le département le plus pauvre de France.
Une fois sur les bancs de l’Assemblée nationale, Estelle Youssuffa devient élue « combatif, têtu, résolu et tenace »décrit une source parlementaire Liot à franceinfo. Du Palais-Bourbon, elle dénonce l’attitude des Comores, accusées de ne rien faire pour stopper les départs vers Mayotte. Invitée de « Télématin » sur France 2 en novembre 2022, elle lance un cri du cœur face aux violences qui touchent Mayotte. “Nous craignons un bain de sang. Le sentiment d’abandon fera s’effondrer les gens et finira par se faire justice lui-même. dit-elle avant de demander “lois exceptionnelles.
S’adressant à franceinfo, elle affirmait l’année suivante avoir inspiré le gouvernement à mettre en œuvre l’opération Wuambushu, qui visait à lutter contre l’habitat insalubre, l’immigration clandestine et la délinquance.
Le député en est convaincu : la population mahoraise partage son point de vue très ferme contre l’immigration, y compris lorsqu’elle décrit « bébés en papier » les enfants de femmes originaires des Comores et qui accouchent dans le département français. « Les positions que je défends sont partagéesexplique-t-elle à Franceinfo en août 2023. Je pense que les dizaines de milliers de personnes venues soutenir l’opération [Wuambushu] j’ai montré à tout le pays que je ne suis pas un fanatique isolé.
Dommage si ses coups de gueule trouvent écho chez des élus d’extrême droite, comme la députée du Rassemblement national (RN) Laure Lavalette dans un message posté sur X en juin 2023. « Le problème numéro un à Mayotte, c’est l’immigration clandestine. Et le seul parti qui aborde systématiquement ce sujet, c’est le RN.»s’est-elle justifiée à l’époque pour Politique.
Estelle Youssuffa se fait également remarquer pour son engagement contre le droit foncier dans son département. Début 2024, elle soutient la proposition du ministre de l’Intérieur de l’époque Gérald Darmanin d’un projet constitutionnel visant à supprimer le droit foncier à Mayotte, estimant sur BFMTV que cela “fin de la pompe d’aspiration” de l’immigration.
Malgré les critiques venant de la gauche et de certains avocats, Estelle Youssuffa a déposé une proposition de loi en ce sens en septembre dernier. « Mayotte a plongé dans l’asphyxie à cause d’un paradoxe juridique : le droit foncier, pilier de l’édifice républicain, et le visa territorialisé fixant légalement les étrangers à Mayotte, se sont transformés en leviers dysfonctionnels »elle se justifie ensuite dans un forum à Figaro. L’élue appelle ses collègues députés à « sortir des postures dogmatiques » verser “réinventer” les politiques.
Face à l’urgence de la situation actuelle, le député réclame désormais la mise en place d’un “état d’urgence” et le “déploiement de l’armée”. Fidèle à elle-même, elle a profité de son passage sur CNews lundi pour aborder la supposée absence de « gauchos bobos humanistes », réagissant à un message de Jean-Luc Mélenchon exprimant son indignation face à l’action du gouvernement à l’égard de Mayotte.
Depuis l’archipel, elle alerte avec force sur la situation catastrophique du 101e département français, dénonçant notamment les pillages. “Il y a un gros problème d’ordre public et de sécurité. Ne laissons pas Mayotte retomber dans le chaos.»explique Estelle Youssoufa mercredi à Figaroqui n’hésite pas à lui faire « la voix de tout un peuple ». Le député réfléchit déjà à la suite : « on ne va pas se reconstruire, on va simplement se construire »a-t-elle confié à franceinfo mardi, avec un sens de la formule qui est devenu sa marque de fabrique.